En mai, fais ce qu’il te plait ; en juin, fais le drapeau palestinien…

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Aussi loin que je cherche dans mes souvenirs, j’ai toujours eu le sentiment que l’Assemblée Nationale était le lieu non pas de la représentation digne des électeurs, mais de tous les excès. Peut-être est-ce dû au fait que je n’ai jamais eu un avis tres positif sur le monde politique, et que ce que j’ai pu voir des débats, retransmis à la télévision, ne m’a jamais envie de m’impliquer dans cet univers.

Du temps de Pompidou ou de Giscard, les excès étaient essentiellement verbaux. Les bons mots fusaient, alimentaient la presse, notamment la presse satirique. Mais cela n’allait pas plus loin. C’était peut-être plus violent du temps de la 4e ou de la e3 république, mais cela, on ne le voyait pas a la télévision. Il a fallu l’arrivée au pouvoir de la gauche en 1981 pour que les choses prennent une autre tournure.

Et vint le col Mao…

Si Giscard avait compris le rôle de la télévision pour véhiculer les messages, aussi bien oraux que visuels, reconnaissons aux socialistes, et à une de leurs figures emblématiques, un don presque naturel pour capter la lumière et amplifier la portée de leurs propos. Je veux ici faire référence à Jack Lang, et Ωa l’irruption du premier col Mao au Palais Bourbon.

Conçue par le styliste Thierry Mugler, la tenue que portait le ministre de la culture, en ce mois d’avril 1985, déclencha un scandale que les jeunes d’aujourd’hui ne peuvent sans doute pas imaginer. Comment ce jeune ministre un peu foutraque, qui allait bouleverser le paysage culturel français avec sa fête de la Musique, ce freluquet, osait-il se présenter devant ses pairs sans porter de cravate ? Je ne me souviens pas des conséquences de ce choix vestimentaire, et s’il avait été sanctionné pour cela, mais je me souviens très bien de l’indignation d’une partie de la population. Du clivage gauche-droite, on avait glissé au clivage cravate ou col Mao.

Cette première brèche dans l’édifice de la bien pensance politique ne fit pas imploser, loin s’en faut, le fragile équilibre vestimentaire sur lequel reposait notre nation. Jack Lang ne fit pas d’émules, et les choses se stabilisèrent pendant quelques décennies. Jusqu’à l’arrivée d’une bande d’énergumènes, qui se déclaraient naturellement « insoumis »…

C’est la lutte finale…

Voulant faire imploser les institutions et les règles, notamment vestimentaires, les députés LFI se sont soumis à un autre diktat, lors de leur arrivée tonitruante à l’Assemblée nationale, en 2022. Au lieu d’arborer des tenues neutres ou conventionnelles, cette meute de députés issus de nulle part est arrivée parée de tenues plus ou moins choisies avec discernement. Petit rappel en images…

Les députés LFI en 2022… on sent déjà poindre les couleurs d’un drapeau bien connu…
(Photo by JULIEN DE ROSA / AFP)

On peut trouver cela audacieux ou moderne. On peut aussi trouver cela vulgaire ou ridicule. Les goûts et les couleurs ne se discutent pas, paraît-il, mais ici, avouons-le, on n’est pas loin de la faute de goût. Et en guise d’insoumission, les députés LFI ont au final plutôt donné l’impression de se soumettre au diktat de la pensée révolutionnaire Mélenchoniste : remettre en cause les acquis constitutionnels (et surtout pas les acquis sociaux), pour instaurer la 6e république tant souhaitée par celui qui se considère comme le maître à penser de la gauche.

On aurait pu s’arrêter là et considérer que finalement, les insoumis ayant réussi à faire rentrer le jean et le t-shirt au Palais Bourbon, n’étaient finalement qu’en train d’appliquer au monde politique les évolutions par lesquelles le monde de l’entreprise était déjà passé, la cravate et le costume trois-pièces ayant disparu des bureaux de la Défense ou de Manhattan, pour ne plus apparaître qu’à l’occasion de mariages ou de communions.

Mais c’était mal connaître la flamme qui anime le coeur des Insoumis…

Quand le Palais Bourbon se transforme en stade pour les JO 2024…

Il faut reconnaître à LFI une capacité hors normes à inventer des trucs tordus. Tout a commencé le 28 mai dernier, quand un des députés insoumis, un certain Sébastien Delogu décida de brandir un drapeau palestinien en plein assemblée, au grand dam de nombreux députés, parmi lesquels Meyer Habib. Cet incident conduisit à des échanges houleux, notamment entre le-dit Habib et mal prénommé David Guiraud, puis à l’exclusion du député LFiste Delogu pour deux semaines. Allait-on s’arrêter là ?

Que nenni.

Les députés LFI, vexés de ce qu’ils considèrent comme une décision injuste au regard de la tragédie qui se déroule à Gaza, décidèrent de poursuivre la mobilisation et de réitérer leur provocation le mardi qui suivait, soit le 4 juin. Bref, un retour du drapeau était annoncé, et on se disait qu’il suffirait à la présidente de l’assemblée d’instaurer une fouille à l’entrée des bâtiments pour détecter le retour du bout de tissu aux quatre couleurs…. Qu’allaient donc faire les potes à Guiraud pour réussir leur coup ?…

Il faut croire que la culture populaire dans laquelle est née la mouvance LFI a fait son travail : notre bande de députés obsessionnels a réussi à introduire non pas un, mais deux drapeaux palestiniens à l’insu des autorités.

Reprenant une figure de style classique des grands rendez-vous populaires que sont les matches de football, les députés LFI se sont en effet déguisés eux-mêmes en drapeau palestinien géant. Il n’y a que la députée mal prénommée Rachel Keke qui, ayant peut-être mal compris la consigne, décida d’introduire un second drapeau pour faire comme son camarade Delogu.

Bientôt sur vos écrans…

L’idée très originale – et reconnaissons-le, très réussie – des députés insoumis a une nouvelle fois soulevé un tolle général, notamment du côté de leurs adversaires politiques, dépassés sur le front de l’imagination et de la créativité politique. C’est dommage, car reconnaître le talent de ses adversaires peut faire grandir des élus qui, il faut bien aussi le reconnaître, ne sont pas toujours à la hauteur intellectuelle du noble peuple qu’ils représentent.

En un mot comme en cent, je pense que cette idée introduite par le groupe LFI devrait être reprise par la présidente de l’Assemblée Nationale, en instaurant, à intervalle régulier, des événements de la même veine. Rappelons que ce procédé a déjà été utilisé à de nombreuses reprises dans des stades, la plupart du temps pour des publicités.

Sans aller aussi loin dans la créativité des messages, nos députés pourraient instaurer un code vestimentaire pour représenter les drapeaux de chaque pays lors des fêtes nationales. Le 4 juillet, par exemple, le Palais Bourbon se parerait d’un superbe Stars and Stripes, où les bancs LFI joueraient un superbe jeu de lumière blanc et bleu pour figurer les étoiles, alors que les députés du centre, de la droite et de l’extrême-droite ainsi que les bancs les plus bas, joueraient sur une alternance de rouge et de blanc pour figurer les 13 bandes alternées rouges et blanches.

Le 9 mai, journée de l’Europe, toute l’Assemblée se parerait de bleu, et seuls quelques députés disposés en cercle, et tous vêtus de jaune, figureraient les 27 étoiles du drapeau européen – tient une bonne idée à la veille du scrutin de dimanche prochain. Et le 9 mars, journée de la femme, en choisissant habilement différents vêtements blancs ou gris, nos amis députés de tout bord pourraient pareillement dessiner une magnifique Marilyn Monroe sur les bancs du Palais Bourbon, faisant d’une pierre deux coups : un hommage aux femmes, ainsi qu’à Georges (Pomme) Pompidou…

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