Emily in Paris
L’un des avantages que procurent les périodes de vacances, quand on les passe chez soi au lieu de partir à l’étranger, c’est qu’on finit rapidement par tourner en rond, et par mettre en marche la télévision. Et comme en période de fêtes, les programmes des différentes chaînes nationales ont une fâcheuse à se ressembler, on finit inévitablement sur Netflix ou Amazon Prime.
Ce qu’il y a de bien, avec Netflix, ce n’est pas tant son catalogue, que la possibilité, pour plusieurs utilisateurs d’un même compte, de disposer de son espace personnel, de manière à y retrouver les films qui conviennent à nos goûts personnels. Un peu comme si, en entrant dans un vidéo-club, on vous dirigeait directement vers la section qui vous intéresse. Concept intéressant, n’est-ce pas ?
Net-flix, ton algorithme est pitoyable
Il paraît que le moteur de recommandation de Netflix est particulièrement bien conçu. À titre personnel, je n’y ai jamais crû. J’ai toujours le sentiment que Netflix se contentait de catégoriser les utilisateurs en fonction de profils relativement simples à établir : amateur de films d’action, amateur de SF, amateur de comédies, etc. De fait, j’ai à peu près les mêmes recommandations sur mon compte que sur le compte de mes enfants…
Le seul compte qui se distingue est celui de mon épouse, et Netflix lui a recommandé une série qui , paraît-il, a rencontré un franc succès : Emily in Paris. Personnellement, je n’en avais jamais entendu parler, et c’est en évoquant le titre avec mes ados le lendemain que je me suis rendu compte que j’avais un train de retard. Mais ce n’est pas grave, une grande oeuvre doit être intemporelle.
Série en deux saisons de dix épisodes chacune, Emily in Paris a pour cadre … Paris. On y découvre Emily Cooper, jeune américaine détachée par un groupe de communication et de marketing américain, qui possède dans notre belle capitale une filiale, l’agence Savoir. Emily a pour mission de faire monter en compétences cette filiale, dont la clientèle est essentiellement composée d’entreprises positionnées dans le secteur du luxe.
Emily n’avait pourtant pas prévu de venir à Paris. Elle ne fait que remplacer sa boss, qui enceinte, ne peut se rendre à Paris (épisode 1). Qu’à cela ne tienne, Emily saisit cette opportunité professionnelle avec l’enthousiasme et l’esprit boy-scout si caractéristique des marketeurs et marketeuses américains.
Mais il y a un hic.
(On se retrouve après la pub)
Attention, spoil
Il y a un hic, disais-je.
Et ce hic, je vais le dévoiler.
Attention, spoil majeur.
Emily ne sait pas parler français.
Voilà, vous savez tout.
Nous voici donc propulsés dans 10 épisodes de 30 minutes chacun, soit 5 heures au total, à découvrir comment la naïve Emily va faire pour convaincre sa nouvelle boss, la très antipathique Sylvie Grateau, de son savoir-faire, bien qu’elle n’ait eu, pour toute expérience professionnelle, qu’à gérer les médias sociaux d’un laboratoire pharmaceutique américain. Grand écart assuré.
Catastrophe assurée à l’horizon, vous dites-vous ? Et bien non ! Car notre petite américaine, douée pour les rézosocios, a une idée géniale (bravo Emily, congrats Emily !) : ouvrir un compte Instagram avec le pseudo Emilyinparis où elle va faire partager au reste du monde son expérience de petite américaine à Paris.
Je n’en dis pas plus : à vous de vous faire votre idée sur cette fadaise intersidérale. Car si la description du vide intellectuel et de l’arrogance du monde des agences est assez proche de la réalité, la description de Paris, elle, n’a rien à voir avec le quotidien des parisiens. À croire que la série se déroule dans un futur lointain (pourtant, ils utilisent encore insta), tant Paris est propre, on y circule bien. Pas une trace de chantier, pas de bruits de klaxons, des ruelles propres et spacieuse. Bref, un Paris de cinéma.
Sex and the pizza
Sans compter la caricature de nos concitoyens, portés, comme de bien entendu, sur deux types de plaisir : la bouffe et le sexe. D’ailleurs, Emily met les bouchées doubles niveau sport horizontal, et ne pense qu’à une chose, se taper son voisin, chef – on dit chef, pas cuistot – dans un troquet à proximité de sa chambre de bonne.
Le seul personnage à sauver la série, c’est cette étonnant Jean-Christophe Bouvet qui incarne un très fantasque créateur de mode qui vouvoie son Alexa…
Et n’allez pas croire que mon avis est trop tranché, que je suis trop critique envers cette série qui renouvelle les codes de la comédie familiale. Je me souviens avoir vu des séries bien moins caricaturales il n’y a pas si longtemps.
Notre époque est formidable. Après avoir inventé la junk food, elle a inventé la junk tv, et les séries Netflix en sont le meilleur représentant.
La junk food a conduit l’humanité à l’obésité.
À quoi nous conduira la junk tv ?
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Hervé Kabla, ancien patron d’agence de comm’, consultant très digital et cofondateur de la série des livres expliqués à mon boss.
Crédits photo : Yann Gourvennec