La guerre du Kippour, 40 ans après
Il y a un peu plus de 40 ans, le 6 octobre 1973, éclatait la quatrième guerre entre Israël et ses voisins. De tous les conflits qu’a connu ce petit état, c’est sans doute celui qui a laissé le traumatisme le plus fort. Voici quelques rappels pour mes lecteurs qui n’aurait pas une connaissance approfondie de cette période de l’histoire contemporaine, qui a eu des répercussions importantes sur l’économie et les équilibres mondiaux.
Le contexte
En juin 1967, l’armée israélienne avait remporté une victoire totale trois de ses voisins: l’Egypte, la Syrie et la Jordanie. Construite sur une attaque surprise qui réduisit à néant l’aviation syrienne et égyptienne dès les premières heures du conflit, cette guerre éclair, remportée en 6 jours, avait permis à Israël de conquérir de nouveaux territoires: Sinaï (sous domination égyptienne depuis 1948), plateau du Golan (sous domination Syrienne), Cisjordanie et partie orientale de Jerusalem (sous domination Jordanienne). Surtout, la guerre des Six Jours avait laissé une impression durable d’invincibilité de l’armée israélienne.
En octobre 1973, la perception globale n’a pas trop évolué. L’invincibilité ne semble pas devoir être remise en cause, et les rares confrontations qui eurent lieu durant les 6 années précédentes – 6 jours, 6 ans, un symbole? – n’avaient fait que confirmer cette perception. Bien au contraire, l’ennemi principal auquel Israël faisait face, depuis peu, était plutôt constitué de groupes terroristes, qui semaient la terreur depuis le début des années 70.
Pourtant, une analyse plus poussée des signaux faibles, plusieurs années plus tard, rendait presque certaine l’éventualité d’un nouveau conflit. La disparition de Nasser, remplacé par de jeunes officiers formés par l’appareil militaire russe, et avide d’une revanche sur les déconvenues du passé. Le départ des familles d’officiers russes, quelques jours avant l’ouverture des hostilités. Et jusqu’aux informations transmises par les services de renseignements – le gendre même de Nasser aurait servi d’informateur? – auraient dû mettre Israël en état d’alerte.
Mais comment réagir à de tels signaux? L’offensive menée aux premiers jours de la guerre des six jours avait abouti à une condamnation internationale quasi-unanime d’Israël – c’est depuis cette date que cessa la coopération militaire en la France et Israël, pourtant principalement équipé d’appareils construits par Dassault (Mystère, Mirage III) dans les années 60. Israël pouvait-il procéder à une nouvelle attaque surprise, au risque d’une nouvelle volée de bois vert? La réponse, quelques quarante années plus tard, est probablement positive.
Le déroulement des opérations
Je n’aurai pas la prétention d’une couverture détaillée de ce conflit, il existe d’excellents ouvrages sur le sujet, et l’article Wikipedia en français est, pour une fois, assez complet. Disons pour résumer, que les forces Syriennes et Egyptiennes attaquèrent de concert le jour de Kippour – qui, cette année là, tombait en plein Ramadan – et que l’effet de surprise fut, pour cette fois, du côté des pays arabes. Qu’Israël fut largement déstabilisé durant les premiers jours du conflit, notamment par la présence de missiles sol-air de fabrication soviétique (les fameux SAM 2, 3, 6 et 7) qui firent une hécatombe dans les rangs de l’armée de l’air israélienne, et l’empêchèrent de dominer les cieux contrairement à ce qui s’était passé auparavant. Que la bataille de chars sur le Golan tourna à l’avantage d’Israël au bout d’une semaine, alors que l’armée égyptienne, forte de plus de 60000 hommes entrés dans le Sinaï, se maintenait dans une guerre de position, laissant les forces israéliennes se reformer, et bénéficier d’un apport massif de matériel américain par le biais d’un rapide pont aérien. Et que l’offensive géniale du général Sharon, qui prit à revers l’armée égyptienne à la tête d’un détachement de 200 hommes, coupant les combattants de leur logistique, permit à Israël de reprendre le dessus, et d’arriver en position de force à la table des négociations, 20 jours après le début du conflit.
Les conséquences
La guerre du Kippour est un des conflits les plus lourds en termes de pertes humaines du côté d’Israël, qui dénombre plus de 3000 morts, contre plus 9000 soldats tombés dans le camp d’en face. A l’échelle d’un pays de 5 millions d’habitants à l’époque, c’est énorme, pour seulement 20 jours de conflit. Pire, de nombreux combattants sont portés disparus dans les premiers jours qui suivent le cessez-le feu, comme le relate A.B.Yehoshoua dans son roman l’Amant.
L’autre conséquence de ce conflit, c’est bien sûr le choc pétrolier qui suit immédiatement la guerre, les pays membres de l’OPEP ayant déclaré un embargo pétrolier à l’encontre des pays qui soutiendraient Israël. L’embargo va rapidement provoquer une hausse du prix du pétrole, qui va être multiplié par quatre (!) en moins d’un, marquant le début de la fin des « trente glorieuses ».
Autre conséquence, c’est l’effondrement progressif du parti travailliste, pourtant au pouvoir sans discontinuer depuis la création de l’état d’Israël, et qui passera la main dans les années suivantes aux partis de droite, et notamment le Likoud de Menahem Begin. L’appareil travailliste au pouvoir a fait preuve d’aveuglement, et le public lui fera porter la responsabilité de cette période tragique.
Enfin, du côté égyptien, cette guerre aura permis l’éclosion d’un nouveau leader, le président Sadate, qui quatre ans plus tard mènera son pays à signer le premier traité de paix avec son voisin israélien. Pour effectuer un geste d’une telle dimension, Sadate avait « besoin » d’un fait d’arme irréprochable, et la percée des premiers jours, la lutte quasiment d’égal à égal avec Israël durant les premières heures du conflit, auront probablement permis à Sadate d’écrire la première page de sa légende.
Vestige d’une époque en voie de disparition, la guerre du Kippour est le dernier conflit qui opposa Israël à de multiples adversaires. les conflits suivants l’opposeront aux groupes armés palestiniens, puis au Hezbollah libanais, ou au Hamas installé dans les territoires palestiniens autonomes. En ce sens, la guerre du Kippour est représentative des formes de conflit de la seconde moitié du XXe siècle, qui opposèrent, par représentants interposés, les Etats-Unis
et l’URSS, alors en pleine guerre froide.
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Hervé Kabla, ancien patron d’agence de comm’, consultant très digital et cofondateur de la série des livres expliqués à mon boss.
Crédits photo : Yann Gourvennec
Bravo pour la synthèse.
merci
Bravo pour la synthèse.
… et cinquante ans plus tard, une autre guerre.