El Reino
Le mélange des genres « thriller » + « politique » produit parfois des résultats intéressants. De JFK à I comme Icare en passant par L’affaire Pélican, nombreux sont les exemples de films sortis ces 50 dernières années, centrés sur une affaire délictueuse qui éclabousse l’administration au pouvoir. Dans cette catégorie, rares sont cependant les films qui atteignent la qualité de El Reino. Peut-être parce que l’histoire qu’on y raconte n’a pas de frontière, et semble quasi intemporelle. l’Espagne lui offre certes son cadre magnifique, mais elle pourrait se dérouler dans de nombreux autres pays démocratiques.
El Reino, c’est l’histoire d’une chute. Que dis-je, d’une chute, d’une descente aux enfers. Celle de Manuel Lopez Vidal. Jeune loup, passablement véreux comme la plupart des pontes du parti au pouvoir, pressenti pour en prendre la tête lorsque le leader actuel se retirera, tout lui a réussi jusqu’à présent. À le suivre déambuler de rendez-vous en rendez-vous pendant les premières minutes du film, on parviendrait presque à le transposer dans le paysage politique français, tant il ressemble aux quadras aux dents longues, qui agrémentent la vie politique à longueur d’année, et les pages intérieures du Canard Enchaîné chaque semaine.
Mais la vie politique, le palmipède est là pour nous le rappeler tous les mercredi, ce n’est pas le monde des bisounours. Le pouvoir, ça se prend, ça s’arrache presque. Et pour le conserver, il faut savoir se battre, savoir trahir, ou accepter d’être trahi. C’est justement ce qui arrive à Lopez Vidal : le grand déballage vient de commencer, une affaire de détournement de subventions de la commission européenne, sur fond de politique agricole commune. On veut se servir de lui comme bouc émissaire. Mais voilà, tout le monde y à goûté, et notre héros n’est pas prêt à payer pour les autres. L’exil en Amérique du Nord qu’on lui propose (et nous, français, avons bien sûr un exemple en chair et en os pour illustrer ce cas) ne lui sied guère : notre héros malgré lui ne l’entend pas de cette oreille, et veut faire payer les autres.
Y parviendra-t-il ? C’est ce que l’on va découvrir au fil de ces deux heures haletantes, qui s’achèvent sur une scène hallucinante, de celles qui vous font aimer le cinéma.
El Reino, c’est l’histoire du pouvoir qui protège le pouvoir.
El Reino, film espagnol de Rodrigo Sorogoyen, avec Antonio de la Torre dans le rôle principal.
Disponible sur Orange VOD.
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Hervé Kabla, ancien patron d’agence de comm’, consultant très digital et cofondateur de la série des livres expliqués à mon boss.
Crédits photo : Yann Gourvennec