L’Iran, l’atome et le prix Nobel
Félicitations. Après douze années de négociations, on en connaît plus d’un qui auraient abandonné. D’ailleurs, je me demande si ce nombre d’années, qu’on retrouve dans la presse ça et là, correspond à une réalité tangible: y a-t-il un seul des membres des équipes de négociateur qui a consacré autant d’années à ce sujet? En tout cas pas du côté des dirigeants politiques, qui sont tous venus au pouvoir – de Rohani à Obama – il y a moins de huit ans.
L’état iranien est donc parvenu à un accord avec le groupe E3/EU+3 (tel qu’il se définit lui-même), qui comprend les Etats-Unis, la France, le Royaume-Uni, l’Allemagne, la Russie et la Chine. Le texte de cet accord est disponible ici (merci Tsiel), je laisse le soin d’en prendre connaissance aux lecteurs les plus patients, il y en a pour 159 pages. Le point clef de cet accord réside en page 3:
Iran reaffirms that under no circumstances will Iran ever seek, develop or acquire any nuclear weapons.
Source: Wikipedia
Il faut reconnaître à l’administration américaine, et probablement au prix Nobel de la paix 2009, Barack Obama lui-même, une certaine constance dans sa volonté d’ouverture et de trouver des solutions pacifiques, même si la perception par les différents publics concernés n’est pas la même. Il est certain que la grande majorité des israéliens prendront cet accord comme une débandade, l’évolution probable du programme nucléaire iranien vers ce qui est considéré par ses détracteurs comme son but ultime, posséder la bombe, même si les termes de l’accord supposent un contrôle de ce programme dans ses moindres détails, de l’achat de centrifugeuses au stockage de l’eau lourde.
Et de fait, il faut bien se demander pourquoi donc une puissance énergétique comme l’Iran, dont la production d’hydrocarbures a soutenu le développement depuis plusieurs décennies, s’obstine à tel point à disposer d’un programme nucléaire.
Mais l’accord signé ce weekend ouvre également d’autres perspectives, qui relèvent plus du « programme Obamien » comme il se dessine depuis quelques mois, avec la normalisation des relations avec Cuba: la diffusion des idées démocratiques par l’ouverture des échanges commerciaux. En signant cet accord, l’Iran met fin à l’embargo économique dont elle a été l’objet depuis plusieurs années, et s’ouvre de nouveau aux marchés occidentaux. Est-ce que cela changera réellement grand chose au régime des Mollah? On peut légitimement en douter, tant a été déclinée la diabolisation de l’occident depuis 1979.
Au-delà de ces considérations, on peut aussi voir cet accord comme une nécessité imposée par le redécoupage géopolitique de la région suscité par l’émergence de Daesh. L’Etat iranien n’est peut-être plus la menace qui préoccupe le plus l’administration américaine: Daesh et son régime sanguinaire, qui inonde la planète d’images abominables et promet d’exporter le Jihad au-delà de ses frontières, constitue la nouvelle menace, aujourd’hui cantonnée à la Syrie et à l’Iraq. Mais qui ira contenir les forces de l’Etat islamique? L’Iran, dont la frontière passe à deux cents kilomètres à l’ouest de la frontière occidentale de Daesh sera aux premières loges. Peut-être était-il temps d’en faire un allié?
Aujourd’hui les chefs de gouvernement impliqués dans cet accord s’en réjouissent. Mais qu’en sera-t-il demain?…
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Hervé Kabla, ancien patron d’agence de comm’, consultant très digital et cofondateur de la série des livres expliqués à mon boss.
Crédits photo : Yann Gourvennec