Et si on parlait du dé-confinement ?
Tout a une fin. Même le confinement. C’est une bonne chose, d’ailleurs. Je ne sais pas comment on appellera cette période qui suivra la sortie du confinement, je propose qu’on la nomme « déconfinement », même si le terme n’est pas très élégant (mais il devrait rapporter gros au Scrabble). Que se passera-t-il alors ? Verrons-nous des scènes de liesse partout dans le monde ? Des feux d’artifice géants ? Des gens se précipiter dans les bras d’inconnus (et d’inconnues) pour renouer avec le lien social ?
Je ne le crois pas. Je suis même assez pessimiste sur ce déconfinement.
Pour moi, il provoquera une sorte de déprime, comme celles que nous connaissons après des périodes de joie ou de stress intense. Un post-partum généralisé à plus de deux milliards d’habitants. La reprise de la vie sociale ne se fera pas à l’identique de ce qu’elle était.
D’abord parce qu’il ne se fera pas en simultané et en mondiovision. Mais pays par pays, région par région. Nous verrons la Chine profiter du printemps alors que nous serons encore cloîtrés chez nous. Et ça, ça va faire mal au moral. Un peu comme, quand nous étions coincés en cours par un professeur qui veut faire durer le plaisir, alors qu’on entend les copains des autres classes profiter de la cour de récréation. C’est toujours trop injuste.
Le retour sur le lieu de travail, ensuite. Nous idéalisons tous, actuellement, y compris nos bureaux, où nous pouvons travailler sans être dérangés par nos gosses, discuter avec nos collègues, prendre un café à la machine à café, communiquer avec les équipes. Ce faisant, nous oblitérons les contraintes de l’open-space, les rivalités et les jeux de pouvoir des grandes entreprises, les joies des transports en commun (par temps de grève ou non). Le télétravail nous semblera alors un havre de paix. Et comme nos enfants auront repris le chemin de l’école (ou presque), ce sera autrement plus efficace que dans la période actuelle. Je sens monter une grosse pression à venir auprès des employeurs pour un surplus de travail à distance.
La nostalgie de la période écoulée viendra ensuite. Car si nous adorons nous plaindre, nous adorons encore plus nous souvenir des moments difficiles que nous avons vécus. À titre personnel, je garde, par exemple, un souvenir impérissable, et grandiose, des marches de nuit faites durant mon service militaire, par -2 ou -3°C, dans les champs de Beauce. Mais je me souviens aussi que sur le moment, je les trouvais très désagréables, et passablement pénibles. Marcher dans le froid est une souffrance dont je me remémore des moindre détails avec délectation, trente ans plus tard.
De la même manière, nous nous souviendrons des repas à répétition en famille, si rares en temps normal, des recettes partagées sur les réseaux sociaux, des enfants sur nos genoux pendant la téléconférence avec nos clients, des enfants pris en photo en train de suivre leurs cours sur Zoom, des applaudissements aux fenêtres et aux balcons, le soir à 20h, des joutes verbales entre le Dr Raoult et le Conseil scientifique du gouvernement, de la chloroquine et de l’hydroxychloroquine, de la mine un peu plus déconfite de Michel Cymes à chaque apparition télévisée, des courses faites avec un Sopalin sur la bouche, des footings autour de son pâté de maison, des coucous faits de loin aux voisins en espérant qu’ils n’ont pas appuyé sur le bouton de l’ascenseur, ou des sessions Facetime ou WhatsApp avec nos proches, pour les rassurer.
Et bien sûr, il y aura les moments plus douloureux. Car nous aurons tous connaissance de proches, ou de proches de proches, partis dans la tourmente du Covid-19. Nous penserons alors à eux, leurs souvenirs nous submergerons, et paradoxalement, comme après tout événement traumatique, c’est le souvenir des visages disparus qui reviendra quand nous penserons à cette période.
Oui, le déconfinement sera difficile. Et si beaucoup semblent souhaiter son avénement, je ne suis pas certain qu’ils l’apprécieront autant que ces quelques jours passés à la maison.
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Hervé Kabla, ancien patron d’agence de comm’, consultant très digital et cofondateur de la série des livres expliqués à mon boss.
Crédits photo : Yann Gourvennec
Le confinement devrait s’écrire avec seulement la première syllabe. Grande vague de dépressions et suicides en perspective dans notre pays, au climat déjà délétère en temps « normal ». (Par contre concernant les couples qui divorcent, il est clair que le confinement n’aura fait que dévoiler des failles déjà existantes. Les couples heureux et harmonieux n’ont pas à s’en faire). Je pense surtout aux personnes socialement isolées, neuro-atypiques ou psychologiquement fragiles (ce qui n’a rien de péjoratif) dont les psychopathes (ça, c’est péjoratif ) qui nous gouvernent n’ont que faire.