Un Kennedy français au pouvoir?
Agé de 39 ans, Emmanuel Macron est le plus jeune président français porté au pouvoir. Il fait mieux, d’une certaine manière, que John Kennedy, qui parvient à la tête des États-Unis à l’âge de 43 ans. Le huitième président de la cinquième république laissera-t-il une trace aussi importante dans l’histoire, que son prédécesseur américain? Le parallèle entre ces deux hommes d’état est il légitime? Peut-on parler de l’accession d’un Kennedy français?
D’un point de vue politique, pas tant que cela. Macron est arrivé très récemment en politique, même s’il est rentré par la grande porte, sans passer par une carrière d’élu local. Kennedy, de son côté, a commencé sa carrière politique au sortir de la seconde guerre mondiale, gravissant peu à peu les échelons pour arriver au pouvoir.
Mais tout comme Kennedy, Macron porte avec lui les valeurs d’espoir qu’on associe volontiers à la jeunesse. On peut lui reconnaître, lors de son passage au gouvernement, la volonté de moderniser l’économie française. Ses efforts pour promouvoir la « FrenchTech », autoriser l’émergence de nouveaux acteurs face à certains monopole, tout cela va dans le bon sens. Et même s’il devra composer avec un certain nombre de notables de la politique française, il incarne un renouveau de la politique au-delà de ce que tous les autres candidats étaient capables de produire.
Sera-t-il capable de porter le changement et la modernisation tout comme le fit Kennedy? Ce n’est pas si évident. Malgré sa victoire éclair, Emmanuel Macron fera face à des partis vieillissants mais qui ne lâcheront pas facilement le morceau. Le paysage politique français s’est morcelé en quatre blocs: une droite extrême, une gauche rabougrie, une droite traditionnelle en pleine recomposition et un centre victorieux. Au soir du second tour, Emmanuel Macron n’a réussi à rassembler qu’environ 20 millions de voix, sur 47 millions d’électeurs inscrits. C’est bien moins que ne le fit Jacques Chirac en 2002, avec plus de 25 millions de voix pour 2 millions d’inscrits. Comme le mentionnait Jean-Luc Mélenchon, le second parti de France est celui des abstentionnistes, des bulletins nuls et blancs, qui représentent 12 millions des électeurs inscrits.
L’élection présidentielle 2017 a joué avec nos émotions. Les législatives qui s’approchent, les 11 et 18 juin prochain, risquent bien de faire émerger une France difficilement gouvernable. Le Kennedy français devra faire preuve de beaucoup de talent pour la diriger…
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Hervé Kabla, ancien patron d’agence de comm’, consultant très digital et cofondateur de la série des livres expliqués à mon boss.
Crédits photo : Yann Gourvennec
Je ne suis pas sûr que les conditions soient les mêmes.
Kennedy a gouverné une Amérique extraordinairement prospère. Macron doit réaliser un changement radical, systémique, dans un pays qui ne croit plus en lui. Il n’est pas inquiétant qu’il ait aussi peu de monde derrière lui, il est extraordinairement surprenant qu’il ait été élu. (Quand il a annoncé sa candidature, j’avais a peu près bien vu le mécanisme qui pouvait le faire élire, mais je pensais qu’il avait une probabilité quasi nulle de réussir. Et, avec le recul, je le pense toujours.)
Quant à Kennedy, il n’est pas sûr qu’il ait été un bon président. Eisenhower savait les Soviétiques faibles, et voulait éviter à tout prix une course à l’armement. Kennedy s’y est engagé, sans savoir la maîtriser. On peut se demander si ce n’est pas ce qui a produit le déficit chronique des USA, qui, à son tour, a amené le démantèlement de ce qui avait été prévu par les vainqueurs de la guerre, pour éviter que ses conditions ne se reproduisent.
(PATTERSON, James T., Grand Expectations: The United States, 1945-1974, Oxford University Press, 1996.)