Effondrement: Comment les sociétés décident de leur disparition ou de leur survie
Effondrement. Ce livre fait partie, comme Sapiens, de cette catégorie d’essais dont la lecture peut bouleverser votre vision du monde. Mais là où Yuval Harari cherche à influencer notre perception de l’histoire, Jared Diamond cherche, lui, à nous faire comprendre les périls qui menace toute forme de société humaine. Ce livre, d’une redoutable efficacité, mérite de figurer au programme de tout étudiant, pour qu’il comprenne dans quel monde il met les pieds, et l’impact de toutes les décisions qu’il ou elle prendra dans sa vie d’adulte.
Le constat que dresse Jared Diamond, c’est que tout groupe humain peut signer sa propre perte à plus ou moins brève échéance, s’il ne comprend pas que les ressources dont il dispose sont limitées. Pour étayer son propos, il prend pour exemple diverses sociétés qui ont disparu au cours des deux millénaires précédents: les Vikings du Groenland, les habitant de l’ile de Pâques, des iles de Pitcairn ou d’Henderson, les populations Mayas. Dans le premier cas, par exemple, les populations Vikings n’ont pas su s’adapter aux conditions terribles de la vie au Groenland, comparée à celle en Norvège: au lieu de s’adapter et de s’inspirer des Inuits, les Vikings ont maintenu leurs coutumes alimentaires, par exemple, qui ont conduit à l’érosion rapide de leur habitat.
Pour renforcer son discours, il oppose le destin de ces groupes d’individus à celui de groupes qui ont su prendre conscience plus ou moins à temps des risques encourus: les shoguns du Japon à l’ère des Tokugawa, les populations de Nouvelle-Guinée, ou les habitants de l’ile de Tikopia. Dans certains cas comme au Japon, la prise de conscience vient d’en haut. Dans d’autres elle vient d’en bas: tout le monde est concerné par les mêmes risques, du chef de la tribu à l’individu lambda.
Pour finir, Effondrement se livre à une analyse de la situation actuelle. En étudiant certaines populations confrontées à des situations explosives comme au Rwanda ou à une dégradation fortement visible des conditions de vie, comme en Australie. A chaque fois, Jared Diamond nous éduque de manière très progressive: on apprend plein de choses à la lecture de ce livre, qui permet de nous déniaiser sur certains problèmes environnementaux. Par exemple, sur la nécessité de certaines formes d’incendies de forêts dans les grandes forêts d’arbres ancestraux, pour éliminer les formes de végétation nuisibles: l’exemple du Montana est terrible. Ou sur la gestion d’une exploitation pétrolière propre dans des pays d’Asie du sud-est, rendue possible par une prise de conscience des exploitants déjà confrontés à des crises majeures.
La déforestation a un impact majeur sur l’économie de certains pays
On trouve également une grille d’analyse des principaux risques qui peuvent conduire à un effondrement d’une société – Jared Diamond adore les listes:
- la destruction des habitats naturels, en particulier les marais et la déforestation.
- la surexploitation des aliments sauvage, notamment des poissons
- la chute de la biodiversité, et a disparition d’espèces qui nous protégeaient des nuisibles
- l’érosion des terres arabes, par le vent ou par l’eau
- le coût croissant de production des énergies fossiles à moyen terme (le lire date de 2005)
- la consommation excessive d’eau
- le gaspillage de la lumière solaire: la photosynthèse à des fins humaines au dépens de la croissance des forêts
- la pollution par les déchets industriels, notamment ceux issus des mines, dont on parle peu parce qu’on ne les voit pas et qu’on ne voit pas les produits finis, contrairement au pétrole
- l’introduction d’espèces étrangères dans des habitats où elles détruisent rapidement la faune ou la flore locale, comme le lapin et le renard en Australie
- le réchauffement de la planète
- la croissance démographique
- la progression de l’impact écologique par habitant, notamment dans les pays du Tiers-Monde où des populations gigantesques n’aspirent qu’à rejoindre le mode de vie des habitants des pays occidentaux
Comme le rappelle Jared Diamond, pris un à un, tous ces problèmes pourraient être rapidement résolus. Mais ils sont très fortement liés entre eux: la déforestation, par exemple, accélère l’érosion des terres arables, ce qui pousse l’homme à faire appel à de lus en plus de produits issus de la chimie pour produire des aliments, conduit à une pollution accrue des nappes phréatiques, à la destruction des habitats marins, et à une pression démographique plus forte.
A un moment, Jared Diamond répond à une question apparemment simple, que lui a posée un élève: qu’a pensé l’habitant de l’ile de Pâques qui a abattu le dernier palmier? La réponse est simple: il n’a rien dû penser du tout. A l’époque où il a tranché le tronc de ce dernier arbre, les palmiers étaient déjà rares, il n’avait pas conscience de l’histoire de l’habitat forestier de cette ile. Ni du sens profond de son acte.
Les habitants de l’ile de Pâques ont détruit leur habitat, et n’ont laissé que des pierres…
Nous vivons sur une petite planète, de taille limitée. Nous ne pourrons pas continuer à la gaspiller au même rythme pendant longtemps. La prise de conscience doit être collective. Elle doit se faire au sommet, chez les élites, et à la base, auprès du peuple. Des pays entiers ont été capables de prendre de grandes décisions pour lutter contre les risques d’effondrement: le Japon en limitant l’abattage des forêts, la Chine en imposant le contrôle des naissances.
Il est temps que la prise de conscience globale ait lieu. Honnêtement, il n’y a pas de quoi être très optimiste…
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Hervé Kabla, ancien patron d’agence de comm’, consultant très digital et cofondateur de la série des livres expliqués à mon boss.
Crédits photo : Yann Gourvennec