Halte aux minuteries mal réglées dans les toilettes !
Les économies d’énergie sont devenues une tendance majeure… On comprend aisément pourquoi. La hausse du prix de l’énergie, ces derniers temps, l’embargo sur les hydrocarbures russes sur fond de guerre en Ukraine, tout nous pousse à faire attention à la moindre goutte d’essence en trop, aux climatiseurs inutilement laissés allumés, voire aux veilleuses de nos appareils électriques. Le président de la République nous a prévenus : l’ère de l’abondance est derrière nous, bienvenue dans l’ère des restrictions.
À titre personnel, en matière de restrictions, je suis près à accepter beaucoup de choses. Je ne suis pas encore arrivé au stade d’un ascète hindou, mais je sais fort bien me passer d’un repas, prendre le métro au lieu de la voiture quand cela s’impose, ou me passer d’un gadget inutile en trop.
Mais il y a un domaine sur lequel je ne transigerai point.
C’est la durée de l’éclairage dans les lieux d’aisance.
Pipi dans le noir complet
Je ne sais pas si vous l’avez remarqué, mais depuis quelques années, en effet, une mode s’et emparée des entreprises, restaurants et autres lieux publics. Chaque fois que vous vous y enfermez pour soulager un besoin physiologique bien compréhensible, une minuterie se met en marche, pour ne pas maintenir l’éclairage plus longtemps que nécessaire.
Or comment faire pour déterminer la durée nécessaire à nos petits besoins ? C’est là que d’ingénieux ingénieurs se sont abondamment grattés le cuir chevelu, pour aboutir à une solution que je considère personnellement comme une abomination : grâce à un détecteur de mouvement. Pour ces petits malades de l’ingéniosité, c’est l’absence de mouvements détectables qui détermine la fin de nos besoins, et la fin de l’éclairage.
Autrement dit : ça bouge, on éclaire, ça ne bouge plus, on éteint.
La suite, vous l’avez tous (et toutes) expérimentée : en plein milieu de votre petit pipi ou de votre petit caca, la lumière s’éteint. Vous vous retrouvez dans le noir complet, seul avec vous-mêmes et le petit bruit caractéristique de votre petit pipi qui, lui, ne s’est pas éteint faute de mouvement.
En pareille situation, plusieurs stratégies sont envisageables. Certains entament un mouvement des bras, d’une amplitude variable, pour réactiver le détecteur de mouvement. D’autres, dont je fait partie, se mettent à dodeliner doucement de la tête. D’autres encore, mais c’est un mouvement plus délicat en cas de pipi ininterrompu, amorcent une lente rotation du fessier.
Peu importe le mouvement, en fait, pourvu que la lumière s’allume.
Que la lumière soit
Or parfois, le détecteur est long à la comprenotte. Il faut donc prolonger le mouvement, ou mixer deux mouvements, comme l’agitation des bras et le dodelinement de tête.
C’est fastidieux. Et assez déplaisant. Pour ne pas dire stupide.
Alors qu’il existe d’autres stratégies bien plus efficaces :
- la plus simple : la détection de bruits devrait empêcher toute extinction pendant une durée de 30 secondes
- un peu plus sophistiquée : une caméra dotée d’un microphone, couplée à un module d’intelligence artificielle, pourrait aisément déterminer selon la position (debout, assis), le type de bruit émis (plouf ou non, ahannements ou non) la durée probable de la séance en cours
- le nec plus ultra : une caméra dotée de reconnaissance faciale (avec anonymisation des résultats évidemment) pourrait déterminer la durée habituelle des uns et configurer automatiquement le module d’extinction en fonction du profil de l’utilisateur. Mieux, une fonctionnalité, couplée à la suite Google ou Microsoft Office, pourrait permettre à chacun de demander un surplus de temp.
Vous voyez, il y a des solutions technologiques très simples pour faire des économies d’énergie intelligentes sans pour cela contraindre les utilisateurs des lieux d’aisance à des contorsions improbables.
Une seule catégorie d’utilisateurs, néanmoins, devrait être privée de ces fonctionnalités évoluées : ceux qui utilisent leur smartphone dans de tels moments. Il faut dire qu’ils peuvent aisément s’en passer : le rétro-éclairage de leur écran suffit largement à éclairer ces instants solitaires…
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Hervé Kabla, ancien patron d’agence de comm’, consultant très digital et cofondateur de la série des livres expliqués à mon boss.
Crédits photo : Yann Gourvennec