Le football est-il un sport de lève-tôt ou de couche-tard ?
L’actualité sportive de la semaine a été marquée par le coup de gueule de Thomas Tuchel, le sympathique entraîneur du PSG, contre les matches joués trop tard. Pour lui, c’est une aberration de jouer à 21 heures, et pour des raisons plus variées qu’on ne pourrait le croire. S’il met en avant, dans un premier temps, l’impact sur le physique de ses joueurs, contraints de se coucher à des heures tardives lorsqu’ils jouent en nocturne à l’extérieur (4 fois dans les deux semaines à venir), il poursuit son argumentation par une étonnante anecdote sur les écoliers…
Je suis parfaitement d’accord avec ses propos. J’ai longtemps joué au football, en amateur bien sûr, et toujours en journée. Je n’ai joué en nocturne qu’à deux occasions: avec l’équipe amateur d’Optical Center, et lors du championnat inter-agences d’urban football, il y a trois ans. Et à chaque fois, je n’ai vraiment pas apprécié l’expérience. La gestion du terrain, la vision du jeu, n’est absolument pas la même quand on passe d’un éclairage naturel à en éclairage artificiel: des ombres supplémentaires apparaissent, les reflets ne sont pas les mêmes, la perception de la vitesse du ballon ou des joueurs, ou l’évaluation des petits défauts sur le terrain, qui peuvent parfois provoquer des blessures lors de réceptions hasardeuses.
Et d’un point de vue purement physique, c’est une horreur. Les organismes sont fatigués, en soirée. Après le match, le corps est surexcité, et a du mal à trouver le sommeil. Le métabolisme est perturbé, et il devient difficile de se remettre au travail le lendemain matin. Il n’est ps étonnant que Tuchel mette sur le compte de ces matches nocturnes la proportion grandissante de blessures de joueurs. Le rythme et la vitesse du jeu, de nos jours, ne sont pas les seuls facteurs qui l’expliquent.
Quant aux propos sur les jeunes spectateurs, Tuchel a bien entendu raison. Regarder les matches à la télévision, le soir, conduit les familles à se coucher plus tard, ce qui induit des perturbations sur le sommeil des plus jeunes, et une récupération plus difficile le lendemain, quand il faut aller à l’école. Sans compter les quelques occasions, dans l’année, où il y a contrôle ou devoir surveillé un lendemain de match.
Bien entendu, il n’est pas possible de changer complètement de mode de fonctionnement. Les matches internationaux, par exemple, doivent se dérouler en soirée, pour permettre à des publics distants de pouvoir regarder les compétitions à des horaires décents, en semaine. Mais je me souviens que du temps de ma jeunesse, les matches de première division (on ne parlait pas de L1 à l’époque), s’ils se déroulaient le soir, avaient lieu le samedi soir, ce qui permettait aux jeunes supporters et aux joueurs de récupérer par une grasse matinée, le dimanche.
C’est avec l’apparition de Canal+ et des matches diffusés le vendredi ou le dimanche soir que les choses ont commencé à changer. On s’est rendu compte qu’en étalant une journée de championnat sur deux ou trois jours, on pouvait capter plus de téléspectateurs, et donc plus de revenus publicitaires. Et qu’on avait plus d’audience en soirée qu’en après-midi. Je me souviens également être allé au Parc des Princes pour voir le PSG jouer en après-midi, vers 15 ou 16 heures. Un horaire plus décent pour les familles.
Les autorités du football feraient bien de prendre les propos de Tuchel pour autre chose qu’un coup de gueule occasionnel.
Il en va de santé publique, de celle des spectateurs comme de celle des joueurs.
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Hervé Kabla, ancien patron d’agence de comm’, consultant très digital et cofondateur de la série des livres expliqués à mon boss.
Crédits photo : Yann Gourvennec