Courir avec un hijab ?
Une de mes scènes préférées des Aventures de Rabbi Jacob se déroule sans la présence de Louis de Funès: c’est celle où le commissaire Andréani, joué par Claude Piéplu, pénètre dans la synagogue et demande à ses deux adjoints de retirer leur chapeau. Bien évidemment, la première chose qu’on leur demande, c’est de se couvrir la tête. C’est ce qu’ils font sans demander leur reste, ni râler au nom de la laïcité. Nous étions au début des années 70, dans une France qui accueillait avec tolérance toutes sortes de pratique religieuse. Quarante ans plus tard, un couvre-chef un peu différent soulève une vague d’indignation et d’hostilité démesurée sur les réseaux sociaux – qui ne sont pas connus pour leur mesure, c’est vrai.
Chapeau bas, messieurs !
Pourtant, courir avec un tel accoutrement inspire chez moi beaucoup plus de respect que de rejet. Il en faut, du courage et de l’abnégation, pour fouler le macadam avec un hijab, sorte de masque qui doit probablement diminuer la capacité respiratoire de la personne qui le porte. Vous avez déjà essayé de courir avec un masque, vous? Sans parler de la chaleur et de la sudation que cela doit produire: regardez le visage des escrimeurs et des escrimeuses lorsqu’ils retirent leur visière de protection, ils sont en nage. Le seul cas où j’envisagerais d’en porter un moi-même, c’est lors de mes courses matinales, alors qu’il fait entre -1° et 1° Celsius…
Sans compter que le sport est, faut-il le rappeler, une source d’émancipation comme une autre. Et si encore il s’agissait de prosélytisme. Mais franchement, vous croyez vraiment que des hordes de coureuses en short et t-short moulant vont se précipiter vers les mosquées de France et de Navarre après avoir eu la révélation en croisant une coureuse en hijab? Non, évidemment.
La seule chose qu’on peut éventuellement reprocher à Decathlon – et encore, il faut une certaine dose de cynisme – c’est de se payer quelques pages de pub gratuitement en surfant sur cette vague d’indignation. Pour un produit à 30€, c’est un excellent retour sur investissement.
Pratiquer un sport en respectant ses convictions religieuses, cela ne provoque pas autant d’émois en dehors de notre pays. Courir avec une kippa, nager en jupe longue, cela ne choque personne en Israel. Il faudra alors se demander quelles seront les réactions du public français le jour où des sportives internationales viendront s’afficher dans de telles tenues et courir avec un hijab lors de grandes compétitions, par exemple aux Jeux Olympiques de 2024…
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Hervé Kabla, ancien patron d’agence de comm’, consultant très digital et cofondateur de la série des livres expliqués à mon boss.
Crédits photo : Yann Gourvennec
L’argumentation se défend, toutefois on ne peut ignorer que chez les jeune femmes (18-30 ans) portant le hijab, il s’agit parfois beaucoup moins d’une question de religion que d’une marque de repli identitaire et ethnique . Et d’ailleurs un imam l’a dit il y a quelques années dans une interview : il constatait que chez de nombreux/nombreuses jeunes le fait de se dire musulman(e) n’avait plus rien à voir avec la religion ou la spiritualité, mais seulement avec des revendications identitaires, parfois radicales. Ce que bien évidemment il déplorait.
Decathlon surfe sur la revendication identitaire.
Une autre forme de sport.
D’accord avec Sylvain, tout cela n’est pas de la religion mais de l’identité, souvent radicale.
Pour la chaleur et la sudation, il suffit d’aller en plein été observer les tenues de shtetl à Bnei Braq. Ou alors, aller voir les X et autres militaires parqués en uniforme sur les Champs avant le défilé d’un 14 juillet de canicule.
La grosse différence est que, dans ces deux cas, ils ne veulent pas imposer leurs idées au reste de l’humanité.