La révolution sans chanter
Cette coupe du monde, que beaucoup voulaient annuler ou boycotter, est pourtant un formidable révélateur des dysfonctionnements de ce monde. La fenêtre momentanément ouverte sur le petit écran de centaines de millions de téléspectateurs permet de faire remonter à la surface les souffrances de ceux qui ne jouissent pas des mêmes libertés que nous. Les médias nationaux évoquent, par exemple, ces la population chinoise, exaspérée par des mois de confinement strict dans le cadre de la politique zéro-covid mise en place dans leur pays, et qui, en regardant des foules sans masques dans les stades de Doha, comprennent que la lutte contre la pandémie ne prend pas la même forme partout.
Et que dire de cette étonnante équipe de foot iranienne, qui s’est permis de rester silencieuse pendant l’hymne national lors de son premier match ? Que fera-t-elle au prochain match ? Chantera ? Chantera pas ? Nos médias nationaux, si prompts à déceler des signaux faibles un peu partout, ont immédiatement fait le lien avec la révolution toujours en cours en Iran. Possible, mais pas certain comme dirait l’autre. D’ailleurs, il paraît qu’ils ont retrouvé la voix pour le second match. C’est qu’il faut bien songer au retour à la maison, et aux sanctions qui peuvent suivre…
Ne soyons pas si sévères. l’essentiel aura été de rappeler à la face du monde qu’une révolution a toujours lieu au pays des Mollahs, qu’elle n’a toujours pas été étouffée. Que le mouvement de colère qui s’est emparé de la population de ce pays de plusieurs dizaines de millions d’habitants, après l’assassinat de la jeune Mahsa Amini il y plus de deux mois, ne s’est pas encore éteint. Mais jusqu’à quand pourra-t-elle durer ? Je me souviens des émeutes à Téhéran en 2011, et du mouvement de soutien sur Twitter un peu partout dans le monde. La sympathie de l’étranger n’a pas suffit renverser le régime en place, les barbares incultes et intolérants à la tête de ce pays depuis plus de 40 ans continuent de faire régner un ordre absurde, qui leur donne droit de vie ou de mort sur leurs concitoyens. Il faut lire le roman auto-biographique de Chahdortt Djavann pour mieux saisir de quoi il en retourne.
Sous le prétexte qu’une m^èche dépasse par ici, ou que le voile est de travers par là-bas, ces pauvres types se permettent de violer et de détruire les femmes de ce pays. Jusqu’à quand les pères, les fils et les maris tolèreront-ils cela ?
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Hervé Kabla, ancien patron d’agence de comm’, consultant très digital et cofondateur de la série des livres expliqués à mon boss.
Crédits photo : Yann Gourvennec