De l’intelligence artificielle à l’intelligence animale
Cette semaine, et depuis quelques mois en réalité, on parle beaucoup d’intelligence artificielle. Et pas que chez Trump, évidemment. D’investissements dans l’IA, de risques liés à l’IA, des dangers pour l’éducation de nos chères têtes blondes, du risque sur l’emploi, et de plein d’autres choses angoissantes qui font frissonner les braves gens, le soir, en rentrant chez eux.
Parmi les risques souvent mis en avant, il y a celui bien évidemment de voir une IA dépasser l’intelligence humaine – ce qu’on appelle couramment une super intelligence. J’ai déjà évoqué sur ce blog des livres de prédicateurs alarmistes sur ce thème, me gaussant de leurs prémonitions qui me semblent un peu fantaisistes. Je doute de voir, de mon vivant, l’apparition un tel système, doté d’une conscience, même si les films d’anticipation du style de la série Terminator peuvent faire croire que cet avenir est proche.
Je doute, en effet, de l’apparition d’une conscience artificielle, tant qu’on n’aura pas reproduit, sur la machine, deux mécanismes qui sont, à mon sens, préalables à l’apparition d’une conscience : un mécanisme héréditaire d’une part, et un système nerveux capable de ressentir des sensations et des émotions, comme la peur, la haine, l’amour, la faim, la soif, le sommeil ou le manque.
J’y pensais en croisant un inconnu ce matin, qui promenait son chien, tout en téléphonant avec un ami. Ses propos m’ont interloqué : il annonçait à cet ami, en parlant de son chien, que son « enfant » fêtait aujourd’hui ses deux mois. Quelle étrange sensation, me suis-je dit. Cet individu, âgé d’une soixantaine d’années, considérait un chien comme un enfant, alors qu’il n’a aucune attache physique ou neurologique avec lui. Et je suis certain que son chien considère son nouveau maître comme son protecteur, susceptible de répondre à ses attentes de base, selon une sorte de pyramide de Maslow animale : manger, faire ses besoins, courir, et se sentir protégé par une espèce supérieure.
Qu’est ce qui induit de telles sensations ? D’abord, il faut disposer d’un système nerveux capable de ressentir. le chien, tout comme l’homme ou la crevette, dans une moindre mesure, en sont pourvus. Mais une IA ? Une IA a-t-elle soif ou faim ? Se sent-elle menacée, parfois ? A-t-elle envie de faire son petit pipi au coin d’un arbre ? Assurément non. Mais alors quelles émotions et quelles sensations pourrait ressentir une IA ? Je n’en sais fichtre rien, mais il me semble que la conscience de soi – le « je pense donc je suis » – animal, s’appuie d’abord sur des émotions.
C’est ensuite que je me suis demandé d’où pouvait venir ce système de sensations, et que j’ai basculé sur les mécanismes de reproduction et d’hérédité. S’il est possible d’entraîner une IA avec des données provenant d’une autre IA, comme DeepSeek le fait, il n’existe cependant pas de mécanisme héréditaire, ni de reproduction sexuée chez les IA. Impossible donc de ressentir un lien affectif avec un père, une mère, ou tout autre entité ayant pu participer à sa genèse. Et impossible également de mettre en place des mécanisme de sélection naturelle, à la sauce Darwin.
Le jour où un laboratoire spécialisé en IA se lancera à simuler une reproduction sexuée et un système nerveux, et à franchir le pas qui sépare une intelligence artificielle d’une intelligence animale (et non seulement humaine), je me mettrai peut-être à relire les livres d’anticipations fantasmagoriques sur l’IA. En attendant, je me content de les utiliser, comme des millions d’autres personnes – 1% de l’humanité, semble-t-il, ce qui est encore peu – comme des esclaves surdoués qui ne demandent qu’à répondre à nos questions. Sans préjuger de la qualité des réponses.
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Hervé Kabla, ancien patron d’agence de comm’, consultant très digital et cofondateur de la série des livres expliqués à mon boss.
Crédits photo : Yann Gourvennec