Les 50 ans de FIP
Il y a un demi-siècle débutait l’aventure d’une des stations de radio les plus originales au monde : FIP. Je ne me souviens pas de sa naissance, j’étais trop jeune pour cela. Mais je me souviens très bien d’avoir écouté FIP très tôt. Cela remonte à un temps où l’on écoutait la radio sur un poste, et non via Internet. Une époque où la plupart des stations de radio dites « périphériques », les RTL et Europe 1, ainsi que France Inter, émettaient en grandes ondes (LW ou AM sur ces anciens postes).
FIP, une station de radio en avance sur sa technologie
Cette technologie posait deux problèmes majeurs. Le premier, c’était la qualité du son, vraiment ignoble. Il fallait régler le curseur pour bien caler a fréquence, et même quand on y parvenait, ça crachotait et le son n’était pas très pur. Le second, c’est qu’on ne capte pas les stations qui émettent en grandes ondes quand on passe dans un tunnel. Coincés dans les embouteillages des périphériques à l’arrière du véhicule familial, on pouvait passer de longues minutes de « blanc », avant de reprendre le fil de l’émission ou de la chanson qui était diffusée.
Mais avec la FM, la technologie dite de « modulation de fréquence », ces deux inconvénients disparaissaient, d’un coup. Or à la fin des années 70, que trouvait-ton sur la FM ? Pas grand chose, à part … FIP. La grande révolution de 1981 et des radios libres arriva 10 ans après que FIP ce soit installé… Et c’est ainsi que je suis devenu un auditeur régulier de cette station.
FIP, une station de radio originale
Il faut dire que FIP est une station originale et exigeante. Originale, car elle ne diffuse pas de publicité, qu’on n’y entend presque jamais d’animateur ni de débat, ni même de jeu radiodiffusé, et quelques flashes info. Contrairement aux autres stations de radio de cette époque, FIP, c’était de la musique, non-stop. De temps en temps, on entendait une voix féminine nous annoncer la sortie d’un disque, ou un prochain concert. Mais jamais plus, et avec une voix si suave et régulière, que j’ai longtemps crû qu’il s’agissait de la même animatrice, restée aux manettes durant plusieurs décennies, un peu comme un personnage de bande dessinée, un tintin de la bande FM, dont l’âge était figé dans le marbre de la modulation de fréquence, alors qu’en réalité, il y a bien dû y avoir une dizaine de présentatrices différentes.
Sur FIP, pas de journal de la mi journée, un flash info toutes les heures ou presque, 10 minutes avant l’heure pile. Ce qui en faisait une sorte de lointain ancêtre de France-Info. En 6 ou 7 dépêches, la voix d’un homme, cette fois, nous annonçait ce qu’il y avait à savoir, un point c’est tout. Et on enchaînait alors sur de la musique, de nouveau, souvent sur un rythme en rapport avec les dernières nouvelles me semblait-il.
FIP, une station de radio exigeante
J’ai dit que FIP était une radio exigeante, et c’est pour une raison essentielle : sur FIP, à part l’émission Jazz à FIP consacrée aux Jazz, tous les soirs de 19h à 21h, il était impossible de savoir ce qui allait être diffusé. Si vous ne l’avez encore jamais fait, écoutez FIP pendant une heure, et vous réaliserez l’un des plus beaux voyages sonores de votre vie : vous passerez d’une symphonie du 19è siècle à la variété française, puis au rock américain des années 60, à la musique berbère, avant de revenir vers la musique de chambre, puis d’enchaîner avec un blues, un instrumental, une musique de film et un rap.
Tout cela, sans que deux chansons du même style se suivent, mais avec des enchaînements qu’il faut parfois analyser au second degré, par ce que les titres se télescopent, ou parce que les mélodies se ressemblent, mais non les rythmes.
Un tel éclectisme ne convient pas à tout le monde. Ceux qui ne conçoivent la radio que comme un déferlement de rythmes tous similaires, comme Voltage FM, Radio Classique ou SkyRock n’y trouveront pas leur bonheur : les styles de musique sont trop variés sur FIP. Ceux qui attendent des prises de parole d’auditeurs, de l’information en continu, non plus. FIP s’adresse à un public qui souhaite qu’on le surprenne, qu’on l’émerveille, qu’on l’éduque et l’enrichisse avec de nouvelles saveurs musicales. Aucune autre radio n’en est capable, à part peut-être Radio Nova. J’ai d’ailleurs souvent constaté que les publics de ces deux stations se superposent assez bien.
La diversité a un prix
Pourtant, cette richesse et ce plaisir d’écoute a un prix. Avec FIP, vous ne savez jamais ce qui est diffusé ou va l’être ! Pour connaître le titre d’un morceau ou l’interprète d’un air, il fallait autrefois téléphoner à la station. De nos jours, c’est plus simple, il suffit de consulter la rubrique titres diffusés du site Internet de FIP, ou d’utiliser Shazam. C’est comme cela que j’ai découvert, il y a plus d’une dizaine d’années, le groupe Hooverphonic, via le titre « The world is mine« , un dimanche matin, sur FIP.
Bien sûr, il y a des ratés. Je me souviens encore d’un air, qu’il m’arrive de siffler ou de rechanter dans ma tête, que j’avais écouté sur FIP au début des années 80. Là aussi, comme avec Hooverphonic, une pêche dingue, un air à vous remettre en forme en deux secondes. À l’époque, j’utilisais un poste à cassettes audio JVC, reçu à ma bar-mitzva. Je m’étais donc empressé d’enregistrer les derniers instants de ce morceau. Mais j’ai ensuite égaré la cassette, je ne peux plus réécouter ce morceau, pourtant gravé dans ma mémoire, et je ne saurai probablement jamais quel groupe ou artiste l’interprétait.
FIP à l’ère moderne
Internet a changé les modes de consommation, y compris pour la radio. La concurrence avec le streaming est féroce. Il a fallu s’adapter. FIP l’a fait avec talent, en ajoutant, comble du paradoxe, des radios spécialisés sur des tendances particulières (rock, électro, musique du monde, etc.), un peu à l’instar de Galgalatz. Personnellement, je ne suis pas un grand fan de cette approche, et je préfère écouter la station classique, au risque d’être déçu par tel ou tel titre.
Peu m’importe.
Pour moi, FIP est probablement la meilleure station de radio musicale au monde. Et ses auditeurs, probablement les personnages les plus éclectiques vivant en France. D’ailleurs, lorsque vous entrez dans un taxi, écoutez ce que le conducteur y diffuse : s’il est branché sur FIP, rien à craindre, vous pouvez être sûr d’un trajet de qualité.
Pourtant, régulièrement, des rumeurs se propagent, comme quoi, dans une démarche de réduction des coûts, Radio France allait fermer cette station géniale.
Puisse ce jour-là ne jamais arriver.
Pour écouter FIP en région parisienne : 105.1MHz.
Sur Internet : via le site de FIP.
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Hervé Kabla, ancien patron d’agence de comm’, consultant très digital et cofondateur de la série des livres expliqués à mon boss.
Crédits photo : Yann Gourvennec