Jubilons !
C’est sympa, les anniversaires. On invite du monde, on danse, on discute, on fait la fête, on s’enivre. Tout se passe comme si l’instant d’un anniversaire était là pour nous faire oublier le temps qui passe, alors que justement, l’anniversaire est fait pour marquer le temps qui passe.
Paradoxes de la psychologie humaine.
C’est aussi très fatiguant, les anniversaires. La préparation, à elle seule, peut vous rendre fou. Acheter les victuailles, les mettre au frais dans un frigo à l’espace limité, par définition. Envoyer les invitations, sans oublier personne, et en évitant d’inviter les plus lourds et les moins sympathiques comme Jean-Frédéric. Revérifier la veille que tout est dans l’ordre. Attendre les inviter, faire des sourires, même si le cadeau qu’on reçoit n’est pas celui qu’on attendait, et que justement, Jean-Frédéric, la personne qu’on ne voulait pas inviter, est venu accompagner un des invités avec qui on croyait partager certains points de vue sur ce dernier. Veiller à ce qu’on ne casse rien. Ramasser les miettes. Servir les boissons. Éviter de passer devant Jean-Frédéric. Finir par le croiser à l’entrée de la cuisine et se sentir obligé de l’couter raconter ses vacances à Zanzibar pedant deux heure alors que les petits fours cuisent une dernière fois. Se prendre la tête parce que les petits-fours sont cramés. Et j’en passe…
Sans parler des lendemains de fête. La gueule de bois. La tonne de vaisselle à faire. L’aspirateur à passer. Le shampooinage de la moquette toute tachée. Répondre aux SMS des invités surpris qu’on se soit justement rabiboché avec Jean-Frédéric. Et à ceux qui se demandent pourquoi on a fait venir ce gros lourdaud.
Heureusement, la Reine, elle, n’a pas à passer par toutes ces épreuves.
Parce qu’à son âge avancé, lui imposer tout ce tralala, c’est un peu audacieux. On voudrait se débarrasser d’elle qu’on ne s’y prendrait pas mieux. Vous vous imaginez faire la fête, pendant quatre jours, alors que vous vous approchez de votre centenaire ?
Soyons un peu sérieux…
D’autant plus que ce concept de jubilé, c’est parfaitement déclassé, comme disent les jeunes. À l’origine, je veux dire dans la Bible, le jubilé – Yovel en hébreu – était une année, tous les cinquante ans, durant laquelle les esclaves étaient rendus à la liberté, et la terre rendue à son propriétaire initial. Je ne sais pas par quelle tout de passe-passe le terme en est venu à désigner un anniversaire – de règne, pas civil. Celui qui se déroule sous nos yeux ébahis est le jubilé de platine. 70 ans, joli score, non ?
Il y a peu de domaines on peut attendre 70 ans, et même 50 ans, et faire la fête avec les mêmes personnes, ou presque, qu’au départ. Dans le foot, on ne s’embarrasse pas d’un tel protocole : un joueur prend sa retraite au bout de 10 ou 15 ans de carrière et hop ! un Jubilé, j’invite mais anciens équipiers, mes anciens adversaires, ou fait un match amical où les copains me laissent planter trois ou quatre buts, et c’est fini !
Mais pas de ça, chez les rois et les reines d’Angleterre. À une année près, Elisabeth II aurait eu droit à son époux à ses côtés. Celui que la série Netflix décrit comme un sacré goujat a eu l’indélicatesse de passer l’arme à gauche un peu plus tôt. Pas franchement plus tôt, non, juste un an avant.
By jove !
PS : les lecteurs fidèles de ce blog pourrons retrouver le court article sur le jubilé de diamant, il y a 10 ans, par ici.
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Hervé Kabla, ancien patron d’agence de comm’, consultant très digital et cofondateur de la série des livres expliqués à mon boss.
Crédits photo : Yann Gourvennec