Le ChatGPT sifflera trois fois…
Les start-up, ça fait souvent rêver… Mais ça peut tout aussi bien tourner au cauchemar, ou au sac de noeuds, comme les événements récemment advenus chez OpenAI l’ont illustré. OpenAI, vous connaissez, bien sûr ? C’est cette structure un peu particulière, construite comme une entité à but non lucratif adossée à une société tout ce qu’il y a de plus commerciale, à qui l’on doit le génial outil qui nous aide à réagir des emails, restructurer notre code informatif ou jouer à poser des questions stupides, j’ai nommé : ChatGPT.
Sorti il y a près d’un an, ChatGPT a chamboulé l’univers de l’IA, en mettant entre les mains du commun des mortels un outil capable de répondre comme un humain – bonjour le test de Turing…- à des questions posées par des humains. Le tout à base de modèles algorithmiques principalement probabilistes, très gros consommateurs d’énergie. Ce succès a tapé dans l’oeil de Satya Nadella, le génial patron de Microsoft, qui s’est fendu d’une mise de 10 milliards de dollars il y a quelques mois dans la structure commerciale.
Dans la structure commerciale, oui.
Mais pas dans la structure à but non lucratif.
C’est peut-être un détail pour vous, mais pour certains…
Acte I, scène 1
Vendredi dernier, coup de théâtre. On apprend que le conseil d’administration d’OpenAI a viré son président et cofondateur, Sam Altman. Petite vedette de la Silicon Valley depuis quelques années, l’ancien président de l’incubateur à succès Y-combinator souhaitait donner un coup d’accélérateur à l’activité commerciale. Cela n’était pas du goût des administrateurs, apparemment, qui l’ont viré avec son numéro deux.
Ce n’était vraiment pas malin. Laisser une pointure comme Altman dans la nature, par les temps qui courent, c’est plus que risqué. Si de nombreux acteurs du digital se sont déjà dotés de produits concurrents (Google avec Bard, bientôt Twitter avec Grok), il reste encore quelques requins de haut vol qui aimeraient bien s’approprier ce type de talent (Apple, Amazon, par exemple, dont les outils comme Siri ou Alexa montrent de sérieuses limites en gestion des langages naturels).
Acte I, scène 2
Coup de théâtre le surlendemain, Microsoft officialisait l’arrivée d’Altman et de son adjoint au sein d’un département IA à tailler à sa mesure, en termes d’équipe ou de ressources. Autrement dit : j’ai mis 10 milliards de dollars dans le jouet, les cocos, c’est pas pour voir des sagouins le saccager en visioconférence…
Pas sûr qu’Altman ait envie de jouer la carte politique chez Microsoft, mais bon, le Microsoft de Nadella n’est pas le Microsoft de Balmer ni celui de Bill Gates. En une dizaine d’années, la société s’est lancée dans de courageuses initiatives, a pris une part de marché respectable dans le cloud, s’est sortie du couple infernal Office + Windows. Bref, un Microsoft boosté à l’IA à la sauce Altman, ça aurait de la gueule.
Acte I, scène 3
On apprend désormais que la quasi totalité (700 sur 770 ai-je lu quelque part) des salariés d’OpenAi souhaitent quitter la boîte si Altman ne revient pas. Les amateurs de référendum populaire ont de quoi se faire plaisir. Que fera Microsoft ? Laissera-t-il Altman revenir à la case départ, et faire le ménage une fois pour toutes ? Rachètera-t-elle toute la structure ?
L’avenir nous réservera, j’en suis sûr, encore pas mal de surprises du côté d’OpenAI. En revanche, du côté de l’innovation, j’ai bien peur que la société ait pris un bon coup sur la tête pour quelques mois.
Les partisans du moratoire sur les développements de l’IA sortent finalement grands vainqueurs…
PS 1 : N’allez surtout pas imaginer que ChatGPT a franchi la barrière qui sépare l’IA faible de l’IA forte, pour organiser ce petit coup d’état et prendre le pouvoir chez Microsoft, hein ?…
PS 2 : Fred Cavazza a sorti un très bel article, beaucoup plus sérieux, sur le même sujet
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Hervé Kabla, ancien patron d’agence de comm’, consultant très digital et cofondateur de la série des livres expliqués à mon boss.
Crédits photo : Yann Gourvennec