Donner ou ne pas donner (à Wikipedia) ?

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Je suis depuis longtemps un grand fan de Wikipedia. J’ai toujours trouvé ce projet magnifique, dans son concept et dans sa mise en oeuvre. J’ai déjà rendu un hommage appuyé à cette encyclopédie en ligne, en 2021, à l’occasion de son vingtième anniversaire. Et je continue de contribuer, de temps en temps, en traduisant des articles, en en corrigeant certains ou en en créant de nouveaux quand cela se justifie. Bien sûr, cela ne s’est pas toujours passé sans heurts, et certains des articles dont je suis à l’orginie n’ont pas été approuvés, tandis que d’autres se sont remarquablement développés, comme celui sur le Msoki ou celui sur Waze (j’ai des goûts disparates, que voulez-vous…).

Chaque année, depuis une dizaine d’années, je me faisais un point d’honneur de participer à la campagne de financement de Wikipedia, avec une modeste contribution certes. Mais c’est bien le flot de modestes contributions, provenant de millions d’utilisateurs, qui est le mode opératoire de Wikipedia. Après tout, la culture et la connaissance valent bien un petit billet de temps en temps, billet qu’on n’a d’ailleurs aucun problème à dépenser dans une salle obscure, ou au restaurant.

Il y a quelque chose de pourri au royaume de Wikipedia…

Mais cette année, je me demande si je vais verser mon obole annuelle. À vrai dire, je ne me le demande même plus : je suis certain de passer mon tour. Pour quelle raison ? Tout simplement parce que Wikipedia est en train de dévisser sérieusement sur un terreau dangereux, celui de la haine d’Israel. Et que je ne vois pas comment sortir de cette spirale négationniste.

Je ne suis pas naïf sur les vertus et les risques de Wikipedia. Si j’ai longtemps apprécié ses bénéfices, je suis bien conscient des dangers que présente la possibilité d’une édition de tout article (ou presque) par n’importe qui (ou presque). Les tentatives de manipulation de l’encyclopédie en ligne se comptent par milliers, et touchent des domaines aussi variés que la politique, l’histoire ou l’entreprise. Je me souviens d’ailleurs d’être tombé un jour, par hasard, sur une de ces tentatives, vite corrigée, où un petit rigolo prétendait que le patron d’EY s’était fait construire une piscine au sommet de l’immeuble de l’entreprise. De tels actes de vandalisme sont repérés très rapidement, par des contributeurs rigoureux.

Bien sûr, la neutralité de point de vue est un idéal difficile à atteindre, et c’est un équilibre souvent précaire. Il faut le doigté et la diligence de nombreux contributeurs exempts de tout soupçon de clientélisme pour y parvenir, et ce n’est pas toujours facile. Sur les sujets très disputés, c’est d’ailleurs probablement irréaliste. Les articles d’une encyclopédie papier sont eux-mêmes, parfois, empreints des points de vue de leurs auteurs. Et ce n’est qu’au bout de long pourparlers entre contributeurs qu’on parvient à une version apaisée.

Mais il est un domaine sur lequel c’est de plus en plus difficile d’atteindre un équilibre, et sur lequel désormais Wikipedia ne me semble plus fiable : Israel. J’ai déjà évoqué la bannière qui apparaissait il y a quelques mois, sur Wikipedia. Mais il y a pire… Cela ne saute pas aux yeux, mais en comparant les différentes versions de certaines pages, en comparant la même page dans des langues différentes, ou en comparant certaines portions de pages avec d’autres, on se rend compte d’un mouvement de fond qui opère.

Génocide, génocide, est-ce que j’ai une gueule de génocide ?

Prenez par exemple l’article intitulé ‘Allégations de génocide des Palestiniens‘. Il fait l’objet, depuis plusieurs semaines, d’une guerre d’édition entre contributeurs qui cherchent à imposer leur point de vue. Pire, il a même été renommé par un contributeur tout simplement ‘Génocide des Palestiniens’, oubliant le terme allégation, et modifiant complètement le sens de l’article. Il semblerait que cette guerre d’édition soit arrivée à son terme et que l’article soit sous contrôle, mais c’est sans compter l’article intitulé ‘Risque de génocide à Gaza depuis 2023‘, qui me semble être un doublon – mais cela ne gêne personne.

Basculez ensuite sur la version anglaise de ces pages. Vous verrez que le même glissement sémantique est en cours sur les pages en anglais, intitulées ‘Palestinian genocide accusation‘ pour la première, et tout simplement ‘Gaza genocide‘ pour la seconde.

Cette campagne de dénigrement d’Israel sur Wikipedia est bien plus subtile qu’une opération de lifting de certaines pages. Comme l’explique cet article de Reddit, les changements opérés touchent aux sources des contenus des articles. Certains sites visiblement partisans sont cités comme des sources neutres, alors qu’elles portent clairement leurs sympathies vers le Hamas et ses affidés. À l’inverse, les sources qui prennent la défense du point de vue israélien sont bien évidemment taguées comme des sources sionistes ou d’extrême-droite, de manière à en briser toute légitimité.

Un puits sans fond…

Jusqu’où cela ira-t-il ? Je ne pense pas que cette dynamique cessera avec la fin du conflit à Gaza. Au vu de l’ampleur des modifications apportées, et de la hargne que mettent certains contributeurs dans leur combat pour imposer leurs points de vue, j’ai l’impression qu’on est parti pour des années de dénigrement d’Israel allant jusqu’à la manipulation des faits pour certains articles, ou l’occultation de certaines informations, au prétexte d’une absence de référence.

Qu’on comprenne bien le sens de mon article. Je ne suis pas opposé à toute critique d’Israel ou de la politique menée par Israel, d’un point de vue géopolitique ou autre. Tout pays a ses zones d’ombres, Israel comme les autres. Mais Israel reste une démocratie, avec une presse indépendante – ou du moins dépendante d’actionnaires économiques plus que politiques. On y a rarement vu des opposants pacifistes disparaître suite à des enlèvements, des meurtres, ou passés sous silence, comme dans d’autres pays. Et c’est avant tout pour assurer sa sécurité qu’Israel se doit de maintenir un niveau de vigilance militaire important.

Ce qui est en train de se dérouler sous nos yeux, cependant, c’est un glissement du conflit depuis le terrain géographique vers l’univers du digital. En quelque sorte, la guérilla armée menée par le Hamas et les autres groupes de combattants palestiniens se double d’une guérilla numérique, menée sur un terrain où la supériorité militaire joue moins : celui de la formation des idées.

Le danger est tout aussi grand. En modifiant Wikipedia, les supporters du Hamas et les défenseurs de la cause palestinienne sont en train d’influencer tout une génération d’individus incapables de se forger une idée juste par eux-mêmes, ou qui se satisferont de quelques lignes de Wikipedia pour tenir des propos hors sol. Demain, ce sera l’IA qui, abreuvée de contenus anti-israéliens, finira par être influencée elle aussi.

On en a la démonstration des conséquences terribles de ces méfaits numériques, presque tous les jours sur Twitter ou dans les rues de Paris, avec les cadres de LFI ou des individus lambda, qui se mettent à apostropher le moindre juif qu’ils croisent et à le qualifier de « génocidaire ». Quand ce n’est pas pour aller tout simplement tuer du juif

Tout cela n’augure rien de bon.

Et c’est pour cela que je ne verserai rien à Wikipedia cette année.

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