Hamas, mode d’emploi
Je ne suis pas un grand fan des discours ou des sermons développés par les rabbins. C’est un de mes défauts les plus visibles. Je trouve en général ces interventions souvent redondantes, tournant autour des mêmes sujets (la foi, la morale, etc.), et sans réelle innovation. Ce qui fait qu’à de très rares exceptions, je finis par rapidement sombrer dans une semi-léthargie durant les 5 à 10 minutes que durent le plus souvent ces prises de paroles, à la grande stupéfaction de mon voisin de schul habituel, qui se demande encore encore j’arrive à m’assoupir aussi vite…
Quand je dis à de très rares exceptions, c’est qu’il m’est arrivé de rester éveillé, dès lors que le sujet abordé, ou le déroulé de l’exposé, parvient à éveiller mon intérêt. C’est qu’au fil du temps, je suis parvenu à développer une étonnante capacité à ne dormir que d’un oeil, et à enclencher le mode réveil si la tournure du discours ou du sermon prend une forme originale. Bref, s’il y a quelque chose à retenir de ce qui est en train d’être exposé par l’orateur.
Quel lien entre Hamas et Noé ??
Ce fut le cas ce samedi, alors que je m’aventurais dans l’un des nombreux offices qui ont désormais cours à Boulogne Billancourt. La somnolence habituelle m’envahissait avec douceur quand mon cerveau fit tilt. Le rabbin était en train de faire un lien original, et je ne voulais pas rater l’enchaînement de son propos, que je vais rapidement résumer ci-après. Comme l’évoque le titre de cet article, il a trait avec le Hamas. Étonnant, pour une paracha (la section hebdomadaire lue à la synagogue) dédiée aux aventures de Noé et de sa famille, affrontant le déluge (je m’attendais à une évocation des récents événements à Valence, mais ce ne fut pas le cas…).
En réalité, pour qui connaît bien le texte de cette paracha, le terme Hamas y est employé dès les premiers versets. Plus exactement au chapitre 6 verset 11 de la Genèse. Voici ce qu’on peut y lire.
וַתִּשָּׁחֵת הָאָרֶץ לִפְנֵי הָאֱלֹהִים וַתִּמָּלֵא הָאָרֶץ חָמָס
Selon la traduction de Samuel Cohen, qu’on peut facilement retrouver sur le site Judepodia, voici le sens de ce verset.
La terre alors était corrompue devant Dieu et était pleine de violence
Le terme Hamas (dernier mot du verset en hébreu) signifie en effet violence. Bien entendu, c’est tout à fait par hasard que ce même terme désigne ;’organisation terroriste dont on aprle abondamment depuis quelques temps, et dont le nom est en réalité l’acronyme de l’expression arabe ḥarakat al-muqāwma al-ʾislāmiyya signifiant Mouvement de « résistance: islamique, selon Wikipedia.
Ce qui est étonnant, c’est que cette première apparition du mot Hamas a lieu dans la seconde paracha qui suit la date hébraïque du 7 octobre. L’an dernier, elle était lue deux semaines après l’attaque terroriste, cette année, en raison du décalage des fêtes, c’est à peine 10 jours après.
Cette proximité temporelle est déjà assez étonnante.
Mais ce n’est pas tout.
Onkelos à la rescousse
Il faut savoir que dans certaines éditions du Houmach (le Pentateuque), le texte de la Torah est imprimé à côté d’un texte original, appelé Targoum Onkelos. Pour qui n’est pas familiarisé avec ces concepts, disons qu’il s’agit d’une traduction de la Torah dans la langue la plus couramment pratiquée dans l’Antiquité au Proche-orient, l’araméen, par un sage appelé Onkelos, au destin étonnant. Il s’agit en effet d’un notable romain converti au judaïsme, peut-être le neveu de l’empereur Titus. La traduction d’Onkelos permet de mieux comprendre certaines subtilités du texte de la Torah, en apportant des précisions sur certains termes.
Or, dans le cas du verset qui nous intéresse, ces précisions sont étonnantes. Voici en effet ce que dit Onkelos.
La traduction d’Onkelos correspond à la seconde ligne de texte. Je n’ai malheureusement pas trouvé de traduction du texte d’Onkelos en français ou en anglais. Mais le lecteur hébraïsant verra tout de suite deux termes étonnant : le premier et le dernier. Le premier, veith’abela, a la même racine que le terme meh’abel, en hébreu : terroriste. Le dernier, h’atofin, est encore plus célèbre, depuis qu’une série israélienne a adopté sa version en hébreu moderne comme titre : hatoufim, qui signifie prisonniers, ou kidnappés.
Je laisse mes lecteurs les plus habiles tirer les conclusions qu’ils voudront en tirer.
Pour ma part, j’étais dans un premier temps surpris qu’on n’ait pas relevé cette coïncidence plus tôt. Attribuant cela à la stupeur des premières semaines qui ont suivi le pogrom du 7 octobre, je me suis empressé de rechercher sur Google si d’autres personnes étaient tombées sur ce lien étonnant. Je suis tombé sur quelques articles qui font le lien, comme celui-ci.
Moralité : pendant le discours du rabbin, ne dormir que d’une oreille. Pour ne pas rater la pépite qui se cache parfois dans ses propos…
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Hervé Kabla, ancien patron d’agence de comm’, consultant très digital et cofondateur de la série des livres expliqués à mon boss.
Crédits photo : Yann Gourvennec
Merci du partage ; une rencontre intrigante ; bel article, aussi, de Weiner.