Le coup d’état permanent
Empêtré dans ce Penelopegate qui n’en finit pas, François Fillon dénonce un « coup d’état constitutionnel ». Diantre. Qu’est ce donc que ce coup d’état bizarroïde? D’habitude, un coup d’état cherche à renverser le régime au pouvoir, et non à disqualifier un opposant, non? Et puis, un coup d’état, c’est un acte violent, une action menée par un groupe d’individus armés, comment peut-il être constitutionnel? On reste perplexe devant la formule.
A moins que François Fillon n’ait voulu faire référence à la réplique de Fernandel, dans François Ier – tiens, un autre François. A la question « Secret d’état? », l’acteur répondait « Non, Sire, des tas de secrets ». Ainsi pourrait-on répliquer à François Fillon: « Coup d’état? Non, Sire, des tas de coups ».
Car il en est ainsi de toutes les campagnes électorales: on y prend des coups. C’est même celui qui encaisse le mieux qui finit par l’emporter.
Découvrez d'autres articles sur ce thème...
Hervé Kabla, ancien patron d’agence de comm’, consultant très digital et cofondateur de la série des livres expliqués à mon boss.
Crédits photo : Yann Gourvennec
C’est le même François Fillon qui réclame que la justice aille vite, pour ensuite expliquer que la rapidité des juges est la preuve de l’existence d’un complot contre lui.
Juste : des tas de coups.
Je me demande si ces scandales ne sont pas une des rares façons que nous ayons de voir l’homme derrière l’image publique. Napoléon derrière Bonaparte.
Peut être aussi que le monde est devenu plus dur, pour les petits, mais aussi pour les grands ?
Un coup d’Etat ne concerne pas seulement la conquête du pouvoir mais aussi sa conservation: les coups d’Etat de Fructidor et de Floréal sous le Directoire relèvent de ce cas. Et par le coup d’Etat de 1851, Louis-Napoléon Bonaparte est resté à la tête du pays.
Par ailleurs, certains étendent le sens à chaque épisode où la constitution n’est pas respectée dans sa lettre ou dans son esprit. C’est dans ce cadre que Mitterrand parlait d’un coup d’Etat permanent, visant a priori mai-juin 1958 et l’automne 1962. Ou que Eric Zemmour qualifie de coup d’Etat la décision du Conseil Constitutionnel en 1971 par laquelle il s’arroge une compétence contraire à l’esprit de la constitution.
Cette année, la Justice, par une action précipitée et tardive, tente de fait d’invalider le candidat du principal parti d’opposition et donc fausse l’élection présidentielle et le fonctionnement normal des institutions. Qualifier cette action de coup d’Etat ne me semble pas extravagant.