Le lent déclin de l’enseignement en France…
Le tweet du jour, c’est ce thread que Twitter m’a poussé hier soir, suite à un retweet de Laurent Alexandre, sur le lent déclin de l’enseignement en France. Ils ‘agit d’une analyse, sur la base des données diffusées de manière publique par le ministère de l’Éducation Nationale, des statistiques de succès au bac, sur les trente dernières années, plus précisément de 1987 à 2019, via les données de la DEPP.
OO DE LALLY ! OO DE LALLY ! J’ai récupéré les stats du Bac 2018 ! Le Bac change de formule, il ne sera plus vraiment comparable, mais je dispose des 32 dernières années pour observer quelques data.
— Toniologique (@Tonio_Logique) 26 mai 2019
Un THREAD qui offre quelques surprises… poke @dr_l_alexandre
Déroulez ! pic.twitter.com/PiS8OhYjGN
Que constate notre ami Twittos? Plusieurs choses.
- En une trentaine d’années, le nombre de candidats au bac est passé de 250 000 à près de 400 000 ! Une progression surréaliste de deux tiers de candidats en plus.
- Si les filières scientifique et économique se maintiennent, en revanche la filière littéraire s’effondre.
- Le taux de réussite, lui, n’a eu de cesse de progresser, comme l’indique le graphe ci-dessous:
8/n Taux de réussite tous > à 90% depuis 2013 … Oui, se rater est bien compliqué ! Progression impressionnante pour l’Eco qui passe de 64% à 90% ! Cela dit, de 88 à 97, la moyenne était stable pour l’ensemble à ~75% …
— Toniologique (@Tonio_Logique) 26 mai 2019
On est passé de ‘presque tt le monde’ à ‘tout le monde’ pic.twitter.com/IvZKQDzGu0
- Idem pour le taux de mentions (AB, B, TB), passé de 20% à 60% toutes filières confondues
- Le taux de mentions TB, lui, s’envole littéralement, passant de 0,4% à plus de 12%!
13/n Ci-dessous, le nombre de mentions TB (en rose, échelle de gauche), et le nombre de candidats (bleu, à droite).
— Toniologique (@Tonio_Logique) 26 mai 2019
Encore une fois, ne réglez pas votre écran. C’EST NORMAL.
En 87, on a eu 738 mentions TB au Bac Gén sur toute la France (255k candidats). On a en 2018 : 49 718 TB pic.twitter.com/7LXjgZefI0
Que déduire de tout cela? Qu’on donne le bac à tout le monde ou presque? Qu’une mention au bac ne veut quasiment plus rien dire? Que la sélection ne s’effectue plus dorénavant à l’issue du cycle collège-lycée, mais après le bac? La réponse à ces questions est probablement positive.
Cette analyse reflète également un changement majeur de notre société. À la fin des années 80, la France disposait encore d’une industrie forte dans de nombreux domaines, les services n’étaient pas si développés. Trente ans plus tard, notre industrie s’est mutée, s’est automatisée, pour les branches qui en survivent. C’est vers le tertiaire que doivent s’orienter les jeunes. Était-il raisonnable de maintenir les filtres en cours il y a 30 ans? Probablement non. Le « relâchement » qu’indiquent ces statistiques quant à l’obtention du bac est probablement corrélé à cette évolution.
Ce relâchement a eu comme effet induit de permettre à de plus en plus d’élèves de s’en sortir avec des moyennes honorables, et d’accéder à une mention. Il atteste autant, finalement, d’un affaiblissement du niveau global de nos bacheliers, que de la disparition des moyens de sélection dont on disposait pour orienter les élèves vers les filières d’excellence. Car ce n’est pas en facilitant un peu plus chaque année l’accès au baccalauréat à un plus grand nombre d’élèves, qu’on les transformera automatiquement en excellents élèves…
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Hervé Kabla, ancien patron d’agence de comm’, consultant très digital et cofondateur de la série des livres expliqués à mon boss.
Crédits photo : Yann Gourvennec
Petit erratum. Tu veux dire de 1987 à 2018 et non 1987 à 1919.
Bien vu, en effet, je corrige
Je crois bien que l’on dit aux jeunes que leur niveau baisse au moins depuis la Grèce antique,ceci en parallèle avec le déclin de l’enseignement , de l’autorité des anciens….
Le niveau du bac baisse-t-il ? Probablement, mon grand père me le disait déjà.
La question que je me pose, c’est si chaque génération sort du système éducatif avec un niveau supérieur à celui de la génération précédente et si ce niveau permet aux individus d’avoir la vie qu’il souhaite.
La réponse est sûrement plus difficile à donner !
Ouais, pas sûr qu’à la sortie du Moyen-Âge, le niveau ait tant baissé que cela…
Maintenant, avoir la vie qu’on souhaite, c’est un autre débat. J’ai croisé des gens très bien qui n’ont toujours pas trouvé la réponse à cette question un demi-siècle après leur bac…
C’est un combat ! !
Juste pour faire l’avocat du diable… Si en fait c’était le niveau d’enseignement qui avait progressé et que les élèves arrivaient mieux à assimiler et à restituer leurs connaissances, la courbe serait identique non ? Car après tout il s’agit d’un examen normé et non d’un concours…
Pas si normé que cela. Les programmes évoluent. Pour ce qui concerne les maths, par exemple, le niveau d’exigence a sombré en 30 ans.
Pour ma part je trouve cela normal. J’ai fait une année de terminale dans un lycée aux USA, les niveaux n’ont rien à voir, et je ne suis pas convaincue que notre niveau d’extrême exigence (notre terminale = un Bac+2 américain environ) soit utile. Je trouverais cela plus intelligent de réduire le temps sur les maths, la physique, la littérature etc au profit de la découverte de connaissances concrètes (la mécanique, la cuisine, l’ingénieurie, le commerce, la médecine, la poterie, la comm…). Pour pas qu’on envoie des jeunes en école spécialiste alors qu’ils n’ont jamais touché au sujet avant.
Ce serait la pire chose à faire. Le niveau en histoire et en littérature s’est effondré en 40 ans, le niveau en maths est extrêmement médiocre. L’école républicaine a pour but de créer des citoyens dotés d’un minimum de culture, son but n’est pas de servir les entreprises du marché ou l’ANPE. D’ailleurs ce but elle ne le remplit déjà plus : lorsque j’étais moi-même lycéen dans les années 80-90 j’étais déjà pleinement conscient de la nullité des programmes. Et pas seulement des programmes. Les enseignants étaient souvent incompétents et incultes : j’ai même eu une prof d’histoire qui ignorait l’existence de l’embargo américain autour de Cuba.
Honnêtement, je ne pense pas que savoir dériver des fonctions soit essentiel à la survie dans notre monde 🙂 Le niveau en Maths en France en sortant de lycée reste loin devant de nombreux pays occidentaux. Et, même ayant fait S spé Maths, je ne cautionne pas l’admiration porté pour les maths. La plupart des métiers n’ont pas besoin d’avoir un niveau tel que celui de la terminale pour les pratiquer brillament, ils ont tout le temps de voir les intégrales et les nombres imaginaires en études sup lorsque c’est pertinent.
Je tiens à rajouter que le niveau du bac et l’incompétence de quelques professeurs sporadiques ne sont pas nécessairement liés. On a tous eu à faire à des gens incompétents dans leur domaine quelque soit le métier, malheureusement c’est dans la nature des choses. La grande majorité de mes professeurs étaient des gens passionnés et instruits (même si j’ai aussi de belles anecdotes de professeurs idiots).
Quant à « créer des citoyens dotés d’un minimum de culture », mon cher Sylvain, je vais choisir de le prendre sur un ton sarcastique, car j’estime que survivre en tant qu’adulte et trouver un métier qui nous passionne reste tout de même bien plus important qu’être cultivé. Vous connaissez l’adage, la culture c’est comme la confiture…
Mais si cela peut vous assurer, des élèves de deuxième année de français (de la seconde à la terminale) aux USA en école publique me demandaient en 2009 si la France avait internet, des stations essences, et des grands couturiers… Mais oui, je sais, il y a toujours pire que nous et ce n’est pas une excuse pour demeurer médiocre.
@Chloe La baisse du niveau culturel est d’autant plus grave qu’elle a d’importantes conséquences sur la société entière : c’est elle qui nourrit les extrémismes les plus radicaux et les plus dangereux. Un exemple, le fait que l’Histoire global de l’esclavagisme ne soit pas enseignée a d’immenses répercussions ; la plupart des gens ignorent l’existence de la traite transsaharienne alors qu’elle a été beaucoup plus importante que celle pratiquée par les occidentaux (la traite transatlantique). Si cette réalité historique était connue, cela couperait l’herbe sous les pieds aux discours des islamistes et des fachos indigénistes, discours basé sur l’ignorance des faits. Rendez-vous compte des conséquences du non-enseignement de l’Histoire sur la société entière !
Mon prof d’histoire quant à lui nous avait dit que l’on avait récupéré l’Alsace et la Lorraine en 1945.
portée*
Le plus intéressant peut-être est que tout ceci est le résultat d’une série de réformes apparemment innocentes dont les conséquences probables n’ont jamais été évoquées.
La principale de ces conséquences est que l’ascenseur social ne fonctionne plus. Désormais quelqu’un qui n’habite pas au « bon endroit » n’a quasiment aucune chance d’entrer dans une école « d’élite », même si le niveau de cette école n’a probablement plus aucun rapport avec ce qu’il fut il y a encore quelques décennies. On parle beaucoup de la croissance des inégalités. Il est probable qu’elle vient, en grande partie, d’ici. Un sujet dont une démocratie digne de ce nom devrait débattre ?