Débusquer les mythes sur la transformation digitale
La transformation digitale est à l’ordre du jour dans de nombreuses entreprises. Comment l’aborder, comment la réussir, comment la diffuser? Cette préoccupation est devenue tellement obsédante chez certains, qu’elle prend l’aspect d’un dogme, d’une religion. Comme toutes les religions, elle dispose de temples, de prêtres, de gourous, d’adeptes et même, dans une certaine mesure de moments sacrificiels. Et comme toute religion, elle dispose de fervents défenseurs ainsi que de farouches opposants. Comme tout religion, enfin, elle peut être frustrante si elle nous enferme, ou épanouissante si on sait la maîtriser.
Cette maîtrise suppose qu’on en analyse les mythes fondateurs. Car il existe des mythes fondateurs de la transformation numérique. Sans en avoir conscience, nous les intégrons à notre propre réflexion, sans les remettre en cause. Suite à une récente intervention sur ce thème, chez un client, je propose au lecteur intéressé d’analyser cinq de ces mythes.
1er mythe : la transformation digitale concerne tous les secteurs… sauf le mien
De nombreux biais cognitifs influencent notre perception du monde. Nous avons tendance, c’est rassurant, à amplifier les défauts des autres, et à sous-estimer les nôtres. A ne pas voir midi à notre porte. Et à nous croire invincibles, surtout au sein de grands groupes au business florissant. Pourtant, un jour ou l’autre, on est rattrapé par cette fichue transformation numérique qu’on croyait réservée aux autres. Pensez à la photographie argentique, à l’industrie de la musique, aux sociétés de taxi, confrontées face à des bouleversements majeurs de leur activité par manque d’intérêt pour ce qui se passait autour d’eux.
2e mythe : la transformation digitale, c’est pour la génération Y
C’est un argument aussi ridicule, que de supposer, par exemple, que le vote électronique ne doit concerner que 10% de la population. C’est un compromis, un renoncement face à l’obstacle. Oui, la transformation digitale est difficile, mais ça ne veut pas dire qu’il ne faut pas l’affronter. Les jeunes sont mieux armés parce qu’ils n’ont connu que les systèmes récents. Mais ça ne veut pas dire qu’il faut renoncer à accompagner la transformation des seniors, de ceux qui ont vu d’autres choses. Leur avis sera bénéfique. Les modernes et les anciens se sont opposés de tout temps. Pourtant, il faut bien saisir que si les plus jeunes n’ont connu que le numérique, les plus vieux, eux, ont connu d’autres manières de travailler, souvent tout aussi efficaces. Leurs méthodes d’analyse ne passe pas que par le numérique, ils sont capables d’intégrer d’autres ingrédients aux recettes professionnelles. Il faut un juste mix des deux types de compétences et de profil pour réussi à avancer dans le digital.
3e mythe : la transformation digitale, c’est uniquement de la technologie
Si c’était le cas, les informaticiens seraient tous millionnaires. Pourtant, ce n’est pas le cas. Une bonne, voir une excellente technologie, ne suffit pas à réussir, dans le numérique. Encore faut-il savoir la vendre (cf. le point suivant), la marketer (idem). Encore faut-il que la direction comprenne à quoi cela sert (Kodak a conçu la photographie numérique avant tout le monde, et a décidé de s’en désintéresser…). Encore faut-il la diffuser. C’est une affaire de management, plus que de techno. Et l’on voit des sociétés qui ne réalisent pas de prouesses techniques extraordinaires (ex: Uber ou AirBnB) réussir à transformer des pans entiers de l’économie.
4e mythe : la transformation digitale, c’est le job du CDO
Il doit être bien fort, votre CDO, s’il est capable de tout changer tout seul. Car c’est de cela qu’il s’agit, de manière implicite, si la transformation ne repose que sur ses épaules. Comme l’a énoncé Sathya Nadela, CEO de Microsoft, lors d’une conférence à Rome, e digital touche quatre piliers : les employés, les clients, les produis, les processus. Pour réussir la transformation, il faut partir des besoins des clients – donc du marketing, pour aborder les produits – donc la recherche, le développement et les produits – pour passer aux ventes, à la distribution, aux partenaires, à la finance, à la communication. Et donc aux RH, car il faudra bien former ou recruter tout ce monde. Sans oublier le président, qui doit comprendre ce qui se passe, et les actionnaires, qui pourraient prendre de graves décisions. Alors, c’est toujours le job du CDO ?…
5e mythe : j’ai déjà fait ma transformation digitale, c’est bon
Vous pensez qu’au terme de quelques mois ou de quelques années de réels efforts, vous êtes parvenus au terme de votre transformation digitale? Ce serait une grave erreur que de vous reposer sur vos lauriers. Car, comme un jardin qu’il faut entretenir, arroser, tailler, désherber de manière régulière, une entreprise numérique doit constamment se perfectionner, tester, abandonner, réévaluer, modifier ce qu’elle tenait pour acquis. N’oubliez pas que le numérique évolue constamment, que vos clients digitaux aussi, et que vos concurrents se transforment également, et peut-être à un rythme plus significatif.
Voilà, sans aller plus loin, je vous laisse réfléchir sur ces 5 thèmes. Et peut-être infléchir votre manière de concevoir la transformation digitale…
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Hervé Kabla, ancien patron d’agence de comm’, consultant très digital et cofondateur de la série des livres expliqués à mon boss.
Crédits photo : Yann Gourvennec
Je me transforme depuis longtemps et je suis loin d’avoir fini !
Mais, petite coquetterie, il m’est arrivé, encore en activité, de « faire le cacou » en réunion en sortant ma règle à calcul : j’ai été plus vite que le DAF !