La « Cloud Week » débarque à Paris
C’est courageux d’organiser un événement en plein juillet à Paris. Et ce n’est pas un petit événement: la Cloud Week dure cinq jours! Le succès est pourtant au rendez-vous, et la conférence d’ouverture s’est déroulée devant une salle archi comble de spécialistes du cloud.
Après une introduction par le président d’EuroCloud, Pierre-José Billotte, qui appelle à un président digital en 2017.
Pour cette journée de lancement, la Cloud Week donne la parole à huit visionnaires, venus nous parler de leur vision du Cloud et de l’avenir.
Ray Wang, fondateur et président de Constellation Research
Ray Wang fait le constat que le business de l’IT migre massivement vers les services, et que l’enjeu, c’est de créer une expérience utilisateur – toujours ce mot expérience, expérience, comme Monica Menghini à l’ADETEM la semaine passée – qui utilise intelligemment la technologie et les datas. En bref, ne pas se focaliser sur la technologie pour la technologie, mais sur ses contributions en terme de qualité de service, d’évolution de business model, etc.
Les entreprises ont le nez dans leurs revenus trimestriels: c’et ce qui régente l’entreprise, a manière de fonctionner, de sortir des produits, de s’organiser et de se réorganiser. Mais Ray Wang propose de sortir du cadre: l’analyse des données, le big data, permet de fonctionner autrement, et d’améliorer l’efficacité opérationnelle en analysant correctement ces données et en faisant évoluer le modèle économique. Le cloud devient synonyme d’évolution et d’innovation, de croissance.
Enfin, l’un des enjeux majeurs, c’est la vie privée: contrairement à ce que disent les dirigeants de Facebook ou de Google, pour Ray Wang, la vie privée n’est pas en voie de disparition. Pour lui, on doit pouvoir encore se déconnecter du net et payer son billet d’avion cash, sans être pris pour un terroriste…
Pierre Janin, président d’AXA Banque
Le big data, cela fait des années qu’il en entend parler, avec une approche un peu magique. En mélangeant des données structurées et non structurées, et en confiant le tout à un « data scientist« , on arriverait donc à transformer des données en ventes. Cela a l’air simple, cela ne l’est absolument pas. Pire, la performance n’est pas forcément au rendez-vous. Pourquoi? parce qu’entre autres, les points de contact avec les clients évoluent en même temps: contacter les clients par email, en B2C, ce n’est pas toujours une bonne idée.
Et sincèrement, ce n’est pas toujours dépourvu de risque, d’aller vers le big data. Tout le monde vous dit: vas-y, vas-y, et si ça ne marche pas, on se retrouve tout seul pour expliquer ce qui n’a pas fonctionné.
De nos jours, les décideurs sont des « migrants » du digital, des migrants qui encadrent des connectés. Mais aujourd’hui, Pierre Janin est un migrant qui s’est mis en situation de risque, par exemple avec Soon, l’offre uniquement mobile développée par AXA Banque.
Autre enjeu du Cloud: les entreprises doivent travailler sur le sujet du « Great place to work« : les collaborateurs doivent pouvoir travailler en situation de mobilité, depuis chez eux, quand ils le veulent. Le Cloud doit offrir cette capacité. C’est une question vitale pour les entreprises modernes. Mais quand tout le monde rentre à la maison à 17h, comment le collaborateur peut-il encore utiliser l’accès réseau familial pour un usage professionnel? Faire évoluer l’environnement de travail, c’est aussi accroître les performances du réseau domestique.
Le mot-clé, c’est la confiance, celle des salariés, bien sûr, mais aussi celle des clients dans le modèle économique que les entreprises mettent en place
Rachel Delacour, présidente de BIME
BIME a été créée en 2009, à Montpellier. Depuis, une filiale a été lancée à Kansas City. Et tout cela n’a été possible que grâce au Cloud.
Pour Rachel Delacour, en 2025, toutes les entreprises externaliseront leur IT. Pourquoi? parce que cela fait sens d’un point économique, aucune entreprise n’a intérêt à s’en passer. Etre sur le cloud, c’est réduire ses coûts d’infrastructure, de maintenance, c’est bénéficier automatiquement des versions à jour et des meilleurs logiciels.
En 2025, tous les service seront également ultra connectés: ce sera enfin le règne de l’API web. Les applications parleront entre elles, les objets parleront entre eux, et les applications parleront avec les objets. Le véritable enjeu, c’est de créer de l’intelligence par-dessus tous ces services.
Mais pour parvenir à cet état des lieux en 2025, il faut que la révolution se joue aujourd’hui.
Parmi les changements induits, Rachel Delacour évoque le retour du « dumb phone« : l’intelligence étant déportée sur le cloud, les terminaux n’auront plus besoin d’autant d’intelligence et de capacité de calcul qu’aujourd’hui.
Pour elle, le tracker fitness est une des grandes évolutions que connaisse l’humanité: de 2015 à 2025, on aura gagné 15 ans d’espérance de vie (note: sur les 30 dernières années, on a gagné 10 ans d’espérance de vie, son calcul reste plausible).
Le cloud permettra également de redistribuer une partie des richesses, par le déploiement de la fibre et l’accès aux infrastructures depuis les endroits les plus reculés, comme Kansas City (mais il faudra qu’on en parle à jean-Michel Billaut d’abord…).
Enfin, en 2025, le cloud aura réussi à gommer les inégalités homme / femme. Voyons encore plus loin, chère Rachel: aura-t-il gommé les inégalités homme / femme / robot?
Chiseki Sagawa, en charge de la stratégie Cloud chez Fujitsu
Google a radicalement modifié la physionomie du marché publicitaire. Mais les fondateurs de Google ne se sont pas contentés du marché publicitaire: ils ont aussi touché au marché de l’infrastructure, du téléphone mobile. Le marché publicitaire a permis, d’une certaine manière, d’assurer et de financer le développement du marché des smartphones. D’autres acteurs ont modifié par effet collatéral le marché de l’IT: Amazon a permis l’essor du cloud et des web services en en démontrant la validité du modèle économique.
Le 20e siècle était celui de la production de masse: le 21è siècle sera celui de la visualisation de masse.
Toutes les inventions peuvent devenir dangereuses. Le feu n’est que l’exemple le plus simple. Qu’adviendra-t-il du cloud? Pour Chiseki Sagawa, il n’y a pas de crainte à avoir: l’humanité a toujours réussi à surmonter ces difficultés.
Jérome Petazzoni, évangéliste chez Docker
Pour anticiper l’avenir, il faudrait connaître le passé; c’est ce que Jérôme a retenu de ses cours d’histoire. Et c’est ce qu’il met en application dans sa vie de tous les jours, comme expert devops.
La notion de devops est importante: elle permet de mettre en place des transitions lentes et transparentes pour l’utilisateur. Cela autorise des retours en arrière sans impacter l’utilisateur, et tout cela est devenu pratique et réaliste grâce à la virtualisation. Netflix, Amazon, en sont les spécialistes.
Le cloud dans dix ans, ce sera de nouvelles idées originale, qui se développeront à terme simplement parce que le monde sera arrivé à maturité pour en comprendre les usages.
Le cloud est l’open source sont intimement liés. Et Jérôme Petazzoni s’insurge contre le sexisme qui reste encore présent dans l’univers de l’open source. Peut-être qu’on atteindra, alors, la parité dans ce genre de panel…
Phil Wainewright, analyste et président d’Eurocloud UK
Phil va nous présenter ses règles pour survivre dans le futur. En général, ceux qui font leurs projections sur le futur ne font qu’extrapoler le présent, simplement parce que c’est ce qu’ils connaissent.
Le monde de l’ASP – Application service providers – bien que précurseur, a commis un certain nombre d’erreurs. Ils n’ont pas vu que le cloud a permis de briser des barrières, de permettre l’essor de l’entreprise frictionless: des processus peuvent tourner de manière synchrone, sans qu’on ait besoin d’attendre que les données circulent d’un endroit à l’autre.
L’entreprise classique considère que les processus doivent être exécutés à l’intérieur de l’entreprise: mais le cloud permet de fonctionner avec des processus qui s’exécutent hors les murs, sur des données en provenance de sources variées et qui n’auraient pas le moyen d’accéder à l’entreprise sans cela. L’entreprise sans frottement, c’est bien cela le concept du Cloud.
Phil Wainewright énonce ensuite 7 règles de transformation.
- Eliminer le papier, avec tout ce que cela permet: authentification automatique, synchronisation automatique des données, validation immédiate.
- Décentraliser l’information.
- Eliminer les barrières fonctionnelles.
- Libérer les équipes pour qu’elles utilisent les outils et les plateformes qui leur plaisent.
- Eliminer les applications dites d’entreprise, qui ont été créées par et pour des départements qui fonctionnent en silos. Ces applications mettent du frottement là où il ne devrait pas y en avoir. Plus de messages, moins d’applications…
- Utiliser le travail là où il est présent: distribuer l’activité, grâce aux technologies comme l’impression 3D, le télétravail, le crowdsourcing.
- Devenir une plateforme réseau (se souvenir du slogan de Sun: The network is the computer)
Fred Potter, CEO de Netatmo
Il débarque un peu, sans s’être intéressé de près au Cloud jusqu’à présent. Mais en préparant son intervention, il est convaincu que le Cloud est partout et qu’il est en voit de disparaître, puisqu’il est partout. D’ailleurs dans 10 ans, le Cloud aura fini de disparaître.
Qu’est ce que le Cloud? C’est une mémoire infinie et une puissance de calcul infinie, à disposition de toute technologie qui décide de s’en servir. Netatmo, par exemple, a fait un usage progressif du cloud, en y connectant ses stations météo. Aujourd’hui, Netatmo est la société qui a le plus de stations météo connectées, beaucoup plus que Météo France.
Avec le Cloud, des objets aussi nuls qu’une station météo prennent une valeur soudainement différente.
Autre exemple, celui du GPS dans la voiture. Il y a 10 ans, rentrer une adresse dans son navigateur GPS était quelque chose de laborieux. La reconnaissance vocale serait un bon moyen de palier au problème: la performance de l’algo étant proportionnelle à la racine carrée de la puissance de calcul, on a mis des processeurs plus puissants, mais pour un usage faible puisu’on ne dicte l’adresse qu’une fois par trajet. La bonne solution, c’est bien sûr de déporter l’usage dans le cloud, car on alloue une puissance de calcul gigantesque (celle de Siri), qu’on répartit en tranches.
Autre application du cloud chez Netatmo, la base de photos annotées de la station Welcome. Le cloud n’aurait pas pu être utilisé pour emmagasiner les flux vidéos (bande passante inacceptable), mais uniquement les erreurs – les frontières, les zones limites – ce qui est bien moindre en terme de taille, et bien plus utile en terme d’algorithme.
Enfin, pourquoi les fabricants de chaudières et de thermostats n’ont pas réussi à faire ce que fait Netatmo? Parce que pour intégrer le digital et le cloud, il faut le mettre au coeur des métiers…
Marc Yvon, directeur de la direction Human centric solutions, IBM
Comment le cloud viendra accompagner les individus dans leur évolution et leur offrir le meilleur des services? Marc Yvon présente un monde hyper-connecté: maison intelligente, véhicule autonome et intelligent, bref, on se demande un peu ce qu’il nous restera à faire… Un peu comme dans la vidéo suivante.
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Hervé Kabla, ancien patron d’agence de comm’, consultant très digital et cofondateur de la série des livres expliqués à mon boss.
Crédits photo : Yann Gourvennec