Différents contextes, différents douleurs, différentes expériences – Pr Fabrizio Benedetti, Université de Turin
Que connaissons-nous de la douleur et de ses variations en fonction du contexte?
Qu’entend-on par contexte? Et bien, lorsqu’on applique un traitement, on n’applique pas ce traitement dans le vide, mais dans un contexte lié à l’individu: culture, odorat, contexte social, etc. Ce contexte inclut, par exemple, les attentes du patient vis a vis du remède concerné: réduire ou supprimer la douleur, retrouver ses pleines capacités.
Il y a deux types de contextes. Le contexte positif, dans lequel le patient accepte avec plaisir le médicament. Et le contexte négatif, où le patient prend peur du médicament, du médecin ou du cadre général, par exemple si on lui explique que la douleur va croître.
Dans le cadre du contexte positif, du point de vue d’un spécialiste des neurosciences, comment fonctionne un placebo pour donner à un patient l’illusion qu’il peut supprimer la douleur? Après l’attribution d’un placebo à un patient, des zones du cerveau sont inhibées, donnant l’apparence qu’on ne sent plus la douleur.
Dans le cadre du contexte négatif, lorsque le patient s’attend à ce que la douleur augmente, le cerveau du patient active des zones liées à l’anxiété. C’est l’effet nocebo.
Il y a également des contextes avec des sens particuliers: c’est ce qu’on appel « l’effet récompense ». La tolérance à la douleur augmente, ou diminue, selon ce qu’on attend de celle-ci. Si on souffre de douleurs post-opératoires, par exemple, on s’attend à une rémission, et donc la tolérance à la douleur s’accroît, tandis qu’en cas de cancer, on s’attend à une fin tragique, et la tolérance diminue. C’est aussi le cas lors d’activités sportives: la tolérance à la douleur augmente, si on s’approche du but, de la victoire ou de la fin de sa course. Il en est de même pour certains rites religieux.
La tolérance à la douleur augmente également en fonction des explications qu’on a donné. Si on peut vous faire croire que les bénéfices d’endurer une douleur peuvent augmenter avec le temps, votre tolérance va augmenter tout autant.
Et puis il y a les douleurs en dehors de tout contexte. C’est le cas, par exemple, où une médication est administrée sans même qu’on l’explique au patient. Ou bien qu’une injection est réalisée non par un docteur ou une infirmière (injection ouverte), mais par un ordinateur (injection cachée). Ce qu’on constate, c’est que l’injection cachée est moins efficace, en perception de la douleur, qu’une injection faite de manière ouverte.
Une étude étonnante, où du metamizol est administré par voie directe (infirmier) ou cachée (piloté par ordinateur) auprès de cohortes de patients met en évidence ce point: les patients qui reçoivent le produit par injection ouverte revendiquent un bienfait, une diminution de la douleur, peu après l’administration. Le second groupe, lui, ne reconnaît aucune baisse de la douleur. Cela illustre parfaitement la complexité de la perception de la douleur…
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Hervé Kabla, ancien patron d’agence de comm’, consultant très digital et cofondateur de la série des livres expliqués à mon boss.
Crédits photo : Yann Gourvennec