Forte mobilisation des taxis = manifestation de faiblesse?
Les chauffeurs de taxi se sont donc fortement mobilisés aujourd’hui, pour protester contre Uber. N’allez pas pas croire que c’est contre UberPop que se focalise leur colère, le véritable objet de leur phobie, c’est Uber, la société qui symbolise à elle seule l’univers des VTC, un univers qui ne se imite pourtant pas qu’à celle-ci, puisqu’il existe d’autres services comme Snapcar, Marcel, etc. Ce faisant, les taxis parisiens n’ont rien fait de plus que donner un coup de pioche supplémentaire pour agrandir la tombe dans laquelle ils plongent cette profession. Et voici pourquoi.
Répondre à la demande
Uber et les VTC en général répondent à une évolution du marche et de la demande des passagers. Dotés de smartphones, ces derniers se sont précipités vers ces applications à la fois simples, pratiques, qui font un usage intelligent de la géolocalisation, et assure un moyen de paiement moderne (la carte bancaire). Combien de sociétés de taxi se sont intéressées à ce sujet depuis que ces outils existent? C’est pourtant elles qui étaient aux premières loges et auraient dû répondre à cette évolution des usages.
Répondre aux exigences
Uber et les VTC en général répondent à un deuxième aspect, non moins important, qui relève du niveau d’exigence qu’on peut attendre de cette profession. Qui n’a jamais été déçu – et le verbe décevoir relève de l’euphémisme ici – de son expérience des taxis parisiens? Des taxis parfois sales, des chauffeurs peu polis, qui refusent des courses sous prétexte que ça n’est pas leur chemin (et puis quoi encore?), des tarifs opaques avec une prise en charge excessive (le compteur tourne, tourne…), des véhicules parfois inconfortables, et toujours cette exigence de régler en liquide (ah non, je ne prends pas la carte bleue: le besoin de faire du black érigé en système…).
Bien sûr, il existe encore des chauffeurs de taxi qui font correctement leur métier, et qui ne sont pas tombés dans ces travers. Mais faites le compte, sur vos dernières expériences, au départ d’une gare, d’un aéroport ou lors d’une prise en charge dans la rue, combien de fois êtes-vous sortis d’un taxi parfaitement satisfaits de votre course? Pour avoir testé Uber une bonne vingtaine de fois cette année, je peux vous assurer que dans la grande majorité des cas, j’en suis ressorti emballé: un accueil parfait, une politesse à toute épreuve, un règlement transparent, une bouteille d’eau, des bonbons ou un câble USB pour votre Smartphone, à chaque fois, le client est roi…
Sortir du cadre contraignant du passé
Le chauffeur de taxi parisien moyen semble être resté figé dans une époque. Ce n’est totalement sa faute: le cadre légal, qui les contraints à payer un droit pour exercer leur profession, porte sa part de responsabilité dans l’immobilisme actuel. Mettez-vous à leur place, comment réagiriez-vous face à l’irruption de concurrents plus ambitieux, qui offrent un meilleur service, et modernisent votre secteur? Pourtant, paradoxalement, en supprimant de fait l’obligation d’acheter une licence, les VTC mettent fin à une forme de dépendance qui rend difficilement viable le modèle économique actuel des taxis, et les pousse peut-être malgré eux à être aussi désagréables et focalisés sur les revenus non déclarés.
Les chauffeurs Uber, pour ceux que j’ai rencontrés, semblent sortis d’un même moule: jeunes, ambitieux, polis, élégamment habillés, ils sont presque tous issus de l’immigration. On les rpeère facilement, ils attendent leurs passagers en passant un coup de chiffon sur leur berline noire… Leurs véhicules respectent des standards imposés par la société (berline de marque Skoda, Audi, BMW ou mercedes pour UberX, par exemple), et véhiculent une nouvelle image du transport de personnes. Et si vous vous déplacez à l’étranger et faites appel à ce service (à Londres, Rome ou ailleurs), c’est toujours la même qualité. Bref, ils ont tout pour séduire.
Face à eux, les chauffeurs de taxi, en réagissant avec violence parfois, et en prenant les passagers en otage de leur opération escargot, croient manifester leur force, alors qu’ils ne mettent en évidence que leur faiblesse: faiblesse de leur combat, de leurs arguments, de leur système économique. Ils se mettent à dos les usagers, dont pas un n’est prêt à prendre leur défense.
Les chauffeurs de taxi ont leur avenir derrière eux. Il serait temps qu’ils regardent devant eux, et non dans leur rétroviseur.
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Hervé Kabla, ancien patron d’agence de comm’, consultant très digital et cofondateur de la série des livres expliqués à mon boss.
Crédits photo : Yann Gourvennec
Avec les mêmes arguments, je ne suis pas sûr d’arriver aux mêmes conclusions.
1) Les taxis Uber ont un avantage, si je lis bien, ils n’ont pas eu à payer pour entrer. Or, si j’ai bien compris, cela coûte très cher de devenir un taxi normal, et ça ne rapporte pas beaucoup.
Au fait, être taxi sans suivre la procédure appliquée aux taxis, est-ce légal ?
2) Les chauffeurs de taxi réagissent comme ils peuvent. Et toujours de la même façon. Et ce, en grande partie, parce qu’il sont nombreux, et qu’il est difficile de faire preuve de beaucoup de subtilité quand il y a autant de monde à coordonner. Mais aussi parce que ce sont des chauffeurs de taxi qui n’ont pas le temps, ou la formation, de se pencher sur la question de la révolution numérique. Ils ne peuvent que subir les événements. C’est la révolte des sans-grades. Ce ne sont pas des X-Télécom.
3) La question que pose cette grève, à mon avis, est : faut-il « laisser faire » ? Ou une société doit-elle venir au secours de ceux de ses membres qui souffrent ? Et leur donner un petit coup de pouce pour passer les moments difficiles, comme le pensent les auteurs de « Poor economics » ?
D’ailleurs, ne parlait-on pas de « flexisécurité » à l’époque Sarkozy, c’est-à-dire, justement, d’aider le citoyen à s’adapter aux évolutions économiques ?
(Par ailleurs, je ne fréquente pas beaucoup les taxis, mais à chaque fois que je le fais, c’est impeccable.)
Débat de fond… 🙂
1) Un chauffeur Uber fait environ 5200 euros de CA mensuel (dixit un chauffeur à un ami). Moins 20% de prélèvement Uber, moins l’amortissement du véhicule et le coût de l’essence. Un taxi normal peut-il gagner autant?
Sur la question du droit, j’avoue que je suis un « barbare », le droit doit évoluer avec la société, sous peine de rester avec un cadre légal dépassé et qui freine la société.
2) les chauffeurs de taxi sot effectivement des sans grades, mais ne comprennent-ils pas qu’ils font avant tout le jeu des grandes sociétés de taxi (G7 etc.), qui, elles, sont dirigées par des nantis?
3) L’état doit, on pas venir au secours, mais aider la transformation à se réaliser. Par exemple forcer les groupes à réduire les charges pour faciliter la transition. Ou proposer un amortissement de la licence sur 15 ou 20 ans, ou une exonération fiscale, etc.
Autre impact de la grève des taxis, notre image internationale… Cf. https://twitter.com/Courtney/status/614023592871723009