La cuisine du chef Poutine
On apprend des choses étonnantes, en écoutant les émissions de France Culture. L’autre jour, Guillaume Erner consacrait son émission au conflit en Ukraine et à la personnalité de Vladimir Poutine, ainsi qu’au parallèle qu’on pourrait dresser entre le dirigeant actuel de la Russie, et son illustre prédécesseur à la tête de l’URSS, Joseph Staline.
Et voilà qu’un des invités, un journaliste britannique du nom de Ben Judah – sans commentaires, s’il vous plaît – annonce tout de go qu’il existe un lien fort entre les deux personnages : le grand-père paternel de Vladimir Poutine, Spiridon Poutine, aurait été le cuisinier de Staline. Et pas seulement de Staline, paraît-il, mais aussi de Lénine et même de Raspoutine.
Avouez que ça paraît un peu gros.
Je suis allé vérifier avec les moyens du bord, c’est à dire Wikipedia.
Certes, ce n’est pas sûr à 100%, mais au moins, on y cite les sources.
Les sources en question, c’est un livre de Simon Sebag Montefiore paru en 2017, un autre de Zbigniew Brzezinski et Brent Scowcroft, et une interview que Poutine aurait donnée il y a une vingtaine d’années, alors qu’il n’était pas encore le despote omnipotent actuel, mais se préparait probablement à le devenir. Le besoin de se construire une légende, dans ces moments-là, expliquerait-il l’emphase donnée au rôle du grand-père poutinien ?
Bref, Vlad est-il le petit-fils du cuistot de Staline ? Nul ne peut en apporter la preuve indiscutable. Mais cela soulève néanmoins d’étonnantes questions, quand on fait le lien avec l’ascension d’un autre personnage de la fresque poutinienne, Evgueni Prigojine, le patron de la société de mercenaires privés Wagner, déjà évoquée il y a quelques semaines. Car Prigojine, voyez-vous, a lui aussi commencé dans l’univers culinaire, en montant une des premières entreprises de fast-food dans la Russie post-communiste, avant de diriger l’équivalent du Sodexo local, avec notamment un client d’importance : l’armée russe.
Ne voyez aucun penchant vers la théorie du complot au travers ces lignes. Juste une réflexion toute personnelle sur le rapport à la nourriture d’un dirigeant hyper puissant et totalitaire. L’empoisonnement a toujours été l’une des menaces les plus préoccupantes pour un dirigeant, quel que soit l’état qu’il dirige. Depuis que le monde est monde, l’homme a besoin de se nourrir, à un rythme régulier. Rien ne paraît plus simple que de se débarrasser d’un personnage important en lui faisant ingurgiter une substance mortelle. Je ne sais pas si Poutine a son propre goûteur, mais je ne serais pas surpris que Staline en ait eu. Et l’attention toute particulière apportée aux cuisines présidentielles, d’un pays à l’autre, n’ont pas pour unique but de satisfaire les goûts des personnages qui consommeront les mets préparés.
Spiridon Poutine l’avait compris.
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Hervé Kabla, ancien patron d’agence de comm’, consultant très digital et cofondateur de la série des livres expliqués à mon boss.
Crédits photo : Yann Gourvennec
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