Le dernier développeur Cobol est-il né ?
Comme de nombreux autres juifs pratiquants, il m’arrive, lors de séjours à l’étranger, passer shabbat dans un des nombreux centres Chabad qui existent un peu partout dans le monde. Ils sont apparus il y a quelques dizaines d’années, probablement à l’instigation du rabbi, qui a poussé ses « envoyés » à créer des lieux où n’importe quel juif, quel que soit son niveau de pratique, pourrait trouver un lieu de vie communautaire, de la nourriture cachère et même, si le lieu est suffisamment fréquenté, un minyan pour dire kaddish.
Lors de ces repas communautaires, on croise alors des coreligionnaires venus des quatre coins du monde. Des français, souvent, mais aussi des américains, des brésiliens, des canadiens, des anglais, des australiens. Et, bien sûr, quelques israéliens. Ces temps-ci, ils se font rares, la crise qui sévit depuis plusieurs mois ayant un impact fort sur leur propension à faire du tourisme alors que leurs camarades sont impliqués dans un conflit qui dure.
Mais le week-end dernier, jes sui bien tombé sur une poignée de touristes israéliens, plutôt jeunes, et de passage en Europe pour des raisons variées. L’un d’elle était une actrice en plein tournage. Un autre était informaticien, en période de transition entre deux emplois. Mais la troisième personne à qui je m’adressais me surpris plus que tout autre.
« Je travaille dans l’informatique, je suis développeuse en Cobol ».
Je suis resté pantois.
Une développeuse en Cobol ? Qui plus est âgé d’à peine une trentaine d’années ? Qu’est ce qui peut pousser une jeune diplômée à travailler avec des outils qui ont vu le jour il y a plus de 60 ans ? Dans un pays qui se qualifie de start-up nation, où sont nés certains des logiciels les plus brillants, dans ce pays où fleurissent les experts en cybersécurité et en marketing digital, dans ce pays où la high-tech est un vecteur de croissance, pourquoi faire du Cobol ?
« Mes parents sont eux aussi informaticiens, ils travaillent dans le secteur bancaire, eux aussi en Cobol ».
C’était donc le fin mot de l’histoire. Comme les matheux font des matheux, les financiers font des financiers, les agents immobiliers font des agents immobiliers, les dentistes font des dentistes. Et les programmeurs en Cobol font des programmeurs en Cobol. La boucle était bouclée.
En réalité, et c’est une réalité dont on n’a pas forcément conscience, il existe encore plusieurs dizaines de milliers de développeurs en Cobol dans le monde. D’ailleurs, je ne sais pas si le terme de développeur est adapté pour ce type d’emploi. Il me semble qu’il s’agit plus, en l’occurrence, de maintenir en vie des systèmes créés il y a quelques décennies, plutôt que de créer de nouvelles applications, selon un vieil adage qui veut qu’on ne touche pas à quelque chose qui fonctionne…
On peut donc aujourd’hui avoir une trentaine d’années, habiter dans le pays qui a vu naître Waze et qui compte plus d’usines Intel au km2 que n’importe quel autre pays, et fair edu Cobol dans une banque.
High-tech, low-tech, finalement, ça reste de la tech.
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Hervé Kabla, ancien patron d’agence de comm’, consultant très digital et cofondateur de la série des livres expliqués à mon boss.
Crédits photo : Yann Gourvennec