Coups droits et maladroits
Le weekend dernier a été marqué par des coups, portés de la main droite ou de la main gauche, qui ont surpris non par leur intensité, mais par leur spontanéité.
Bim !
Le premier, bien évidemment, c’est celui dont toute la presse parle depuis 24 heures. Il s’agit de la gifle que l’acteur Will Smith, durant la cérémonie des oscars, a portée contre un humoriste qui se moquait, avec une certaine maladresse, de la coupe de cheveux de l’épouse de Mr Smith. Il faut dire que la -dite épouse, elle aussi actrice, souffre d’une maladie dont la majeure partie de l’humanité a appris le nom à cette occasion, et qui se caractérise par une chute précoce des cheveux.
Il ne m’appartient pas ici de légitimer ou non de le geste de Mr Smith. Je ne suis pas un grand adepte de la violence, qu’elle soit verbale ou corporelle. Mais je note que l’acteur a préféré gifler sa victime, plutôt que de lui porter un uppercut, ce qui aurait été beaucoup plus dévastateur, comme le montre cet extrait de la scène finale du film Independance Day.
Will Smith, qui s’est vu remettre un oscar pour le rôle de père des soeurs Williams qu’il a tenu récemment, s’est excusé, auprès du public et des organisateurs, pour cet accès de colère. On ne lui en tiendra pas rigueur, après tout, qui ne s’est jamais énervé et qui n’a jamais fait preuve d’une certaine maladresse, dans un excès de colère ?
Bam !
Mais pour moi, ce n’est pas ce coup là qui marquera l’histoire.
Celui que je retiendrai pour quelques années encore, c’est celui porté par un jeune et talentueux joueur tennis américain, nommé J.J. Wolf. Et il ne s’agit ni d’une gifle, ni d’un uppercut, mais d’un coup droit, comme on en voit tous les jours au tennis.
Sauf qu’un coup droit comme celui-là, on en voit rarement.
Il s’agit en effet du coup droit d’un joueur … ambidextre.
Ainsi, en 32ème de finale – soit au second tour – du tournoi d’Indian Wells, alors qu’il était mené un set à zero par Tsitsipas, et que les joueurs étaient à égalité 5 jeux partout, J.J. Wolf a sorti un coup magistral – c’est au début de la première minute de la vidéo ci-après.
Alors qu’il est habituellement droitier et décoche des coups droits avec son bras droit, et donc des revers de la main gauche, sur une accélération de son adversaire, Wolf a simplement décidé de ne pas renvoyer la balle difficile qui lui était adressée d’un revers du bras droit, mais d’un coup droit du bras gauche…
Boum !
Pour mes lecteurs et lectrices qui ne jouent pas au tennis, une explication s’impose. Bien que les deux coups paraissent équivalents, ils n’impliquent pas les mêmes muscles, et n’ont pas tout à fait la même puissance. En général, un coup droit est plus puissant qu’un revers, qui nécessite un geste plus enroulé, un équilibre plus délicat. Et, me semble-t-il, un revers nécessite un temps de préparation plus important, une fraction de seconde de plus qu’un coup droit, à position équivalente. Quand on fait face à un adversaire au service puissant, cela peut faire la différence…
Cette différence entre les deux coups est bien connue des joueurs gauchers, qui bénéficient en effet d’un avantage sur le service de leurs adversaires. En effet, lorsqu’un joueur gaucher est mené au score avec un coup d’écart, sur un avantage de son adversaire ou une balle de 40-30, il reçoit sur sa gauche … autrement dit sur son coup droit, et non sur son revers, comme ce serait le cas pour un droitier. Résultat : le joueur gaucher peut parfois répondre avec un coup droit surpuissant, et revenir à égalité. Les amateurs de tels retours pourront revoir les matches de Jimmy Connors, de John McEnroe ou de Guy Forget pour apprécier mes propos.
Mais par rapport à un joueur gaucher ou droitier, un joueur ambidextre bénéficie d’un avantage supplémentaire : il peut sortir un coup droit dans toutes les positions. Alors qu’un gaucher doit quand même se satisfaire de revers quand il est à la droite du court de tennis, un joueur ambidextre, lui, peut décider – s’il en a le temps, ce qui est un autre sujet – de répondre d’un revers ou d’un coup droit.
J’ai eu la chance – mais est-ce une chance ? – de jouer contre un joueur ambidextre. Un de mes oncles était en effet capable, dans sa jeunesse, de jouer des deux mains. Il était très difficile de marquer un ace contre lui.
Coup droit contre coup maladroit, à vous de choisir ce que vous retiendrez du weekend passé.
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Hervé Kabla, ancien patron d’agence de comm’, consultant très digital et cofondateur de la série des livres expliqués à mon boss.
Crédits photo : Yann Gourvennec