Et de 13 !
Cocorico, encore une médaille Fields décernée à un chercheur français. Il s’agit du mathématicien Hugo Duminil-Copin, qui aura 37 ans le 26 août prochain, et qui est passé par le lycée Louis le Grand et la rue d’Ulm. Un parcours presque classique, dirait-on. Le sujet de prédilection de ce brillant lauréat, c’est, paraît-il, la percolation, notamment la percolation des milieux poreux. Vaste programme, comme dirait de Gaulle…
La percolation expliquée à mon boss
Les amateurs de café vont pouvoir gloser, autour des brillants papier publiés par notre ami Hugo, et dont le titre est évocateur : Higher order corrections for anisotropic bootstrap percolation, The box-crossing property for critical two-dimensional oriented percolation, ou l’encore plus poétique Brochette percolation, publié dans le Israel Journal of Mathematics en 2018.
Rappelons qu’à la différence des prix Nobel, les médailles Fields sont décernées tous les quatre ans (alors qu’il y a des Nobel chaque année), et qu’il faut avoir moins de quarante ans pour en être lauréat – ce qui rend très difficile la possibilité d’être deux fois lauréat d’une médaille Fields.
Depuis que ce blog a vu le jour en janvier 2006, c’est la cinquième fois qu’un mathématicien français est distingué, ce qui est un rythme très honorable. Wendelin Werner (2006), Ngo Bao Chau et Cedric Villani (2010), Arthur Avila (2014) sont déjà passés par là. Ce qui fait qu’avec un total de 13 médaillés Fields, la France est en passe de rejoindre les Etats-Unis (14 médailles).
La diversité est-elle bonne pour les matheux ?
On peut s’en enorgueillir. Mais pas trop quand même. Car si notre beau pays caracole dans le trio de tête des pays qui produisent les meilleurs mathématiciens du moment, il fait aussi figure de cancre dans les classements régulièrement publiés, sur le niveau moyen des élèves à la sortie du primaire, ou au milieu du secondaire. Sans parler des réformes successives, qui visent à réduire la primauté des maths dans le secondaire – ah, cette terrible réforme Blanquer, et cette interview de Luc Ferry … – où à ouvrir des voies parallèles pour permettre à des profils non conventionnels – comprendre pas forcément forts en maths – d’accéder aux grandes écoles scientifiques. Au titre de la diversité et de la réduction des inégalités. À croire que certains technocrates, quand ils lisent « grandes écoles scientifiques », oublient l’adjectif qualificatif principal (« scientifique ») pour se focaliser sur celui bien moins important (« grandes »). Oubliant que pour pouvoir suivre, en cours, il faut quand même avoir un bon niveau au préalable… En maths aussi, tout se joue avant 6 ans.
Les maths, un truc de riches ?
Finalement, les maths, c’est comme l’argent : réservé à un petit groupe de privilégiés, qui fait plein de jaloux. Dans les pays occidentaux comme la France ou les Etats-Unis, en ce 21ème siècle naissant, on voit un écart de plus en plus flagrant se creuser entre les plus fortement dotés (en maths comme en pognon) et les plus démunis (en cash comme en théorèmes). Les pays où les disparités sont les plus faibles ne sont pas ceux où les résultats sont les plus brillants. Leurs citoyens sont-ils plus heureux pour autant ?
Que vaut-il mieux : une très faible minorité de gens brillants entourés par une large majorité de gens médiocres, où un niveau moyen et acceptable pour tous ?
Éternel débat entre accumulation du capital, et répartition uniforme des biens.
Sans porosité.
Ni percolation.
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Hervé Kabla, ancien patron d’agence de comm’, consultant très digital et cofondateur de la série des livres expliqués à mon boss.
Crédits photo : Yann Gourvennec