Euro 2021 : pas de quoi en faire un fromage
Il m’en a fallu, du temps, avant de mettre mes idées au clair et de me lancer dans la rédaction de cet article. Car comme des millions de français, depuis le début de la semaine, mon moral est au plus bas. Ce n’est ni la faute du pangolin (vous l’aviez oublié, celui-là), ni la faute du RN (quelle belle gamelle), ni même la faute du docteur Salomon et de son décompte morbide.
Non, c’est juste parce que les Bleus ont été éliminés de l’Euro 2021.
Sic transit gloria mundi
C’est quand même faible, comme motif, me direz-vous. Pas tant que cela. Comme le remarquent si justement les auteurs de Panthéon Foot, cette élimination précoce est un cataclysme aux raisons banales. Mais un cataclysme quand même. Ce match rentrera dans l’histoire de l’équipe de France de football. Il y aura un avant et un après 28 juin 2021. Nos enfants en parleront à leurs petits enfants, en distant : nous étions là, devant l’écran, hurlant de joie à chaque accélération des joueurs français, et tremblant comme des feuilles mortes un 31 octobre, à chaque contre-attaque de l’équipe adverse.
Et nous avons pleuré.
Tout comme lors de la finale de 2006 contre l’Italie et le coup de tête de Zizou. Ou comme lors de la demi-finale de 1982, jouée à Séville contre une arrogante équipe allemande.
D’ailleurs, mon ami Bertrand Fitoussi en a tiré une règle générale, un axiome dont les futurs entraîneurs et joueurs de l’équipe de France devrait prendre connaissance : lorsqu’elle mène 3-1 à un quart d’heure de la fin du match, l’équipe de France est sur la voie de l’élimination. Une sorte de syndrome de la remontada, une incapacité à conserver un score.
La malédiction du 3-1
C’est con, parce qu’il y a plein d’autres équipes qui, menant 3-1 à quelques minutes de l’issue de la rencontre, savent préserver le score. On pense aux italiens, par exemple, les rois du catenaccio. Et même à nos voisins espagnols, qui ont connu le même sort un peu plus t^t le même jour. Mais s’en sont sortis haut la main.
On a beaucoup glosé sur les raisons de cette élimination – notez bien que je n’utiliserai pas, dans cette article, le mot de 7 lettres qui commence par d et fini par e. Contrairement à ce qui s’est passé en 2016, les Bleus n’ont pas perdu un match. Ils sont sortis sur une séance de tirs au but, un pile ou face footballistique, au terme d’un match nul d’un point de vue arithmétique, mais d’une rare intensité. Moi, je ne retiendrai qu’une chose : nous n’avons pas eu de chance. Un point c’est tout.
La parole est à la défense
Mettre le résultat sur le dos de Mbappé ? Allons, d’autres grands joueurs ont raté des penalties dans des moments aussi fatidiques. Avez-vous oublié David Trézeguet ? et Mickael Madar face au PSG (non, Madar n’arrive pas à la cheville de Kilian, mais quand même…). Mbappé n’a certes pas beaucoup marqué durant ces quatre matches, mais il a été décisif et s’est battu comme un diable, a pesé sur ses adversaires et orienté le jeu en faveur de ses coéquipiers.
Mettre le résultat sur le dos de Benzema ? Allons, qu’avez-vous à reprocher au bad boy de l’équipe de France ? Il a purgé sa peine, éloigné de la sélection pendant plusieurs années. Oubliée l’affaire de la sex tape. Karim Benzema est revenu se battre, avec son style à lui, un peu pataud parfois, mais redoutable finisseur.
Mettre le résultat sur le dos de Pogba ? Allons, soyez sérieux, Paul Pogba a marqué un but magnifique ce soir là, a placé des ballons incroyables, trouvé ses coéquipiers pour les projeter vers l’attaque à plusieurs reprises. Il a été impérial, et ce n’est pas un ballon perdu qui peut effacer le talent dont il a fait preuve.
Mettre le résultat sur le dos de Lloris, qui n’a pas arrêté un seul penalty durant la courte séance de tirs aux buts ? Allons, c’est oublier celui arrêté durant le match, juste avant l’égalisation, et qui a remis du baume au coeur de ses coéquipiers, qui semblaient alors en panne d’inspiration. C’est oublier d’autres arrêts impérieux, sortis durant les précédents matches. Hugo Lloris est un pilier, on ne change pas impunément de pilier.
Mettre le résultat sur le dos de Deschamps ? Il est vrai que cette défense à trois joueurs avait de quoi inquiéter, face à une équipe Suisse aux joueurs petits mais musclés, qui n’a pas démérité pendant 80 minutes en match d’ouverture face à ‘Italie, avant de concéder trois buts en fin de match. Mais le sélectionneur a aussi montré son art de l’adaptation, face à une pénurie de défenseurs rendus indisponibles sur blessure.
La France n’a pas eu de chance, c’est tout. Sans défense, c’est le seul rempart contre les hordes d’attaquants adverses.
Croyez-vous sincèrement qu’on remporte une compétition sans un coup de pouce du destin ?
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Hervé Kabla, ancien patron d’agence de comm’, consultant très digital et cofondateur de la série des livres expliqués à mon boss.
Crédits photo : Yann Gourvennec
Ce lendemain de défaite a été très dur pour moi aussi. Plus d’énergie et pessimiste sur la vie. Je vais mieux. Je pense qu’effectivement, on peut aussi parler de manque de chance. La fameuse baraka de Deschamps.
En 2016 et 2018, la France en bénéficie de manière outrageante : en poules l’albanie, la roumanie, le pérou, l’australie, le danemark.
En éliminations directes : l’irlande, l’islande, hold up contre l’Allemagne en demi finales en 2016. Chose que je dis rarement : je me suis réjoui de la défaite contre le Portugal en finale.
2018 : gros morceaux quand même même si l’argentine de 2018 n’est pas celle de 2014. Croatie en finale : grande équipe mais qui est allé aux tirs aux buts aux moins deux fois en éliminations directes.
Et là en 2020 : cf article interessant de panthéon du foot : un groupe de la mort incompréhensible, puis un tableau d’éliminations avec l’Italie, la Belgique, le Portugal, la Croatie, l’Espagne, la France…
Donc manque de chance mais on en avait eu notre part avant. Le problème dans ce match, c’est le fameux ascenseur émotionnel que je n’avais pas connu depuis Séville 1982 et France Bulgarie. On pense qu’on y est puis tout s’écroule
L’ascenseur émotionnel, ce devrait être un sujet de recherche en soi. Comment le gérer, comment l’apprivoiser, comment l’envoyer aux autres…