Le capitalisme sera éthique ou ne sera pas
En direct depuis la session pleinière de l’université d’été du MEDEF, une table ronde de grande qualité, arbitrée par Jean-Pierre Elkabbach: « le capitalisme sera éthique ou ne sera pas« : Michel Pébereau, Laurent Fabius, Christine Lagarde, Marc Ladreit de Lacharrière, Xavier Fontanet, etc.
Vous pouvez aussi suivre en direct les débats sur MEDEF TV. Ce sera l’occasion de constater le grand capitalisme de JP Elkabbach, capable d’interrompre Mr Pébereau pour mentionner que Laurence Parisot vient d’accueillir le nouvel (noter l’importance de cet adjectif) ambassadeur des Etats-Unis (l’ancien serait passé inaperçu) et l’inviter à suivre les débats en français.
Pour le reste, on retiendra ceci:
- Xavier Fontanet: cite la bible et mentionne qu’il a toujours considéré qu’il fallait « ne pas faire à autrui ce qu’on ne souhaite pas qu’on nous fasse »
- Michel Pébereau: considère que les normes comptables sont les principales responsables de la crise financière
- Marc Ladreit de Lacharrière : considère que la crise économique résulte d’une crise de la gouvernance américaine, et rappelle qu’il y a 151 agences de notation dans le monde (dont Fitch, société contrôlée par Fimalac)
- Christine Lagarde: se souvient très bien du week-end où le gouvernement Sarkozy sauva le monde de la crise financière.
- Jean-Pierre Jouyet: rappelle que le capitalisme n’est pas éthique de par sa nature, ce qui justifie la nécessité du régulateur. Plus de la moitié des transactions à Paris sont faites sur des marchés non régulés (et plus à Londres ou New York): c’est cela la dérive du capitalisme, et non le niveau de rémunération des traders (qui n’est qu’un symptome).
- Alexander Shokhin, président du patronat russe, nous a offert une pause rigolade intéressante, puisqu’il s’est exprimé … en russe (ni anglais, ni français). Christine Lagarde se tordait de rire à ses cotés. Et Elkabbach s’est même fait avoir en négligeant de se doter des écouteurs… pas étonnant qu’on ne parle plus de ce grand pays comme d’une puissance économique…
- Pierre Bellon: le capitalisme familial n’est pas plus éthique. Et de rappeler qu’on fait aussi des guerres au nom de l’éthique.
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Hervé Kabla, ancien patron d’agence de comm’, consultant très digital et cofondateur de la série des livres expliqués à mon boss.
Crédits photo : Yann Gourvennec
Le problème n’est-il pas en fait de trouver comment passer des bonnes paroles aux actions concrètes?
L’autorégulation par les entreprises elles-mêmes est assez difficile à concilier avec des impératifs de rentabilité. Non qu’il y ait une opposition intrinsèque. Simplement, il n’y a pas identité, ce qui veut dire que, parfois ou souvent, ils seront contradictoires. Comment alors s’assurer que, comme on le voudrait, l’éthique et la morale l’emportent toujours?
Il faut donc des contre-pouvoirs. Pas un seul, qui risquerait alors, lui aussi de dériver. Mais plusieurs qui finalement s’autoréguleraient:
– une vraie presse, dont tous les dirigeants accepteraient (même en grinçant parfois des dents) l’impertinence quand elle est pertinente, et l’irrespect quant il est simplement anticonformisme;
– des émanations des gouvernements, qui puissent guider et exprimer des recommandations au service du bien public et non seulement de tel ou tel secteur économique ou telle catégorie de dirigeants;
– des groupements de consommateurs, que ce soit par des associations ou directement par les class actions que le MEDEF a jusqu’à présent repoussées, mettant en avant les les PME alors qu’en fait ce sont les grandes entreprises qui sont les plus grandes bénéficiaires de cette impunité -voir par exemples les annuelles condamnations des 3 grandes sociétés de gestion de l’eau pour ententes abusives, ou de temps à autres les condamnations des grandes sociétés de téléphonie mobile (2 sur 3 sont aussi dans l’autre catégorie…);
– le MEDEF lui-même, s’il le voulait réellement pourrait aussi jouer un rôle déterminant, d’une part en travaillant avec les grandes entreprises à l’auto-moralisation, puis en publiant des règles et en faisant des enquêtes annuelles (institut indépendant SVP!) sur le suivi de ces règles…
Mais qui osera mettre fin à l’impunité des entreprises grandes et puissantes?
En tout cas, à en croire le titre de la conférence, le capitalisme est mal parti. Rien n’est éthique, et n’a l’air de vouloir s’améliorer. Du coup, on en revient à la réglementation, ce qui semble signifier que le « capitaliste » est, par nature, un irresponsable.
Ce qu’il y a de curieux, c’est que l’irresponsabilité est d’ordinaire réservée aux enfants en bas âge, et encore. D’ailleurs, il paraît que le « principe de l’honneur » guide la France (et « honneur » est incompatible avec irresponsabilité)
Comment en est-on arrivé à tolérer, et même à trouver naturelle, l’irresponsabilité d’une classe entière de citoyens?