La mort des MOOC?
Mon ami Christophe Faurie, spécialiste du changement, tient un admirable blog depuis une dizaine d’années. Il y mixe, de manière quotidienne, des articles qui portent un regard acéré sur l’actualité, les évolutions de nos sociétés ou de nos usages, et les non-dits qui sclérosent nos vies. Ses nombreux livres méritent d’être lus et relus. Et ses articles sont toujours étonnants. Dommage qu’il en ait fermé les commentaires…
Dans une démarche de curation régulière, il y décode souvent l’actualité en s’appuyant sur des articles parfois iconoclastes, qui remettent en place certaines idées préconçues. C’est ainsi que, s’appuyant sur un article de University World News, il y affirme – étonamment – la fin des MOOC.
Comment, les MOOC seraient morts (et on ne m’aurait rien dit) ? Oui, c’est bien ce qu’affirme cet article issu d’une revue en ligne spécialisée sur l’éducation supérieure. Leur modèle économique s’essouffle, non pas en raison d’un manque de contenus, selon l’auteur, en raison de deux phénomènes: le fait que l’apprentissage par les MOOC requiert une discipline qui n’est pas forcément la valeur la plus communément répandue, et le fait que le MOOC n’a rien à voir avec l’enseignement dans une classe, où le contact visuel peut être établi avec le professeur, qui sait comment raccrocher l’élève dont l’attention s’égare, ou revenir sur des notions mal comprises.
À côté de ces remarques de bon sens, j’ai voulu faire un petit test avec Google Trends, pour voir si le déclin du MOOC se traduisait aussi par un impact sur le volume de requêtes depuis nos moteurs de recherche. Google Trends livre une analyse assez intéressante sur le sujet. Les résultats ne sont clairement pas les mêmes selon le pays auquel on s’intéresse. Voici quelques exemples, qui montrent la variation du volume de requêtes sur le terme MOOC, entre 2004 et 2019.
Comment interpréter ces graphes? Voici plusieurs pistes.
- Aux États-Unis, c’est clair, le terme MOOC génère moins de trafic, mais le nombre de requêtes ne tombe pas à zéro. Le MOOC suit le chemin de toute innovation: après la période de hype, ça retombe doucement jusqu’à devenir un standard.
- En Chine (comment Google y collecte-t-il des données, puisqu’on ne peut pas l’utiliser? Je l’ignore…), on est encore en phase de croissance.
- En Allemagne ainsi qu’en Israel, bizarrement, on s’intéressait aux MOOC avant tout le monde. A moins que ce terme ne désignât tout autre chose à l’époque.
- En Tunisie ou en France, le volume de requête continue de progresser: on n’a pas encore atteint la phase de régression.
- Enfin, le volume mondial reste relativement stable depuis fin 2013, date où les MOOC ont commencé à être connus. Plus précisément, si on s’intéresse aux creux du graphe « Tous pays confondus », là où les volumes de requêtes sont les plus bas, on observe que c’est pendant les mois de décembre et d’août. Contrairement à ce qu’on pourrait croire, ce n’est pas pendant les vacances que les candidats aux MOOC se livrent à leurs études, mais bien pendant les périodes d’activité.
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Hervé Kabla, ancien patron d’agence de comm’, consultant très digital et cofondateur de la série des livres expliqués à mon boss.
Crédits photo : Yann Gourvennec
Merci pour les commentaires flatteurs. (Quant aux commentaires de mon blog, ils sont fermés car inutilisables.)
Pour être honnête, je pense que le MOOC va suivre le chemin de ce que j’ai vu pendant la bulle Internet. En particulier, j’ai vu les premières tentatives de ce qui est devenu le « cloud » et qui subissait une forte résistance à l’adoption.
On a rêvé. Mais mettre au point un MOOC demande beaucoup de moyens, et du génie. Il faudra du temps de mise au point, et, probablement, un subtil mélange homme machine. Et rentabiliser l’affaire ne va pas de soi. Surtout, je soupçonne que l’avenir, et l’égalité, est à la formation continue pour autodidacte…