Homo Economicus : prophète égaré des temps nouveaux
Rencontré lors de la dernière académie des entrepreneurs organisée par EY, Daniel Cohen est un économiste, normalien et auteur prolixe, dont le dernie rlivre invite à une réflexion sur le rôle et le poids de l’économie dans le monde qui se dessine en ce début de siècle. Un constat alarmant.
Ce livre part d’un constat, celui de la nature paradoxale de la recherche du bonheur à l’échelle d’une société. Alors que la situation matérielle de l’humanité n’a eu de cesse de s’améliorer, que la démocratie s’est installée durablement pour une large part de l’humanité, que les périodes de conflits à répétition des siècles de dernier se sont estompées, l’espèce humaine semble n’avoir toujours pas réussi à atteindre … le bonheur.
Mais qu’est ce que le bonheur d’abord? Pour un économiste, le bonheur pourrait être défini par la capacité de s’offrir tout ce qu’on souhaite. Cette définition ne suffit pas: à chaque instant, on souhaite posséder plus que ce que nos moyens nous permettent d’acquérir. Le bonheur nécessite plus de moyens, plus de revenus. En moyenne, gagner deux fois plus que son salaire actuel. L’argent ne fait pas le bonheur, et semble ne pas y contribuer tant que cela…
Daniel Cohen n’hésite pas à pointer nombre de paradoxes. Celui, par exemple, de la baisse de la mortalité, qui conduit inéluctablement à la pression démographique. Ou celui de la désindustrialisation, qui n’est pas, comme on pourrait le croire en première approche dû au déclin de l’industrie européenne – la bonne santé de l’industrie allemande en témoigne – mais plutôt la conséquence de la hausse de la productivité industrielle, hausse qui nécessite mois d’emploi, et requiert donc de la part de notre pays de transférer le savoir-faire vers d’autres secteurs où les gains de productivité peuvent être construits, comme dans le digital.
Autre paradoxe – mais en est-ce vraiment un? – démocratie et richesse ne vont pas de pair, loin s’en faut. Il n’est que de constater le contexte des pétromonarchies, ou de la Chine. Pays de disparités économiques, d’effroyables fossés entre les plus riches, et les plus pauvres. Et si les Etats-Unis ne sont pas la nouvelle Rome, il ne faut pas non plus oublier qu’à un moment ou à un autre, les problèmes que connaît la classe moyenne américaine toucheront également la classe moyenne chinoise…
Parmi les pistes proposées par Daniel Cohen pour expliquer ce déclin du bonheur, il y a cette dérive des 1£ les plus riches, qui contrôlent près du quart du revenu total, dans un pays comme les Etats-Unis. L’établissement de cette « superclasse », internationale, mondialisée, modifie le fonctionnement des économies sous-jacentes, en grippant les mécanismes de circulation de l’argent et de financement des états.
L’essai de Daniel Cohen nous invite à une nouvelle lecture du bonheur, de l’économie et des nouvelles formes de richesse. Un livre passionnant, à mettre entre toutes les mains, des plus riches aux moins aisées.
Homo Economicus, prophète (égaré) des temps nouveaux, Albin Michel, 17,90€
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Hervé Kabla, ancien patron d’agence de comm’, consultant très digital et cofondateur de la série des livres expliqués à mon boss.
Crédits photo : Yann Gourvennec
Merci pour la bonne année !!! Heureusement que je ne crois plus aux prédictions des économistes depuis quelques années…
Merci pour la bonne année !!! Heureusement que je ne crois plus aux prédictions des économistes depuis quelques années…
Dommage que M.Cohen ne se soit pas intéressé à la sociologie et à la psychologie. Il aurait pu y trouver des modélisations du bonheur qui dépassent celles de l’économie. Car il n’y a pas que l’économie dans la vie… (Pour les Grecs, c’était une activité vile, d’ailleurs, l’administration de sa maisonnée.)
Edgar Schein, par exemple, dit que le rôle de la culture est de nous rendre heureux. La culture est l’ensemble des règles qui guident nos comportements. Ces règles sont plus ou moins inconscientes. En conséquence, quand elles nous donnent de bons conseils, nous sommes heureux. Sinon, nous déprimons. Comment nous rendre heureux ? par le changement de notre culture.
Martin Seligman, un ponte de la psychologie, a une théorie similaire en ce qui concerne l’individu. Nous sommes plus ou moins programmés pour répondre aux événements. Lorsque la dite programmation nous donne de mauvais conseils, nous déprimons. Là aussi, il est possible de nous « changer » (nous-mêmes), de nous recoder, Et les techniques pour ce faire ressemblent à celles que l’on utilise pour les sociétés.
A noter que l’envers de la dépression est l’optimisme. Etre optimiste, c’est voir une opportunité dans ce que d’autres percevraient comme une tuile.
La théorie et la pratique de Christophe André, qui s’est spécialisé dans le traitement des peurs, me semblent aller dans ces directions.