Le bouchon solidaire, ou l’enfer au quotidien
Vous l’avez surement remarqué, depuis plusieurs mois, les bouteilles en plastique dotées d’un bouchon vissé sont devenues de moins en moins pratique : le bouchon qui autrefois était simplement vissé est désormais vissé et attaché à la bouteille dont il réalise l’obturation. Ce petit mécanisme qui peut vous sembler inutile est même devenu obligatoire depuis l’entré en vigueur d’une réglementation européenne, le 3 juillet dernier. On parle désormais de bouchon solidaire…
Bouchon solidaire vs. bouchon solitaire
Quel est l’objectif visé par cette directive ? Tout simplement réduire le nombre de bouchons errants, qui finissent par s’accumuler dans les égouts et par polluer la planète. En attachant les bouchons à leur bouteille, on réduit le nombre de bouchons baladeurs, car après avoir vidé la bouteille de son contenu, elle est jetée avec son bouchon. En théorie, voici donc une mesure judicieuse, qui va dans le bon sens, celui d’une réduction de l’empreinte de l’Homme sur cette planète qui nous héberge…
Dans la réalité, c’est moins simple qu’il n’y paraît. D’abord, au regard du nombre de bouteilles en plastiques consommées sur Terre (500 milliards par an), le nombre de bouchons errants est semble-t-il ridiculement bas (quelques centaines de millions). Ils représentent cependant une part importante de la pollution plastique, et finissent par encombrer les plages, si ce n’est l’estomac de nombreux espèces d’animaux marins…
Les risques du métier
Mais au lieu de gaver les poissons, le bouchon attaché à la bouteille est actuellement en passe de rapidement gaver l’espèce humaine. Car il est devenu de plus en plus difficile de boire proprement au goulot. Passe encore lorsqu’il s’agit d’une bouteille d’eau, le seul risque étant de se mouiller, ce qui peut parfois être moins désagréable qu’il n’y paraît.
Mais si par malheur vous avez choisi d’ingurgiter un Coca ou pire, un Yop, comme cela m’arrive très souvent, c’est nettement plus problématique. Si vous essayez de boire avec le bouchon attaché, vous prenez alors le risque de voir une partie de votre Yop vous glisser dans le col de la chemise, voire sur la chemise elle-même. Car le Yop étant légèrement visqueux, une fine pellicule de Yop se dépose, après avoir agité la bouteille (il faut toujours agiter son Yop, c’est impératif), au creux du bouchon, qui, une fois ouvert, se trouve en position idéale pour se libérer de la pellicule citée précédemment.
Résultat : le seul moyen de boire proprement un Yop – ou un Coca d’ailleurs – à la bouteille, c’est de détacher le bouchon de la bouteille, ce qui reste toujours possible, le législateur européen ayant admis qu’on puisse parfois être contraint de déboucher définitivement la bouteille.
On revient alors à la situation initiale, celle contre laquelle l’Europe était censée lutter : le bouchon solidaire redevient un bouchon solitaire, libre de ses mouvements…
Moralité : le mieux est l’ennemi du bien…
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Hervé Kabla, ancien patron d’agence de comm’, consultant très digital et cofondateur de la série des livres expliqués à mon boss.
Crédits photo : Yann Gourvennec