Fin des médias sociaux, le débat est lancé!
Je m’attendais à ce que mon article très provocateur paru en décembre dernier sur la fin des médias sociaux fasse jaser, et j’ai été servi, puisque Pierre Chappaz y consacre un très intéressant article (repris en plus provoc sur Atlantico) auquel je vais tâcher de très rapidement répondre.
Qu’est ce que je disais dans cet article?
Je disais que 4 menaces planaient sur les médias sociaux: l’infobésité accélérée, la lassitude des utilisateurs des grandes plateformes sociales, la convergence de ces dernières vers des fonctionnalités assez proches et l’essor du web social sur le site des entreprises (type blog d’entreprise).
Bien sûr, je n’ai pas la science infuse, et je traîne sur le web depuis moins d’années que Pierre et que bien d’autres. Mon analyse ne s’appuie pas sur des chiffres, ni sur des études, mais plus sur un « ressenti » et une projection à 2 ou 3 ans. Je ne prétends pas que ces plateformes disparaîtront, mais plutôt que les usages qu’on en fait vont évoluer, ce que Yann a très bien formulé dans un de ses articles: la fin des médias sociaux tels qu’ils sont pratiqués aujourd’hui.
Que dit Pierre Chappaz?
Pierre me reproche une certaine cécité sur Facebook vs. MySpace. Loin s’en faut. Je suis absolument certain que Facebook est allé bien au-delà de MySpace, tant sur l’écosystème qu’il draine grâce à l’ouverture de sa plateforme, que la masse critique atteinte (800 millions de personnes), la croissance continue en Asie notamment ou son approche très affûtée des plateformes mobiles. Et j’ai lu comme lui les études sur le temps passé sur Facebook vs. le reste du web. Néanmoins, les arbres ne montent pas au ciel, et la nature humaine a cela de particulier, qu’elle se lasse de tout (ou presque). Je pense, personnellement, que le plateau sera atteint cette année.
Concernant la multiplication des plateformes, Pierre évoque un effet d’optique: je ne suis pas dupe, et je sais qu’une bonne partie de mon entourage et moi-même faisons partie d’une secte d’hyper-connectés. Mais j’ai aussi gardé le contact avec les « humains », les vrais, ceux qui se suffisent d’un réseau social, mes mais les dentistes, les avocats, les étudiants. Ceux-là n’iront pas sur 3 ou 4 plateformes différentes, parce qu’ils n’en ont pas le temps, le web n’étant ni leur métier ni leur passion, mais juste un outil. Jusque là, Pierre et moi sommes d’accord. Là ou nous ne le sommes pas, c’est qu’à mon avis, les grandes plateformes sociales espèrent toutes poursuivre leur croissance, alors même qu’on vient de dire que la majorité des utilisateurs se contenteront de Facebook et d’un réseau pro type LinkedIn. Quel avenir alors pour les autres?
Pierre évoque enfin la suprématie de Facebook, et je veux bien le lui accorder. Mais là où je m’interroge, c’est sur cette stratégie de Facebook visant à faire venir un maximum de marques, pour y rassembler un maximum de fans, par le biais … de la publicité. Comme nombre de patrons d’agence, j’ai suivi avec intérêt l’évolution de Facebook ces 5 dernières années. Et je peux vous assurer que tenir une page entreprise n’est pas une mince affaire ni une partie de plaisir: l’acquisition de fans (au sens noble) est de moins en moins facile, et rares sont, au final, les utilisateurs de Facebook fans de plus d’une poignée de pages. Mais pire, les risques et les ennuis que présentent les pages entreprise sont de plus en plus importants: chaque affaire rapportée par les médias traditionnels, chaque mauvaise nouvelle, chaque litige aussi minime soit-il se traduit par un flot ininterrompu de commentaires agressifs qui finissent par lasser les responsables de ces pages. Facebook est loin d’être un univers rose pour les entreprises, qui finiront, si ces pratiques se maintiennent, par aller voir ailleurs, privant Facebook de son seul moyen de financement actuel, à savoir la publicité. Pour moi, 2012 sera une année charnière sur ce point.
Et où iront les marques une fois qu’elles auront quitté ces plateformes sociales globales: vers des communautés plus restreintes mais plus mûres, portées par les sites de ces marques. C’est sur ce point que je rejoins Pierre Chappaz: pour moi, les blogs ont un avenir radieux, pourvu qu’ils soient construits et gérés avec un bon état d’esprit: blogs individuels ou blogs d’entreprise, peu importe; hébergés chez over-blog, blogspirit, wordpress ou blogger, peu importe. Le blog du futur rayonnera, oui, mais il n’aura pas forcément besoin des autres plateformes sociales…
Voilà en quelques mots les réponses que je souhaitais apporter à Pierre Chappaz. Et s’il lit ces quelques lignes, je l’invite à venir débattre et prendre la parole lors de la prochaine conférence Media Aces, qui sera consacrée à l’avenir des médias sociaux pour les marques en 2012, avec au programme des interventions de Houra.fr (qui a une approche saine des médias sociaux) et de CEGOS (qui possède d’excellents blogs d’ailleurs).
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Hervé Kabla, ancien patron d’agence de comm’, consultant très digital et cofondateur de la série des livres expliqués à mon boss.
Crédits photo : Yann Gourvennec
Sauvés par le blog 🙂
Je partage en partie votre point de vue. Je pense que 2012 amorce un tournant en matière de réseaux sociaux ; que nous sommes arrivés à un un carrefour. Difficile de prédire quelle voie nous allons emprunter, mais je pencherais, intuitivement, pour celle de la maturité critique des internautes vis-à-vis de l’information en ligne. Après l’essor du « consommacteur » (généralisation des commentaires, forums, comparateurs, etc., sur les services et produits des marques), nous devrions assister à la naissance d’une ère propice à la vérification des sources, à la comparaison des angles de traitement de l’actualité (les internautes ont peut-être leurs médias favoris, mais chaque article, sur n’importe quel site, renvoie vers d’autres liens, menant finalement assez aisément à d’autres points de vue), au retour de l’objectivité (rêvons un peu !) ? Le mot-clé de cette tendance, pour moi, c’est « la maturité des lecteurs des sites d’information en ligne ». Dans ces « sites d’information », j’inclus Facebook, puisque, n’est-ce-pas, 60% des partages renvoient vers un article… Bien sûr, en écrivant cela, je vois le verre à moitié plein (ce qui est un positionnement assumé !). Version « verre à moitié vide » : absence totale de recul critique des internautes sur les informations qu’on leur assène sous un angle marketing souvent extrême, génération (on en est où, à Y ou Z ? Vivement les A !) de suiveurs et de fans (le concept en soi n’est pas très valorisant), hégémonie de Facebook ? Mais ouf, vous êtes d’accord avec Pierre Chappaz sur ce point : la persistance de la montée en puissance du blog… Nous sommes sauvés !
Très intéressant.
1) ce qui est dit pour justifier la croissance des médias sociaux ressemble beaucoup à ce que j’ai entendu pendant la bulle Internet. Je recevais étude après étude du Gartner montrant que le marché de telle ou telle innovation allait croître de plus de 100% par an, pendant les prochaines années. Avec une telle croissance, le PIB mondial ne pouvait manquer d’être décuplé à brève échéance…
2) ton raisonnement est bâti sur l’expérience du comportement humain, non sur une théorie plus ou moins brillante. Je soupçonne que les économistes feraient bien de s’inspirer de la démarche… En tout cas c’est inquiétant pour Facebook, qui semblait un des acteurs les plus solides du secteur.
à noter un article, qui me semble aller un peu dans cette direction, dans The Economist (http://www.economist.com/node/21542396), qui analysait les critères de succès d’une levée de fonds pour une bonne cause avec Facebook. Un extrait en VO :
« Traditional fund-raising, using direct mail and events, is far more effective than newer methods, such as e-mail and social networking. »
Et aussi :
« Allison Fine, co-author of a book called “The Networked Nonprofit”, argues that social media offer a handy, low-cost way to build a network of supporters who share ideas and information. But donations come only when the bonds are strong and the network is big. »
Très intéressant.
1) ce qui est dit pour justifier la croissance des médias sociaux ressemble beaucoup à ce que j’ai entendu pendant la bulle Internet. Je recevais étude après étude du Gartner montrant que le marché de telle ou telle innovation allait croître de plus de 100% par an, pendant les prochaines années. Avec une telle croissance, le PIB mondial ne pouvait manquer d’être décuplé à brève échéance…
2) ton raisonnement est bâti sur l’expérience du comportement humain, non sur une théorie plus ou moins brillante. Je soupçonne que les économistes feraient bien de s’inspirer de la démarche… En tout cas c’est inquiétant pour Facebook, qui semblait un des acteurs les plus solides du secteur.
à noter un article, qui me semble aller un peu dans cette direction, dans The Economist (http://www.economist.com/node/21542396), qui analysait les critères de succès d’une levée de fonds pour une bonne cause avec Facebook. Un extrait en VO :
« Traditional fund-raising, using direct mail and events, is far more effective than newer methods, such as e-mail and social networking. »
Et aussi :
« Allison Fine, co-author of a book called “The Networked Nonprofit”, argues that social media offer a handy, low-cost way to build a network of supporters who share ideas and information. But donations come only when the bonds are strong and the network is big. »