Histoire du terrorisme
Après avoir lu son livre consacré à l’histoire des otages, je me suis lancé dans un autre livre de Gilles Ferragu, consacré à une autre forme de violence, dont nous sommes hélas plus familiers : le terrorisme. Dans son Histoire du terrorisme, cet historien spécialiste de l’histoire contemporaine retrace avec minutie comment ce concept, apparu il y a un peu plus de deux siècles à peine, s’est imposé à la fois comme un moyen de pression, de communication et de combat, un peu partout dans le monde.
Cocorico
Première surprise en démarrant cette lecture, on découvre que le terme « terrorisme » a été inventé … en France, à la fin du 18e siècle, à la suite d’un attentat à la charrette piégée contre le premier consul Bonaparte, qui l’a injustement attribué à des supporters de la Terreur, alors qu’il était le fait de royalistes selon l’enquête de Fouché. Ce n’est certes pas la première fois qu’un prince, qu’un roi ou qu’un empereur est directement menacé, Jules César ou Henri IV en ont déjà fait les frais par le passé.
Mais c’est la première fois qu’on attribue ce type de tentative à l’instauration, par la force et le meurtre, d’un nouveau type de régime. Effet indirect de la disparition du droit divin, cet attentat raté marque la première tentative de reprise en main de son destin par un peuple, et non par des régimes similaires. Merci la révolution française…
Il est aussi le premier d’une longue série de tentatives ratées ou réussies, comme l’élimination d’Alexandre II à la fin du 19e siècle : dans la Russie des derniers tsars, le terroriste est encore marqué d’un certain romantisme.
Le terrorisme au service de la révolution
Communistes, anarchistes ou gauchistes, les supporters de la révolution en tout genre se sont rapidement appropriés les méthodes terroristes. Pour les uns, la fin des régimes autoritaires ne peut arriver que par la violence. Pour les autres, l’attentat terroriste est le meilleur moyen de populariser une cause, d’obtenir une certaine visibilité et de fédérer des soutiens. Tout au long du 20e siècle, un peu partout dans le monde, les mouvements révolutionnaires adopteront cette forme de communication ultra-violente, prête à sacrifier quelques innocents au service d’une hypothétique liberté pour des populations opprimées. Qu’il s’agisse de Bolcheviks en Russie, de mouvements anarchistes en France, ou de communistes en Allemagne, Gilles Ferragu retrace le destin mouvementé de ces groupes qui terrorisèrent leurs pays respectifs.
Plus près de nous, dans l’histoire récente, il reprend également le parcours de mouvements comme Action Directe en France, les Brigades Rouges en Italie ou la Faction Armée Rouge en Allemagne, qui ont ensanglanté l’histoire de leurs pays respectifs, pour illustrer la genèse de ces mouvements nés de revendications d’une jeunesse qui ne veut plus de l’ordre instauré par les générations précédentes.
Du terrorisme de mouvement au terrorisme d’état
Mais le terrorisme n’est pas uniquement le fait de mouvements révolutionnaires, plus ou moins de mèche avec une forme de grand banditisme. Une nouvelle forme de terrorisme voit en effet le jour avec l’émergence des partis fascistes, en Allemagne et en Italie, et l’asservissement de la Russie par le régime soviétique : bienvenue dans le monde des états totalitaires, qui se servent du terrorisme soit pour anéantir leur opposition, soit, dans une approche machiavélique, pour attribuer à leurs adversaires des méfaits qu’eux-même sont organisé pour appuyer leur domination, comme les Nazis avec l’incendie du Reichstag. La terreur est une composante quasi naturelle de ces régimes aux méthodes expéditives, qui inventeront d’autres formes de violence d’état, comme l’internement dans des camps, avant de tenter d’imposer leurs idées et leurs méthodes à leurs voisins, dans des conflits planétaires.
Le terrorisme au service des revendications nationalistes
Dans la deuxième partie du 20e siècle, dans un monde qui panse ses plaies issues de la seconde guerre mondiale, une nouvelle forme de terrorisme voit le jour. Il s’agit d’un terrorisme au service de mouvements de revendication nationale. Il ne s’agit plus de renverser un régime – un roi, un empereur ou une république – mais de libérer un peuple, asservi par des décennies de colonisation, ou de libérer un territoire. Pour illustrer le premier cas, Ferragu retrace l’histoire du FLN, de l’IRA, d’ETA ou dans une moindre mesure, du GLNC.
Dans l’autre, il puise dans l’histoire récente avec la création de l’état d’Israel, ou les mouvements terroristes palestiniens. Ces dernier ont réellement fait preuve d’innovation, avec des concepts comme le détournement d’avion, les prises d’otage, la médiatisation à outrance ou la mondialisation des actes terroristes : c’est ainsi qu’on a vu des Allemands ou des Japonais participer à des attaques de plus en plus complexes, sur des territoires distants de leurs bases naturelles (Entebbe, Munich, par exemple), avec une couverture télé en direct, inimaginable auparavant.
Le terrorisme au service de l’islamisme
Avec la révolution iranienne, cependant, une nouvelle forme de terrorisme voit le jour, au service du djihad, de la guerre sainte, un paradoxe – le suicide n’est pas autorisé par l’Islam… L’Iran n’est certes pas le seul pays impliqué dans ce jeu dangereux. L’Afghanistan a servi de terrain de jeu expérimental, suite à l’invasion russe du début des années 80. Dans ce creuset se sont formés les principaux acteurs des attentats terroristes qui marqueront le monde entier, de l’attaque contre le World Trade Center à l’instauration du califat entre la Syrie et l’Irak.
Sorti en 2014, le livre de Gilles Ferragu détaille, avec précision et sans parti pris, l’histoire de ces différents mouvements terroristes, leur genèse comme, parfois, leur disparition soudaine, ou leur renonciation à la lutte armée pour se fondre dans une approche plus politique. Le seul regret qu’on puisse exprimer, c’est qu’il n’existe pas encore de mise à jour de ce livre très complet, qui tiendrait compte des événements les plus récents, et notamment des attaques de 2015 et 2016 en Europe.
Il restera cependant un livre essentiel pour qui veut à la fois comprendre comment se répandent les idées terroristes, et comment un état peut, ou doit, lutter contre celles-ci.
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Hervé Kabla, ancien patron d’agence de comm’, consultant très digital et cofondateur de la série des livres expliqués à mon boss.
Crédits photo : Yann Gourvennec