Histoire d’un Allemand

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Il y a des livres qu’il faut lire. Et même lire d’urgence. « Histoire d’un Allemand » en fait partie. Ce livre est le récit autobiographique d’un Allemand qui, constatant l’essor du nazisme, prend conscience de sa violence inéluctable et en tire les conclusions qui s’imposent : fuir l’Allemagne sous peine de devoir collaborer avec ce parti abject.

Né en 1907, l’auteur égrènent ses souvenirs du déclenchement de la première guerre mondiale, durant les vacances estivales, jusqu’à son enrôlement au sein d’un groupe de jeunes magistrats pour un endoctrinement en pur et due forme.

Sans être historien de métier au moment où il rédige ce texte – avant la seconde guerre mondiale – l’auteur livre un aperçu de la lente dégradation de la société allemande. Traversant la défaite, puis l’épisode révolutionnaire de 1918 (qui ressemble étrangement à la Commune de Paris), les soubresauts de Weimar, l’assassinat de Rathenau, la dévaluation du mark, puis l’accession de Hitler au pouvoir et les premiers mois durant lesquels le régime nazi va prendre ses marques.

Ce livre passionnant offre un éclairage assez différent de l’enseignement scolaire de la montée du nazisme. On y découvre une description minutieuse, même si elle est faite par un jeune homme d’une vingtaine d’années, de la société allemande d’après-guerre, de la faiblesse de leurs dirigeants et de l’effroyable passivité de ce peuple alors que la puissance des nazis n’était encore qu’embryonnaire.

Ce qui est particulièrement intéressant, c’est que ce texte découvert par le fils de son auteur après le décès de ce dernier, a été écrit avant guerre, et n’est donc pas biaisé par des considérations influencées par les horreurs qui suivirent. Sebastian Haffner livre une analyse du nazisme à l’état pur, alors qu’on ne peut pas encore le taxer au prétexte de ses pratiques d’extermination. Après tout, Hitler n’est, en 33, qu’un politicien nationaliste comme un autre, et l’Allemagne a déjà traversé peu de temps auparavant de sanglants événements de politique intérieure. Qu’est ce qui différencie cette période des années qui précèdent ?

Et pourtant, pour Haffner, il n’y a pas de doute, il faut fuir, il n’y a pas de doute, car ce qui est en jeu, c’est l’effondrement non pas des libertés, mais de toute la logique sur laquelle l’état et la société allemande ont été construits. Il raconte, avec force détails, des épisodes qu’on croirait sortis d’un roman de Kafka, où des juristes éminents doivent faire profil bas pour laisser des nazis incultes tenir leur rôle, où des SA viennent inspecter un appartement et y rechercher des « criminels » comme bon leur semble, où des individus disparaissent sans qu’on sache où et pourquoi. L’antisémitisme n’a a lors pas encore atteint les sommets qu’il atteindra quelques années plus tard, mais il est déjà palpable. Le sort des apatrides est particulièrement douloureux, et on sent la nasse se refermer sur eux. Etc.

Mais je n’en dis pas plus.

Il faut lire ce livre.

Et le faire lire autour de soi.

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