Juive et républicaine : l’école Maïmonide
Créée en 1935, l’école Maïmonide fut le premier établissement en France proposant à des élèves de confession juive un parcours scolaire mixant matières classiques et enseignement religieux. Le livre de Joseph Voignac, ancien élève de « Maïmo », est le premier livre qui retrace son histoire si particulière, et qui a accompagné les évolutions de la communauté juive française, et son rapport au monde environnant. J’avais déjà évoqué cet ouvrage il y a près de deux ans, à l’occasion d’un numéro de la revue du Crif qui proposait un premier chapitre. Il est désormais disponible.
En un peu plus de deux cents pages, Joseph Voignac revient sur le contexte dans lequel l’école Maïmonide fut créée par Marcus Cohn, fils d’un astronome réputé. Son but : créer le cadre d’un enseignement d’excellence, apte à former les futurs cadres de la communauté, en mixant les deux types d’étude, c qu’on appelle de nos jours le H’ol et le Kodech. L’école relève alors d’une forme de renouveau de la pratique du judaïsme en France, sous l’impulsion d’une élite juive alsacienne plus moderne, fraîchement revenue dans l’hexagone à la faveur de la victoire de 14-18.
L’ouverture fut cependant assez brève, car la guerre vint rapidement interrompre ce projet pour cinq longues années. Voignac revient sur les paradoxes de cette période : alors que l’école accueille des soldats allemands basés en France, Marcus Cohn s’attache à un incroyable projet : maintenir une pratique religieuse, même en cachette, au sein du camp de prisonniers où il est interné, en tant qu’ancien officier de Spahis.
Ces années de guerre viennent aussi modifier le projet initial. Au sortir de la Shoah, Maïmo accueille, même brièvement, des élèves qui ont dont les familles ont connu de terribles tragédies, comme Elie Wiesel ou Serge Klarsfeld.
Ces années ont également permis l’essor d’un groupe d’éducateurs qui se retrouvent derrière le projet d eMarcus Cohn : Theo Dreyfus, qui deviendra rapidement le second directeur de l’école, les époux Picard qui dirigeront Yabne et Lucien de Hirsch, deux autres gros établissements communautaires en région parisienne, ou Beno Gross, fondateur de l’école Aqiba à Strasbourg.
L’arrivée des juifs d’Afrique du Nord dans les années 60, leur attachement à un judaïsme plus traditionnel, la création de l’état d’Israel et l’importance croissante du conflit avec ses voisins arabes durant les guerres de 67 et 73, la montée de l’antisémitisme en France, ont également fait évoluer le projet initial. Toujours axée sur l’excellence, l’école Maïmonide, qui n’est plus, est de loin, la seule école juive en France, devient un refuge, intellectuel et moral. Elle se doit d’accueillir des élèves qui recherchent avant tout un lieu où effectuer un parcours scolaire de qualité, tout en permettant le respect du shabbat et des fêtes juives – tout comme la prépa Emc2, finalement – alors qu’il devint de plus en plus difficile de concilier les deux approches dans le cadre de l’enseignement laïque.
À l’occasion de la sortie du livre, Joseph Voignac est récemment intervenu à l’ECUJE. Vous trouverez ci-après la vidéo d’environ une heure, captée lors de cet événement.
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Hervé Kabla, ancien patron d’agence de comm’, consultant très digital et cofondateur de la série des livres expliqués à mon boss.
Crédits photo : Yann Gourvennec