Génétique et douleur – Pr Marshall Devor, UHJ, ELSC
La variabilité est un facteur important dans le domaine de la douleur. La plupart des émotions et des sensations (appréciation du goût, des couleurs, de la musique) varient peu: mais dans le cas de la douleur, la variabilité est remarquable, d’un individu à l’autre.
Pa exemple en cas de mastectomie, ou d’amputation d’une jambe, certains patients ne sentent rien de particulier, mais d’autres continuent de sentir la douleur.
Traditionnellement, la différence dans la sensation de douleur est attribué à des facteurs psychosociaux, mais aussi à des facteurs culturels. On oppose souvent le stoïcisme des vikings au comportement plus léger des populations latines… En fait, il y a un facteur génétique qui explique certaines formes de variabilité.
Comprendre la part de génétique impliquée dans la sensation de douleur permettrait de mieux individualiser les traitements, d’améliorer le diagnostic ou d’anticiper les traitements, et même de mieux comprendre les mécanismes qui entrent en jeu dans la douleur.
D’où vient cette idée que la douleur serait associée à des facteurs génétiques? Déjà, on peut considérer les facteurs culturels déjà évoqués. Mais il y a aussi l’étude des mutations rares, l’étude des jumeaux, les modèles basés sur les animaux.
Des études sur des souris, sur lesquelles le patrimoine génétique a été modifié pour accentuer, ou diminuer la sensation de douleur, a permis de mettre en évidence ce mécanisme. Des souris hybrides, insensibles à la douleur, ont ainsi pu être créées. Le gène en question est Cacng2. Une étude sur Cacng2 sur des patientes a permis de prédire les effets de douleurs post-mastectomie.
Quel est l’impact? et bien, si sur la base d’un test sanguin on peut anticiper que la patiente souffrira de douleurs post-mastectomie, on peut par exemple prendre des soins particuliers lors de l’opération, voire envisager d’autres types d’opérations.
Deux types d’approches sont envisagées: les gènes qui affectent la susceptibilité à la douleur pour une certaine pathologie, ou ceux qui permettent de détecter qu’une certaine maladie peut être douloureuse. Il existe 3 SNP (single-nucleotide polymorphism) qui distinguent les femmes qui développent ou non des douleurs chroniques post mastectomie.
Comment les gènes affectent les expériences émotionnelles et la sensation de douleur? Les gènes codent les protéines, mais peuvent en fait affecter la personnalité et la perception. Existe-t-il des gènes pour la générosité, l’appétence au risque ou au sexe, pour l’altruisme, etc.? Non, les gènes vont affecter la production de telle ou telle protéine, conduisant par exemple au développement musculaire, qui va pousser un individu à prendre plus de risques que la moyenne.
Cette variabilité génétique de la sensation de douleur permet de mieux accepter le fait qu’on est plus sensible que son conjoint ou son voisin, comme un héritage de ses parents.
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Hervé Kabla, ancien patron d’agence de comm’, consultant très digital et cofondateur de la série des livres expliqués à mon boss.
Crédits photo : Yann Gourvennec