Coupe du monde de football au Qatar : émois, émois, émois
Comme tous les quatre ans, la Coupe du monde de football est de retour. Youpi.
Et comme tous les quatre ans, le monde va se diviser en deux : ceux qui s’y intéressent, et ceux qui n’en ont rien à foutre.
Ou presque.
Car cette année, une troisième catégorie va émerger : ceux qui en pensent et en disent du mal. Ils sont de plus en plus nombreux, à se dire partisans d’un boycott de la world cup, à clamer haut et fort qu’ils ne regarderont pas les matches, à demander la fermeture des fan zones, et à taper sur le petit pays organisateur doté de riches gisements de gaz… Il faut dire que cette coupe du monde, la première organisée dans un pays arabe, la première organisée pendant l’hiver européen, n’arrête pas de faire jaser. Il y a quelques raisons pour cela.
Et un…
La première, c’est probablement les conditions de choix du pays organisateur. Des soupçons de trafic d’influence planent autour de la commission chargée d’effectuer ce choix. Les principaux dirigeants de la FIFA, et parmi eux un certain Platini bien connu des albums Panini, semblent avoir cédé à quelques pressions diverses et variées. Des soupçons, des conditionnels, mais aucune preuve tangible pour l’instant. Et en réalité, il faut bien avoir en tête que toute compétition internationale attire les convoitises et génère son lot de lobbying. Pourquoi celle-ci en serait-elle exempte ?
Et deux…
La seconde, ce sont les conditions dans lesquels le pays organisateur s’est mis en ordre de marche. Il a fallu construire des stades ex nihilo, dans des conditions difficiles. Une armée de travailleurs émigrés sont venus servir de main d’ouvre pour cela. De nombreux organismes accusent le Qatar d’avoir dissimulé des centaines de morts suspectes dans les chantiers qui ont été mis en place ces dernières années. Personnellement, je trouve cet argument passablement suspect. A-t-on vu les mêmes accusateurs s’exprimer pour dénoncer les conditions dans lesquelles se sont érigées les dizaines de gratte-ciels à Dubaï ou dans les villes de plusieurs millions d’habitants qui ont fleuri ces dernières années en Chine ? N’y a-t-il que lors d’une coupe du monde que les âmes charitables se réveillent ?
Et trois zéro
La troisième relève de la mouvance environnementale. Est-il raisonnable d’organiser une coupe du monde – ou un événement sportif d’une ampleur similaire – en plein désert, dans un pays où la température varie entre 30 et 50 degrés ? Est-il raisonnable d’organiser un événement qui attire autant de spectateurs dans un si petit espace, nécessitant de loger les spectateurs dans des villes situées à quelques centaines de kilomètres alentour, et donc uniquement accessible en avion ? Ce dernier argument me paraît le plus manipulateur. Car si on part de ce principe, alors à quoi bon organiser des événements mondiaux un point c’est tout ? Pourquoi les JO de Paris en 2024, ou la biennale de Venise, seraient-ils plus propres ?
En réalité, il y a quelque chose qui relève du mépris, dans cette troisième raison, invoquée par les partisans du boycott – voire, comme j’ai pu le lire, de l’annulation pure et simple de l’événement. Oui, les stades seront climatisés. Mais le concept de stade climatisé existe dans d’autres pays, comme aux Etats-Unis, et sont utilisés à une fréquence bien plus élevée. Oui il fait chaud au Qatar. Mais il fait aussi chaud dans certains pays d’Afrique, où se sont déroulés des événements sportifs pan-africains, sans qu’on n’entende de brouhaha à ce sujet.
Les partisans du boycott de cet événement sportif, qu’on apprécie le football ou non, font preuve d’un certain mépris, ai-je dit plus haut. Un mépris qui me semble somme toute assez occidental, et qui relève d’une forme de sentiment de supériorité des anciennes puissances coloniales vis à vis de pays qu’on pourrait qualifier de » nouveaux riches ». On refuse, en fait, aux pays en voie de développement, d’accéder aux mêmes droits, au même statut, que les pays soit-disant déjà développés. Comme si dans l’expression « Coupe du monde », la dimension mondiale était liée uniquement à l’origine des pays participants, et non au fait que tout pays peut un jour devenir pays organisateur. Cela, nos adeptes du boycott semblent l’ignorer.
Et si les Qataris veulent construire des stades, en quoi cela nous concerne-t-il ? C’est leur droit, tout comme les Saoudiens ont le droit d’imaginer une ville géante et high-tech en plein désert. Les Israéliens s’enorgueillissaient jadis de fleurir le désert. Les Qataris y font pousser du gazon. Ce n’est pas optimal, mais après tout, c’est leur pays, ils n’en ont pas d’autre, alors pourquoi pas ?
Si vous êtes arrivés au terme de cet article, vous l’aurez compris, je ne suis pas adepte du boycott. Je regarderai cette Coupe du Monde, dans la mesure du possible et en tenant compte du seul problème posé par cette éditions : de nombreux matches vont se dérouler en pleine journée en plein mois de novembre et de décembre.
Dommage qu’on ne l’ait pas décalée de deux semaines, cela aurait coïncidé avec les fêtes de fin d’années.
Mais je vois déjà des grincheux signaler qu’une finale de Coupe du monde le soir du réveillon, ça ne se fait pas…
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Hervé Kabla, ancien patron d’agence de comm’, consultant très digital et cofondateur de la série des livres expliqués à mon boss.
Crédits photo : Yann Gourvennec