Le candidat Macron
Voilà, c’est fait, le suspense a pris fin, Emmanuel Macron a officialisé sa candidature. Avec une mise en scène digne d’un polar de série B, depuis un CFA à Bobigny vidé de ses élèves pour l’occasion. Un mercredi matin, de telle sorte que le Canard Enchaîné ne puisse rien en dire avant une semaine… Que peut-on en retenir? Voici quelques questions que je me pose depuis ce matin…
Et il marche seul…
Qui est derrière Emmanuel Macron?
Depuis qu’il a quitté le gouvernement à la fin de l’été pour se lancer dans la campagne, Macron a eu le temps de structurer son mouvement, En Marche, et de partir récolter des fonds. C’est que, voyez-vous, mener une campagne présidentielle, cela coûte cher, et même très cher. L’affaire Bygmalion est là pour nous le rappeler, n’est-ce pas. Encore cinq mois à tenir avant le scrutin, cinq mois à organiser des meetings, rencontrer des soutiens, aller chercher des électeurs: pour que ça fonctionne, il faut de l’argent. Les candidats issus de partis déjà structurés peuvent s’appuyer sur ceux-ci, même si chaque élection est là pour nous rappeler que les méthodes de financement sont parfois discutables. Comment Emmanuel Macron, candidat sans parti, pourra-t-il faire le poids face aux trois gros partis? Et qui le soutient – au-delà du milliardaire récemment décédé et dont on parle peu? Cela mériterait quelques éclaircissements.
De la même manière, il sera instructif de voir d’où proviennent les 500 signatures nécessaires pour qu’il puisse déposer sa candidature. Viennent-elles de droite ou de gauche? Une surreprésentation de supports issus du parti socialiste en dirait long sur l’objectif réel de sa candidature…
Et après?
Je doute qu’Emmanuel Macron ait de réelles chances de s’imposer. Il parle bien, certes. Il est jeune, il a dix ans de moins que n’en avait Giscard lors de son élection. Mais cela ne suffira pas. Macron n’est pas non plus Donald Trump: le candidat américain hors système a été capable de faire un travail de séduction hors pair en direction des classes moyennes, Macron n’en a pas l’étoffe, il n’est pas assez peuple, ce n’est pas Bernard Tapie. Au mieux, je le crédite dans une fourchette 10 et 12%, un score à la Bayrou. Il peut espérer une troisième place, derrière la candidate FN et le candidat LR, mais pas une présence au second tour. La question de la suite se pose donc: pour qui se prononcera-t-il au second tour? Soutiendra-t-il le candidat de droite face au FN? Ou s’abstiendra-t-il de prendre position? Et au-delà de ce second tour, qu’adviendra-t-il de ce personnage atypique, en dehors de tout parti?
Macron, le candidat du centre au service de la gauche?
Qui votera pour ce candidat au profil si particulier, ancien banquier, passé par le secrétariat de l’Elysée, le ministère des Finances, porteur d’une loi qui aurait pu faire avancer les choses mais s’est vite retrouvée vidée de sa substance? Je doute que son électorat se situe à gauche. Macron n’est pas le candidat des quartiers populaires: trop propre, trop lisse, trop représentatif d’une certaine élite. Son électorat n’est pas non plus à droite: il n’attirera pas grand monde du côté des supporters de la droite la plus vindicative (tendance Sarkozy) ni de l’extrême. Non, l’électorat de Macron se situe plutôt au centre. Un électorat que Bayrou aurait pu séduire (mais il n’est pas candidat, à ce que je sache), et qui pourrait être tenté par un projet Juppé. Macron ressemble plus à un missile élyséen destiné à aspirer les voix du centre et d’en priver le futur candidat des Républicains.
En réalité, la candidature Macron ne sert qu’un seul intérêt: celui du candidat François Hollande. En affaiblissant le candidat LR de quelques centaines de milliers de voix, il offre une fenêtre de tir, même minime, au futur candidat du parti socialiste: arrêtez de vous voiler la face, personne n’ira porter le flambeau du PS à part lui, personne n’a envie de se griller. Et si ce stratagème lui permet de se faire réélire, je suis certain que François Hollande n’aura aucun scrupule à tendre la main à son ancien protégé pour lui proposer un poste de premier ministre.
A suivre…
PS: Pour ceux qui l’auraient ratée, voici l’étonnante vidéo de l’annonce de sa candidature (cliquer dessus pour démarrer).
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Hervé Kabla, ancien patron d’agence de comm’, consultant très digital et cofondateur de la série des livres expliqués à mon boss.
Crédits photo : Yann Gourvennec