Exodus : gods and kings
La déception cinématographique de la saison 2014-2015, c’est sans doute cette adaptation du récit de l’Exode par Ridley Scott. A trop vouloir en faire, ce réalisateur pourtant admirable est tombé dans l’excès. Or, tout le monde le sait, le mieux est l’ennemi du bien. Comparé aux « Dix commandements » dans la version Cecil B. DeMille, cet Exodus gonflé à la testostérone fait bien piètre figure.
Que peut-on reprocher au film de Ridley Scott? Presque tout hélas, à commencer par l’adaptation du scenario. Quand on dispose d’un matériau aussi riche, aussi abondamment commenté depuis plus de vingt siècles, pourquoi donc tenter de l’enrichir d’interprétations à deux balles? Pourquoi placer un glaive dans la main de Moïse, en lieu et place d’un bâton? Pourquoi effacer la figure d’Aaron, pourtant centrale dans le récit biblique? Pourquoi remplacer l’extraordinaire et énigmatique formule « Je serai ce que je serai » par un piètre « Je suis »? Pourquoi faire de Moïse un chef de commandos là où il n’est qu’un leader contesté? Pourquoi faire des hébreux un peuple convaincu de son retour, là où le texte rappelle son ambiguité vis à vis de l’esclavage? Pourquoi remplacer les bêtes féroces par des mouches? Pourquoi oublier de rappeler que Pharaon lui-même est fils aîné, ce qui renforce la symbolique de la dixième plaie? Pourquoi donner une figure d’angelot amateur de thé au dieu des hébreux, là où rien n’imposait un tel anthropomorphisme?
On pourrait continuer encore longtemps l’énumération des questions sans réponses. Quant à la distribution, elle est inégale. John Turturro incarne admirablement un pharaon sur le déclin, Joel Edgerton un Ramsès plein d’incertitudes et de violence. Mais Christian Bale passe à côté de son rôle, et n’effacera pas Charlton Heston. Quant à Ben Kingsley … il fait du Ben Kingsley, autrement dit rien de bien terrible.
Malgré ses effets spéciaux de qualité – mais 300 faisait aussi bien sur les scènes de combat ou les mouvements de troupes – Exodus manque de souffle et d’envergure. Ridley Scott dédie cet Exodus à son frère Toni, récemment disparu: en réalité, le meilleur hommage qu’il parvient à lui rendre, c’est de faire du Toni Scott en lieu et place de son frère. On attendra son prochain film pour voir du vrai Ridley Scott, palpitant et envoutant.
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Hervé Kabla, ancien patron d’agence de comm’, consultant très digital et cofondateur de la série des livres expliqués à mon boss.
Crédits photo : Yann Gourvennec
Alors là, tout à fait d'accord avec toi!
J'ai refusé d'aller voir le film car tout ce que j'en avait entendu me parlait complètement d'autre chose que l'Histoire de Moïse… Je ne vois vraiment pas l’intérêt! Je le regrette d'autant que son frère Toni Scott aurait à mon avis été plus à même de faire ce film. Il a toujours eu des références dans quasiment tous ses films à un acte de foi, ne serait ce qu'une petite phrase. En gros, pour faire un bon film sur Moïse, faudrait déjà s’intéresser à l'Histoire biblique plus qu'à une réalisation filmique.
B. Demille disait: "donnez moi une page de la Bible, je vous en fait un blockbuster"… ben, ce n'est pas vrai pour tout le monde!