La vidéo-surveillance, on en parle ?
Un des bienfaits inestimables du développement de l’Internet et des technologies qui en découlent – comme les smartphones – c’est qu’ils inversent assez souvent les rôles et les hiérarchies présupposées. J’en veux pour preuve l’affaire qui est en train de se développer autour de l’hôpital de Pitié-Salpêtrière (décidément, chaque année, il y a quelque chose qui dérape le 1er mai…). Une vidéo, captée par le personnel de l’établissement, est venue contredire les propos du ministre de l’intérieur. On y voit les manifestants non pas mener une attaque contre l’hôpital, mais plutôt tenter de s’y réfugier.
C’est là tout le paradoxe. Alors qu’il y a quelques années, on s’insurgeait contre l’apparition de caméras de vidéo-surveillance dans certaines villes de région parisienne et d’ailleurs, on s’est peu à peu glissé dans un monde où la vidéo-surveillance est devenue permanente, et totalement hors de contrôle, grâce à la diffusion de smartphones équipés de caméras d’une résolution bien meilleure que celle d’il y a vingt ans, et dont les contenus inondent le web et les réseaux sociaux à longueur de journée. Là où l’on pensait piéger le citoyen, c’est le citoyen qui piège le pouvoir.
Est-ce un bien? Est-ce un mal? Ni l’un, ni l’autre, tout dépend des usages qu’on en fait, et de la mise en contexte des images diffusées. L’inventeur du couteau, s’il a existé, ne s’est pas posé la question du bien ou du mal lié aux usages de l’outil qu’il avait entre les mains : il s’en est servi, un point c’est tout. Depuis, certains se servent de couteaux pour manger (les plus nombreux), d’autres pour blesser leurs prochains (heureusement beaucoup plus rares). Il en est de même avec la vidéo-surveillance.
On pourra réfléchir, ainsi, à la porté des images diffusées ces derniers mois, autour de la vidéo-surveillance des citoyens chinois, et de l’outil de notation de ces derniers, sur la base de leurs engagement sociétaux. De premier abord, on pourrait se croire dans un monde totalitaire, où la surveillance permanente, érigée en principe national, éloigne un peu plus es citoyens chinois des libertés individuelles. En en discutant avec quelques interlocuteurs lors de mon dernier voyage en Chine, je me suis rendu compte que ce jugement était peut-être prématuré. La « note sociale » établie par ces plateformes n’a pas pour objectif de sanctionner les individus, mais de les replacer dans le « droit chemin ». Ce système d’alerte en temps réel n’est pas plus totalitaire ni plus liberticide que ceux induits par les grandes religions, qui ont pendant des siècles orienté les actes et les choix des individus sous prétexte d’une meilleure vie dans un monde futur. Au moins les bénéfices des systèmes de vidéo-surveillance actuels, eux, ont-ils une portée dans le monde présent…
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Hervé Kabla, ancien patron d’agence de comm’, consultant très digital et cofondateur de la série des livres expliqués à mon boss.
Crédits photo : Yann Gourvennec