J’ai testé pour vous : les périphériques parisiens à 50km/h…

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Il y a, dans la vie d’un être humain, des moments marquants, des dates inoubliables, qui agissent comme des marqueurs indélébiles. On s’en souvient des années plus tard, et on perçoit, en évoquant ces souvenirs, qu’il y eut un avant et un après. Passages initiatiques, identifiants culturels, ces événements nous façonnent sans que nous nous en rendions vraiment compte. La chute du mur de Berlin, les attentats du 11 septembre 2001 ou plus récemment du 7 octobre 2023, le passage à l’euro la victoire de l’équipe de France en 1998, ont irrémédiablement changé nos vie, pour le meilleur comme pour le pire.

Ô temps, suspends ton vol…

Songez un peu à toutes les transformations induites par ces moments-clés : les contrôles sécuritaires renforcés dans les aéroports, la fin des agents de change, l’amitié universelle entre les peuples, ou le sentiment qu’on peut facilement battre l’équipe du Brésil ou celle d’Allemagne, tout cela étaient inconnus de nos parents.

De ces événements, nous sommes le plus souvent des témoins éloignés, et c’est parfois mieux ainsi. Mais nous avons aussi, de temps à autre, l’occasion de vivre ces grands moments de l’intérieur, de participer à la décharge émotionnelle qu’ils suscitent. Un choix se présente alors devant nous : soit de rester des témoins externes, comme ce fut le cas pour moi lors des derniers jeux olympiques à Paris, soit de prendre part à la liesse.

J’ai regretté d’être passé à côté des JO, qui furent, paraît-il, un moment magique.

C’est pourquoi j’ai décidé de participer à l’événement majeur du moment : le passage des périphériques parisiens à 50km/h.

La petite histoire des périphériques

Les bons vieux périphs, nos enfants les ont toujours connus. Mais ce ne fut pas le cas de tout le monde, et notamment de ma génération. Je me souviens encore d’une époque où, pour faire le tour de Paris, on devait encore emprunter les boulevards des maréchaux. Et pour rejoindre Sarcelles ou Garges-les-Gonesse en partant de Boulogne, il fallait suivre le parcours le long des quais de la Seine, puis carrefour Pleyel, Saint-Denis, bref une galère, et on en avait pour une bonne heure… Les périphériques ont tout bouleversé, et j’en ai déjà parlé à l’occasion de leurs 40eme anniversaire.

Au début, la vitesse était limitée à 90km/h sur les périphériques, comme sur toute autre voie rapide. En principe. Mais peu de gens appliquent les principes… Les radars de vitesse n’existaient pas encore à la fin du siècle dernier, et on pouvait allègrement rouler à 100 ou 110 km/h sur certaines portions, aux heures où le trafic était moindre. Faire le tour des périphériques en 20 ou 25 minutes était encore chose possible, surtout au milieu de la nuit. Bien sûr, c’était fortement déconseillé… À partir de 1993, cependant, la vitesse fut limitée à 80km/h. Rien de bien grave, sauf que les provinciaux qui débarquaient à Paris n’y comprenaient rien.

Puis les radars sont arrivés.

La limitation à 80 km/h devenait coercitive, et si on roulait souvent à des vitesses plus élevées, il fallait faire attention à la réduire aux points de passage bien connus des automobilistes parisiens : Porte de Versailles ou Porte de Champerret pour le périph intérieur, Porte d’Asnières ou Porte d’Auteuil sur l’extérieur, par exemple. Tout allait pour le mieux dans le meilleur des mondes, mais il fallu bien que cela cesse, et la limitation est ensuite passée à 70km/h, il y a une dizaine d’années.

Évidemment, les parisiens ont râlé un moment. Puis se sont mis à jouer le jeu précédent, en ralentissant à 70km/h au niveau des radars, et en accélérant gaiement entre ces derniers. Cela aurait pu durer longtemps, mais une nouvelle génération d’automobilistes est arrivée sur le marché. Plus respectueuse des contraintes et des limitations, elle finit par imposer de fait cette limite à 70km/h, sauf sur la voie de gauche, où l’on pouvait encore se livrer à quelques excès.

50km/h sur une route vide ?

Et bien, cette période faste est désormais révolue. Désormais, et depuis quelques jours, il faudra bien s’y faire : la limite est passée à 50km/h. Autrement dit, la même que la limitation en zone urbaine il y a quelques années (alors que désormais, on roule en théorie à 30km/h en ville…). Les radars ne sont certes pas encore calés sur cette limite, et on peut encore la franchir, mais cela ne risque pas de durer longtemps.

Qu’est ce que cela change ? Pas grand chose durant les heures de fort traffic et d’embouteillages, où l’on roule de toute façon au pas. Mais de nuit, lorsque le flot des véhicules s’est amoindri, cela change tout.

Et c’est ce que j’ai testé pour vous : un trajet nocturne. Profitant d’une dépose prévue ce matin tôt à la Gare de Lyon, j’ai envisagé d’effectuer un petit trajet tout simple, de la Porte de St-Cloud à la Porte de Bercy aller/retour, à 6h du matin. Paradoxalement, les périphs n’étaient pas forcément la meilleure solution, à 50 km/h : Waze indique en effet deux trajets possibles, par les périphs en 24 minutes, et par le centre de Paris en 26 minutes. Un gain de deux minutes, cela ne représente en réalité pas grand chose… Je choisissais donc la solution ‘Périphs’.

Autant vous dire que ce fut un enfer…

Car, bien intentionné, je m’apprêtais à pénétrer sur ces périphériques parisiens à la vitesse souhaitée, à hauteur de la Porte de St-Cloud, sur les voies extérieures (périph sud pour les intimes). Quelle erreur funeste ! Comment voulez-vous rentrer à 50km/h quand les autres véhicules roulent à 70, ce qui est fort acceptable sur une quatre voies bien dégagée ? Il m’a fallu me rendre à l’évidence, tout le monde ne respectait pas la règle…

Au bout de quelques minutes cependant – mon trajet en comptait plus d’une vingtaine, je fus agréablement surpris de constater qu’une proportion croissante d’automobilistes entendait respecter les mêmes règles de conduite que moi. Ouf ! me dis-je, je ne suis pas le seul à vouloir respecter les règles. Mais là encore, funeste erreur !

Car si certains véhicules individuels respectaient la limitation à 50, d’autres entendaient encore rouler à 70 voire plus : taxis, camions, camionnettes de livraison, tous véhicules dont le point commun était d’être associés à une activité économique dépendant du temps… Dès lors, la chose prit une tournure de plus en plus dangereuse : entre un flot de voitures à 50km/h, et de poids lourds à 70km/h, je me trouvais perdu, tel Flash McQueen dans cette séquence d’anthologie de Cars

Il me fallut jongler, sous une pluie fine, avant de m’échapper à la Porte de Bercy et de rejoindre les quais parisiens, où je retrouvais avec une certaine joie un flot limité à 50km/h.

Le trajet retour ne fut pas plus simple. L’accès à 50km/h fut une nouvelle fois extrêmement risqué. Et les véhicules slalomant à 70km/h entre ceux qui roulaient à 50 prit une fois encore une tournure grotesque, voire dangereuse, lorsque je fus pris sous les appels de phare incessants d’un autobus parisien, qui décidément lui aussi n’entendait pas rouler à 50km/h sur les périphs…

Conclusion

Que conclure à ce stade ? Si la limite à 50km/h est bien indiquée partout, seul un véhicule sur deux semble la respecter quand le flot permet de dépasser cette limite. Le résultat, c’est une sorte de cacophonie, qui rend la conduite encore plus difficile qu’auparavant.

Je ne sais pas ce qui a pu motiver la mairie de Paris à vouloir imposer une telle restriction. On me souffle dans l’oreille que ce serait pour réduire la pollution en région parisienne, et que cela permettrait également de réduire le taux d’accidents mortels.

Je veux bien le croire, mais pour l’instant, le risque de se faire dépasser par la gauche, voire percuter par un camion lancé à 70 ou 80km/h me semble être prédominant…. Et encore, je n’ai pas croisé de deux roues, et je n’ose imaginer ce que serait la confrontation entre une moto lancée à 70km/h et un véhicule qui roulerait en respectant la limite à 50…

Bien entendu, il ne s’agit là que d’une impression personnelle, et j’ai hâte de lire, en commentaires, le fruit de votre expérience automobile…

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