Entrepreneur ou salarié, lequel trime le plus?
En France, on aime se plaindre, c’est connu. C’est même, à y réfléchir de plus près, un sport national. Tout le monde se plaint, les petits parce qu’ils sont petits et les grands parce qu’ils sont grands; les chômeurs parce qu’il sont au chômage et les travailleurs parce qu’ils pensent travailler trop; les jeunes parce qu’ils sont trop jeunes et les vieux parce qu’ils sont trop vieux. On est tous mécontents de notre sort, et nous considérons tous que l’herbe est plus verte ailleurs (et maintenant que j’ai lu « Thinking fast and low« , je peux même vous dire que ça fait partie du caractère humain).
Alors quand un ministre prétend que la vie d’un entrepreneur est plus dure que celle d’un salarié, il n’est pas étonnant de voir le débat enflammer la toile.
A tort ou à raison?
(Source: Wikipedia – Le Web)
C’est dur, la vie d’un salarié
Je peux vous le dire, oui, c’est dur. C’est dur parce qu’avec le temps, la lassitude vient, et que psychologiquement, c’est difficile à vivre. C’est dur parce qu’on ne fait pas toujours ce que l’on veut. C’est dur, parce qu’on a parfois un petit chef au-dessus de soi qui nous pourrit la vie (vous le reconnaissez?…) C’est dur, parce que les collègues nous font suer, parce que les trajets dans les embouteillages ou les transports en commun, c’est long, parce qu’on n’est jamais maître de son destin ni de son temps, parce qu’on se fait piquer les projets intéressants, parce qu’on est mal payé, parce que parfois le travail est physiquement difficile, parce que … (ajoutez ce que vous voulez). Bref, c’est dur, je le reconnais, j’ai été salarié pendant 18 ans.
Et puis un jour j’ai créé ma boîte. Croyez-vous que ma vie est devenue plus douce pour autant?
C’est dur, la vie d’un entrepreneur
Contrairement à ce que vous pouvez croire, c’est dur d’être entrepreneur, et largement plus dur que d’être salarié. C’est dur, parce qu’au début, vous êtes seul(e). Que le démarrage prend du temps. Que vous n’arrivez pas à vous payer. Que vous vous mettez à douter. Que vous n’avez pas de backup, pas d’indemnités de chômage, pas de filet. C’est dur, parce que votre famille compte sur vous, et se demande si vous ne devriez pas redevenir employé. C’est dur parce que vous passez 80, 90 heures par semaine à bosser. Que vous vous couchez en pensant aux problèmes non résolus la veille, et vous vous réveillez avec ceux à résoudre le matin même. C’est dur, parce que quand ça démarre, vous vous retrouvez à faire le commercial, le manager, le consultant, le comptable, et même le responsable des moyens généraux. C’est dur parce que les salariés ne sont pas toujours motivés, pas toujours stables, pas toujours fidèles, pas toujours talentueux (mais c’est vous qui les avez recrutés, et vous devez leur faire confiance). Parce qu’à leurs yeux vous n’êtes qu’un patron (même si vous avez été salarié pendant plus longtemps qu’eux), et que patron, ça rime avec c… C’est dur parce que vous portez le risque de votre affaire, de votre entreprise. C’est dur parce que le salaire d’un chef d’entreprise, ce n’est ni celui d’un trader, ni celui d’un patron du CAC 40. C’est dur parce que vous connaissez les deux côtés du fleuve, mais que personne ne vous croit quand vous dites que c’est dur. C’est dur parce que même quand vous réussissez à vous développer, vous n’êtes pas à l’abri d’une catastrophe et de tout perdre. C’est dur parce que vos choix sont décisifs, qu’on vous les reprochera s’ils sont mauvais, et que personne ne reconnaîtra votre talent s’ils s’avèrent judicieux.
Oui, je peux vous le dire, c’est dur d’être entrepreneur.
Mais alors, d’où vient l’erreur?
L’erreur vient du fait que dans l’imaginaire des gens, entrepreneur = patron d’une entreprise du CAC. J’ai même entendu, hier, sur France Infos, un journaliste parler des entrepreneurs du CAC ! Belle une manipulation intellectuelle : en quoi Stéphane Richard ou Alexandre Ricard sont-ils des entrepreneurs? Ont-ils créé les sociétés qu’ils dirigent? Absolument pas. Ils ne sont pas plus entrepreneurs que je ne suis trompettiste.
Des entrepreneurs, des vrais, j’en ai croisé, et j’en croise souvent. Des gens accessible, bosseurs, qui se donnent à fond pour leur boîte. Et dont la vie est loin d’être la sinécure que vous pourriez imaginer.
Alors, entre l’entrepreneur et le salarié, lequel trime le plus? Tout est une question de perception et de choix de vie. On peut se donner à fond dans les deux cas, ou bien décider de lever le pied dans les deux cas, mais les conséquences ne sont pas les mêmes: je connais peu d’entreprises dans lesquelles le ou les fondateurs ne se soient pas impliqués à 200%.
Et si jamais certains d’entre vous, salariés de leur boîte, pensent que j’ai tort, et bien je les invite à se lancer et à créer leur affaire. On reparlera de ce sujet deux ans plus tard…
Découvrez d'autres articles sur ce thème...
Hervé Kabla, ancien patron d’agence de comm’, consultant très digital et cofondateur de la série des livres expliqués à mon boss.
Crédits photo : Yann Gourvennec
Juste !
Le grand patron se dit « entrepreneur », alors qu’il n’est qu’un salarié ! Il en est d’ailleurs de même, quand on y regarde bien, du dirigeant de fonds. Et l’idée de Galbraith selon laquelle ce qu’il appelle travail n’est rien d’autre que sa vie sociale, n’est peut-être pas fausse. Quand on vit parmi les riches, signer des contrats est un autre nom de l’amitié.
C’est probablement aussi pourquoi de plus en plus de politiques se disent eux aussi entrepreneurs. (Sans réaliser que jusqu’ici les seuls entrepreneurs de la politique étaient les mafieux.)
Quant au salarié, il y en a plusieurs types. Il y a le privilégié, protégé, qui travaille peu, ou travaille pour soi, sur le dos de l’entreprise. Et il y a le travailleur précaire, qu’il soit ouvrier ou cadre plus ou moins supérieur.
Mais il y a surtout autre chose que le salarié et le patron. Il y a une frange croissante de gens qui sont ni l’un ni l’autre. Et eux, ils s’agitent beaucoup pour rien. Ou, peut-être, pour mieux s’enfoncer. Ce sont les nouveaux pauvres.
Merci !
Si tu me permets j’ajouterais, en France le droit du travail s’est construit autour des grandes entreprises donc une vision de rapport de forces. Donc une certaine vision marxiste / lutte des classes (dictature du prolétariat,…). Ce qui fait que nous, petites entreprises, on mange comme les grandes alors que :
– nos attentes sont totalement différentes
– nos rapports aux collab n’ont rien à voir
Le conseil constitutionnel ajoutant son principe d’égalité devant la loi.
Si tu prends l’exemple de l’Allemagne, le poids eco des TPE/PME est identique mais leur poids politique beaucoup plus fort.
C’est pour cela que toi ou moi sommes assimilés à Carlos Goshn alors que comme tu le dis si bien :
1. Ce n’est pas sa boîte
2. S’il se loupe il prend une indemnité du genre tu pourrais vivre et faire vivre 2/3 générations avec la moitié
3. En attendant d’atteindre son niveau d’incompétence (pour moi il est déjà atteint depuis longtemps) il a touché comme un gros (un loto par an).
Moralité tant que les rapports dans le monde du travail seront vus comme une lutte des classes (concept légèrement éculé) on mangera
J’ai, pour ma part, préféré rester du côté des employés, parce que le côté entrepreneur était pour moi certainement trop dur à supporter, surtout les fins de mois (mais j’ai tenté l’expérience quand même). J’ai donc supporté tous les inconvénients des employés, et il y en a eu de nombreux depuis 20 ans que je travaille (du responsable très c.., au salaire sous-évalué, en passant par le job alimentaire qu’on fait juste pour payer le crédit, sans foi), et apprécié aussi les avantages. Je le redis, c’est une question de choix, comme notre vie en somme.
Exactement, purement une question de choix et de perspective. Chaque « camp » pense que les autres travaillent moins, mais en fait, c’est tout aussi difficile .. et tout aussi agréable, par moment 🙂
Point de vue intéressant et que je partage à 99%… jusqu’à l’affirmation : « Contrairement à ce que vous pouvez croire, c’est dur d’être entrepreneur, et largement plus dur que d’être salarié. » C’est dommage parce que pour le reste je suis tout à fait d’accord qu’il ne faut pas confondre entrepreneur et grand patron mais cette phrase, à mon sens, remet sur le tapis un clivage qui n’a pas lieu d’être. Tout est question de choix de vie, pour certains l’idée d’être le subordonné d’un autre (pas toujours plus compétent…) est insupportable, pour d’autres c’est la précarité du statut d’entrepreneur qui est inenvisageable… À mon sens, les 2 statuts comportent leur part de difficulté et leur part de satisfaction (sur le plan personnel, social, pécuniaire…) !
Je suis d’accord, les deux comportent leur part de difficulté et de plaisir. Disons que la prise de risque dans un cas est plus forte, et plus stressante…