Idiocracy
Idiocracy (au titre original Planet Stupid) n’est pas, loin de là, le meilleur film comique que j’aie pu voir ces dernières années. Mais si on leprend au second ou au troisième degré, il invite à une réflexion sans doute nécessaire sur l’avenir de nos sociétés, confrontées à des choix radicaux dans leurs rapports aux technologies.
Le scénario est simple : un couple d’individus d’une intelligence très moyenne sont enfermés dans un caisson cryogénique dans le cadre d’une expérience scientifique organisée par l’armée américaine, afin de projeter les meilleurs soldats vers le futur – idée déjà assez saugrenue, si on conserve les meilleurs au x frigos, cela signifie qu’on ne garde que les plus moyens, voire les plus mauvais avec soi…
Malheureusement, l’expérience tourne mal, les caissons sont abandonnés, et leurs occupants ne s’en échappent que cinq siècles plus tard. Entre temps, l’humanité s’est effondrée dans un abêtissement généralisé, entre programmes télévisés d’une vulgarité sans limites, perdant toute notion scientifique et se rapprochant à grandes vitesses de sociétés préhistoriques. Notre couple de cobayes devient donc … le couple le plus intelligent sur Terre. Qu’adviendra-t-il de ces deux individus qui n’avaient pas été préparés à un tel destin ?
C’est ce que raconte ce film. Avouons-le de suite, ce n’est pas un chef d’oeuvre. C’est même un nanar de dimension intersidérale. On rit de temps à autre, mais on finit rapidement par se laisser un peu débiles de nos deux héros.
Pourtant, si l’on réfléchit un peu, Idiocracy pose des questions auxquelles on ne preête pas souvent attention. Passons sur le débat de la vidéo présentée plus haut, qui illustre la dérive de la natalité dans les sociétés développées. Qu’adviendra-t-il de notre descendance, dans un univers où on leur demandera de moins en moins de réfléchir, et de plus en plus souvent à s’appuyer sur des outils dont ils ne comprennent ni le principe, ni le mode de fonctionnement ? Dans un monde où la crasse et la stupidité, aussi bien morale que physique, finiraient par prendre le dessus, faute de motivations intrinsèques ?
Sans vouloir poser comme un observateur désabusé de la décadence qui s’empare des sociétés modernes, je me fais du souci pour ces milliers de jeunes qu’on envoie étudier dans des universités ou des écoles, sans autre motivation que d’ajouter une ligne dans un CV, et où des outils programmés – sans parler d’intelligence artificielle – seront là pour résoudre les petites difficultés du quotidien sans efforts.
La rigueur, la difficulté, la contrainte, sont des termes bannis de notre quotidien. On leur a attribué, depuis un demi-siècle, un caractère péjoratif alors qu’ils sont les véritables moteurs de l’évolution. Idiocracy, avec son modeste budget et son humour à deux balles, vient nous le rappeler.
Et c’est pour cela qu’il mérite qu’on passe 90 minutes en sa compagnie.
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Hervé Kabla, ancien patron d’agence de comm’, consultant très digital et cofondateur de la série des livres expliqués à mon boss.
Crédits photo : Yann Gourvennec