Le bordel, c’est maintenant !
Un mois après l’annonce de la dissolution par le président de la République, nous savons désormais à quelle sauce nous allons être mangés : imaginez un cuisinier qui mélange moutarde, harissa, beurre, huile d’olive et jus de viande, y ajoute un bon verre de gros rouge qui tâche et un fond de tasse de café. Peu ragoûtant ? C’est pourtant l’impression que me laisse cette nouvelle assemblée dont aucune majorité ne se dégage, comme on pouvait déjà plus ou moins s’en douter.
Si on y regarde de plus près maintenant, quelles conclusions peut-on tirer de ce nouveau tirage du loto ?
Une gauche pas si forte qu’elle le prétend…
La coalition qui avait pris le nom de Nouveau Front Populaire arrive en tête en nombre de sièges. Avec 182 députés, ils devancent le bloc Ensemble pour la République (168 sièges) et le bloc du RN et alliés (143 sièges). Mais le père Mélenchon a beau fanfaronner et faire le malin sur les écrans de télévision, ce n’est pas encore le grand soir. Le bloc LFI, apr exemple, est passé de 75 députés en 2022 à 74 en 2024 : ça a tout l’air de pédaler dans la choucroute pour les amis de Méluche, qui devra faire appel à toute sa roublardise pour venir à bout des Verts, passés de 23 à 28 sièges, et des socialistes, passés de 31 à 59 sièges. Et oui, mine de rien, le seul parti de gauche qui ne progresse pas, c’est celui qui paradait avec Grimace lassante au soir du premier tour. Comme quoi, il y a une justice sur cette terre… Et pourtant, malgré cela, Mélenchon profitera certainement de la tendresse des Verts et de la couardise des socialistes pour imposer son point de vue…
Un parti présidentiel entre l’enfer et le purgatoire…
On aurait pu croire que le parti présidentiel disparaitrait du paysage politique au soir du 7 juillet, mais les habiles manoeuvres de l’entre deux tours ont permis au bloc centriste de limiter les dégâts. Alors certes, il ne représente plus, en nombre de sièges, que la deuxième force politique du pays – et peut-être que cela ne durera que quelques heures tant on a l’impression que ce bloc peut imploser. En passant de 172 à 102 députés, LREM reste cependant devant chaque constituant du bloc de gauche, et seul le RN peut se targuer de faire mieux. Horizons, le sous-parti d’Edouard Philippe, s’érode en passant de 30 à 25 députés, tout comme le MoDem qui s’est atomisé en chemin, passant de 48 sièges (avec d’autres représentants du centre) à 33 représentants.
Un RN aux portes du paradis…
C’est le Rassemblement National qui s’en sort le mieux, passant de 89 à 126 députés. Le parti de Marine le Pen n’est pas parvenu à venir à bout des alliances passées entre ses adversaires pour atteindre la majorité absolue. Mais avec un quart des députés, il est devenu le premier parti politique en France. Reste à savoir si la greffe avec l’aile droite des Républicains prendra, et pendant combien de temps Eric Ciotti et ses amis souhaiteront partager le chemin de leurs nouveaux amis. Car paradoxalement, LR est le seul groupe resté stable : 62 élus en 2022, 45 + 17 en 2024. Sauf que les 17 en question ont franchi le Rubicond..
Ainsi, en faisant imploser le parlement il y a un mois, Emmanuel Macron a réussi à réduire l’impact de son parti à celui d’un groupe d’opposition affaibli et en plein doute, à redonner un peu de couleurs à une gauche qui ne saura sans doute pas s’en servir, et à renforcer sensiblement l’impact et la visibilité du RN.
Pour un président qui se voulait être un barrage aux extrêmes, c’est sacrément réussi, non ?
Tout ça pour ça ?
Finalement, je finis par partager le point de vue d’un de mes amis qui m’a sagement expliqué que le projet macronien était vicié dès l’origine. En voulant supprimer la droite et la gauche, et en ne laissant plus de place qu’aux extrêmes, il signifiait dès l’origine qu’il se présentait comme l’unique parti possible, soit un déni de démocratie comme on en a rarement vu.
Bref, Emmanuel Macron a réussi à bordeliser le paysage politique français.
Avant de le Bardelliser.
Il ny a pas de quoi se réjouir.
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Hervé Kabla, ancien patron d’agence de comm’, consultant très digital et cofondateur de la série des livres expliqués à mon boss.
Crédits photo : Yann Gourvennec