La guerre des contenus…
Yann Gourvennec attirait ce matin l’attention de notre petit groupe d’auteurs 100% humain sur un article fort bien écrit par Mark Schaefer. Son auteur, blogueur et conférencier, comme il en existe tant, issus de la glorieuse époque du web 2.0, rappelle l’histoire de la création de contenus en ligne, depuis une vingtaine d’années. S’il était facile de sortir du lot au tout début, en raison du faible nombre de producteurs de contenus présents à cette époque, ce fut rapidement plus difficile, une fois qu’une vaste population de producteurs s’était mise à pratiquer ce sport. En tant que blogueur depuis plus de quinze ans, j’ai pu constater ce phénomène au fil du temps : certains de mes articles étaient bien classés sur les requêtes Google, et peu à peu, mon classement s’est effondré et le nombre de visites faites par des internautes non abonnés s’est réduit année après année, comme je l’explique dans mon bilan annuel. C’est la vie, on ne peut pas toujours gagner, comme dirait Lafayette, le chien des Aristochats…
Le premier choc
Cette compétition entre les contenus, Mark Schaefer dit l’avoir prédite il y a dix ans déjà, et lui avoir donné un nom : content shock. Chapeau l’artiste, en pleine euphorie, il fallait une bonne dose de réalisme et d’imagination pour le comprendre. La conséquence de sa prédiction, rappelle-t-il, c’était de dire que le marketing de contenu allait rapidement atteindre ses limites, du fait d’une compétition féroce entre les producteurs de contenus, et la hausse du coût de revient de contenus de qualité. Pour sortir du lot, il ne fallait pas produire de la « soupe », mais des contenus qui prennent du temps et de l’énergie. Et qui coûtent donc cher à leurs auteurs.
Le second choc
Aujourd’hui, il remet cela avec un second choc des contenus, mais d’une dimension apocalyptique. La guerre entre les contenus n’est plus de dimension humaine. Face aux blogueurs, on trouve maintenant des intelligences artificielles comme ChatGPT, qui permettent de produire des contenus riches et variés en quelques minutes, voire quelques secondes. Quand un banal article écrit à la main me prend entre 30 minutes et une heure, entre élaboration du concept, rédaction, relecture et illustration, vous comprenez qu’il y a un léger déséquilibre…
Pour ma part, j’avais sous-estimé l’impact de ChatGPT, en ne m’intéressant qu’à la dimension de confiance qu’on peut accorder à un contenu, selon qu’il provient d’un individu ou de ChatGPT. Mark Schaefer évoque d’autres effets de bord, comme l’explosion des récits de science-fiction produits par une IA, ou encore le nombre croissant de livres écrits à l’aide de ChatGPT et vendus sur Amazon… Un de ces auteurs qui utilisent cette astuce, prétend même être capable d’écrire un livre par jour.
Je ne mets pas en doute la créativité de ces auteurs ou de ChatGPT. Je ne sais pas si les fictions ainsi créées présentent ou non un intérêt pour leurs lecteurs. Mais à l’heure de la décroissance, qu’elle soit numérique ou physique, je me pose réellement la question de l’intérêt d’un livre par jour, quantité à multiplier par le nombre d’apprentis auteurs à la recherche d’un résidu de manne issu de la vente de tels livres… Pensent-ils qu’il existe suffisamment de lecteurs pour une telle quantité de livres ? Ou n’ont-ils absolument aucun sens du « nombre » ?
Trouver l’équilibre
En réalité, voici ce qui se passera. Comme tout système économique, l’univers des livres produits avec ChatGPT cessera de croître rapidement pour plusieurs raisons : par manque de lecteurs d’une part, mais aussi parce que les tarifs liés à l’auto-publication finiront eux aussi par croître, Amazon n’ayant aucun intérêt à générer un tel bruit.
En attendant, il faut prendre son mal en patience. Et continuer de produire des articles de qualité, pour d’éventuels lecteurs à la recherche de contenus pensés par des humains, et non imaginés par des IA…
Découvrez d'autres articles sur ce thème...
Hervé Kabla, ancien patron d’agence de comm’, consultant très digital et cofondateur de la série des livres expliqués à mon boss.
Crédits photo : Yann Gourvennec