Et si Google était arrivé au maximum de ses possibilités?
Depuis 10 ans, Google n’a pas arrêté de nous surprendre. Par un moteur de recherches hors pair, pour commencer, qui a balayé les moteurs précédents, d’Altavista à Ask en passant par Bing. Par un « business model » basé sur les revenus publicitaires, étonnant pour une société fondée sur des algorithmes mathématiques (et sur le préjugé inconscient qui prévaut: les matheux ne savent pas faire de business…). Puis par des logiciels en lignes simples mais devenus incontournables, comme la messagerie GoogleMail (ou GMail pour les intimes), ou encore un double système de cartographie Google Earth / Google Maps. Puis par des outils gratuits et sophistiqués, bien utiles pour les webmasters et autres experts du webmarketing. Puis, par la distribution d’un système d’exploitation pour téléphone mobile, Android, en passe de devenir le seul concurrent sérieux à Apple sur les Smartphones. Et enfin, apr un navigateur indiscutablement exceptionnel, Google Chrome.
Ok, très bien. Mais au-delà, que peut-on encore attendre de Google?
Je me pose la question, car depuis quelques mois, Google accumule les défaillances, voire les échecs. Bien entendu, il n’y a aucune honte à se planter, nombre de belles sociétés ont connu des passes difficiles, à commencer par Apple (on fête cette année les 25 ans du départ de Steve Jobs suite à l’échec du Lisa) ou même IBM au début des années 90. Et Google en est même loin.
Oui, mais les défaites de Google laissent penser que dans sa course frénétique à la performance logicielle, et face à la redoutable concurrence de Facebook, l’éditeur de Mountain View a de plus en plus de mal à nous épater. Revenons sur quelques échecs relatifs parmi tous les services rendus.
Google Answers. Passons rapidement aux autres produits, celui-ci n’a pas fait long feu.
Google Knol. Qui se souvient encore de la tentative de concurrencer Wikipedia? Lancé en 2008, Google Knol n’a jamais su trouver son modèle, à mi chemin entre une encyclopédie collaborative et un blog collaboratif. Le site n’a pas été fermé, mais son audience reste faible.
Google Wave. Là, c’est le grand fiasco. Annoncé comme le logiciel qui allait révolutionner le mail, les blogs, les réseaux sociaux, Google Wave s’est soldé par un gigantesque plouf. Ouvert à une petite élite dans un premier temps – sans doute pour répliquer le modèle de diffusion de GMail – Wave a déçu la plupart de ceux qui l’attendaient.
Google Buzz. J’hésite encore à le qualifier d’échec, mais pour moi, c’est le prochain produit voué à disparaître de la planète Google. Google Buzz ne simplifie pas la tâche de ceux qui passent leur temps sur les médias sociaux, et complexifie inutilement leur messagerie.
Google Docs. Là, je vous l’avouerai, je vais être méchant, sadique, et même un peu masochiste, car j’adore utiliser Google Docs. Voilà une suite bureautique simple, gratuite, accessible en ligne, qui comprend de manière native des fonctionnalités collaboratives, qui est plus ou moins compatible avec Microsoft Office. Que demander de plus? Simplement de faire des documents un peu plus complexes que ceux qu’on faisait dans les années 90-95 avec Microsoft Office. Google Docs n’est tout simplement pas utilisable en mode professionnel. Essayez donc d’utiliser les fonctionnalités de filtrage du tableur, ou de mise en page du traitement de texte. Une horreur. A croire que ceux qui l’ont développé ont quitté l’entreprise…
Je m’arrête là. Il y en a d’autres. Au final, ce n’est surement pas grand chose. Google est loin de l’effondrement, et se porte comme une fleur. Les revenus croissent, le nombre d’utilisateurs est toujours au top. Mais au loin se profile une menace: Facebook. Car Facebook est devenue la première société capable de mettre en péril le système Google. Comment? Tout simplement en créant un web … à l’intérieur du Web.
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Avec 500 millions de profils revendiqués (peut-être moins, certes, mais c’est l’ordre de grandeur qui compte), Facebook s’est accaparé le « temps de cerveau disponible » d’une bonne moitié de ce que la planète compte d’internautes. Que ce soit sur un mobile (iPhone, Blackberry ou … Android) ou sur le web, les internautes passent de nombreuses heures sur Facebook. A ne pas faire grand chose d’ailleurs, si ce n’est discuter, s’amuser, partager. Mais ils vont de moins en moins chercher. Car à terme, dans le village Facebook, ce n’est pas le résultat d’une requête sur Facebook qui dirigera la consommation d’internet, mais la recommandation par nos dizaines de petits amis. Un « j’aime » par-ci, un commentaire par-là, et on se retrouve, vite fait bien fait, fan d’une marque, d’un produit. Ce n’est que la première étape.
La seconde étape, elle arrivera bientôt, n’en doutez-pas: ce sera lorsque le web commercial – les sites de vente en ligne – passeront sur Facebook. Peut-être pas Amazon, eBay ou d’autres géants, qui ont déjà acquis leur propre célébrité. Mais imaginez qu’un fleuriste, un traiteur, ou même la SNCF ouvrent leur boutique sur Facebook; parfaitement plausible, et hautement social…
A long terme, les internautes risquent de passer moins de temps sur Google et sur les sites où celui-ci s’est approprier une part significative des revenus publicitaires. Si Google laisse Facebook poursuivre sa stratégie de conquête du Web et revenir à un modèle à la Compuserve / AOL, c’est bien le modèle global de financement des services gratuits par la pub qui risque de s’effondrer. Un modèle qui se base sur des produits simples et réussis. Et pour l’heure, ce modèle tend à s’essouffler.
Ne me faites pas dire ce que je ne dis pas. Google n’est pas prêt de disparaître, ni aujourd’hui, ni demain. Mais tout comme Microsoft a raté la révolution du Web, il se pourrait bien que Google rate celle du web social. Il n’est pas dit que cela soit totalement pour notre malheur. Mais la nature ayant horreur du vide, la fin de l’hégémonie de l’un aboutit forcément au développement de l’hégémonie de son concurrent. Et Facebook n’a pas forcément la même devise que Google…
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Hervé Kabla, ancien patron d’agence de comm’, consultant très digital et cofondateur de la série des livres expliqués à mon boss.
Crédits photo : Yann Gourvennec
Si Google Docs ne remplace pas une suite bureautique, je pense que c’est très précisemment parce que ce n’est pas son but.
L’édition collaborative permet de travailler à plusieurs sur un document. Pour un usage interne, la mise en page est suffisante je dirais.
Pour un usage externe, il n’y a qu’à l’exporter et une seule personne s’occupe de la mise en page.
Sur le reste du sujet, Google a bien sur connu de très nombreux échecs, mais cela est dû à sa volonté d’innover. Et plus on essaie plus on a de chances de se casser la pipe. Je pense que c’est la forme de Google : posséder assez d’énergie et de volonté pour tenter plein de choses, dont certaines ne fonctionneront pas.
Certes, la volonté d’innover reste grande. Mais où sont les succès d’antan? A force de vouloir concurrencer Facebook ou Microsoft, Google perd de son orginalité.
Le comportement de Google ressemble à celui de Microsoft: une sorte de mouvement brownien d’innovations, en espérant qu’une marchera. Échec et vache à lait qui continue à porter l’édifice. Et problème : au moins en Chine, la dite vache à lait semble être tombée sur un os (http://link.ft.com/r/G8OTZZ/6VQ1IF/0OM90/XT4UK1/D4QVXS/50/h?a1=2010&a2=9&a3=6).
Il y a quelques années les universitaires américains disaient que leurs entreprises tendaient à devenir des « bureaucraties », incapables de résister à la « destruction créatrice » de l’innovation. Il n’est pas impossible qu’ils aient vu juste.
PS. 100% d’accord sur Google docs.
PS2. Le traitement de choc semble pouvoir sauver une bureaucratie, mais elle en sort méconnaissable (cf. IBM et GM).