Deuxième service…
Une tendance est en train de se diffuser en temps réel, sous nos yeux, dans le monde feutré de la restauration cachère. De plus en plus de restaurants cachères ont en effet adopté un deuxième service, le soir. En clair, si vous souhaitez dîner entre amis dans certains de restaurants cachères parisiens, vous devrez choisir entre une réservation à 19h30, ou une réservation à 21h30.
Entre le dîner et le souper, quoi.
Back to 19e siècle.
Service perdant
Et attention à ne pas trop bavarder avec vos amis, et à ne pas prendre trop de retard, si vous avez choisi le premier service : on vous le fera sentir dans certains lieux que je ne citerai pas, mais que vous ne tarderez pas à découvrir si vous fréquentez de tels restaurants… Vous aurez alors le plaisir de voir l’addition arriver avant même que vous ne la demandiez, et on vous rappellera que les clients qui ont réservé votre table à 21h30 sont en train de se les peler dehors, par votre faute. Pas d’autre choix, dans pareil cas, que d’avaler votre zabayon en deux coups de cuiller au risque de vous étouffer…
Je ne sais pas si cette mode du second service s’est aussi diffusée dans les restaurants non cachères – j’invite mes lecteurs et lectrices qui fréquentent de tels lieux à nous le dire en commentaire – et si la pression sur les consommateurs est aussi forte en fin de repas, mais pour moi, c’est un signe de plus de la faible qualité de service de nombre de restaurants cachères.
Travailler moins pour gagner plus
En soi, je ne vois pas de mal qu’un restaurant adopte un second service, et optimise l’allocation des ressources dont il dispose (personnel + foncier). La restauration est un métier difficile, et la qualité du service ne peut être attendue que d’établissements qui gagnent correctement leur vie.
Mais il ne faut pas que le bon rendement obère la qualité de service. Et que ce qui est un service rendu par le restaurateur à ses clients devienne un service rendu par les clients à leur restaurateur.
Les restaurateurs ont bénéficié, suite à la période covid, d’aides substantielles de l’état. L’accès aux trottoirs leur a permis parfois de presque doubler la surface de leur établissement. Tout cela va déjà dans le sens d’un meilleur rendement, et même s’il est paraît-il difficile de trouver de la main d’oeuvre dans ce secteur, dans l’ensemble, je n’ai pas l’impression que les établissements de la région parisienne souffrent au-delà du possible.
Alors certes, le prix des matières premières alimentaires a augmenté. Certes, le gaza gaz et l’électricité coûtent plus cher. Certes l’inflation menace toutes les formes de commerce. Mais de là à nous faire sentir que passé 21h15, il faut quitter la table, cela manque totalement de classe, et de vision à long terme.
À force d’être pressurisé, le client finira par changer ses habitudes.
Et par dîner à la maison.
Ou souper, selon l’heure qu’il lui sied.
Et sans que les voisins ne tapent à sa porte pour lui piquer sa place…
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Hervé Kabla, ancien patron d’agence de comm’, consultant très digital et cofondateur de la série des livres expliqués à mon boss.
Crédits photo : Yann Gourvennec
… « le gaza et l’électricité », tu es sûr ?…
Ha ha, bien vu, je corrige
J’ai assisté à ce genre de scène dans un petit resto chinois de la rue de Provence.
J’étais installé pour le repas de midi, il était tôt, j’étais le seul client.
Un chauffeur de car est venu dire au patron qu’il avait un groupe de Japonais à faire déjeuner, si possible.
— Je n’ai que quarante places.
— Ils sont quatre-vingts, mais je vais dire aux premiers servis de manger vite.
Je les ai vus se dépêcher d’avaler leur menu, mais ceux du second service n’ont pas voulu être en reste : ils ont mis encore moins de temps que leurs camarades.
Les quatre-vingts sont repartis, je n’avais pas fini mon repas.