Comment mater les GAFAM ?
Dans le match qui oppose les GAFAM aux gouvernements occidentaux, les premiers semblent souvent avoir pris le dessus. Que ce soit en matière d’optimisation fiscale ou de protection des données, les Google, facebook et autres géants de la tech américaine savent comment se tirer des mauvais pas et retourner la situation à leur profit. D’ailleurs, l’évolution de leur cours de bourse ces derniers mois, ainsi que leurs somptueux bénéfices, sont des signes de leur insolente santé, alors que les états qui leur font face doivent depuis plusieurs décennies jongler avec des déficits abyssaux.
En matière de reprise en main des géants de la tech, la Chine vient pourtant de donner, l’année passée, une magistrale leçon, dont les démocraties occidentales auront bien du mal de s’inspirer. C’est ce que rappelle The Economist. L’auteur de cet article cite trois axes sur les quels le gouvernement chinois a montré qu’il surpasse, et de loin, le savoir-faire occidental.
D’abord, sur la vitesse. Les procédures lancées contre les GAFAM mettent souvent plusieurs années avant d’aboutir à des amendes sans aucune mesure avec leurs résultats actuels. C’en est presque risible. En Chine, les rappels à l’ordre lancés contre les patrons Alibaba, Pinduoduo et ByteDance (la maison-mère de TikTok) ont porté leurs fruits en quelques mois à peine. Les entreprises de la tech chinoise, tout comme leurs patrons, n’ont pas le temps de voir venir ni de réagir. La reprise en main est brutale et sévère.
Deuxièmement, le périmètre des actions menées. Au lieu de lancer des enquêtes qui mettent des mois à aboutir, pour établir les faits et expliquer, de manière subtile et très technique, ce qui est reproché aux acteurs de la tech, les autorités chinoises n’hésitent pas à faire évoluer le cadre législatif, ou inventer des motifs audacieux, comme la discrimination sur les tarifs en ligne, ou des irrégularités en matière de fusion et acquisition.
Enfin, la sévérité des mesures prises. Les actions menées contre ces entreprises touchent directement au porte-monnaie. La valeur des 5 géants de la tech chinoise a fondu de 150 milliards de dollars, alors que celle des GAFAM, comme on l’a déjà dit, s’est envolée. Il faut dire qu’en mettant un terme, par exemple, à des procédures de cotation à l’étranger pour lever des fonds, on touche directement à la valeur perçue, et que l’impact est immédiat sur le cours de bourse… Pire, on a vu les patrons de certaines entreprises, comme Jack Ma, disparaître plusieurs semaines, avant de revenir aux affaires avec des ambitions plus mesurées, et surtout un renoncement définitif à l’envie de s’immiscer dans les affaires de l’état.
Mon propos ici n’est évidemment pas de suggérer aux états occidentaux ou à l’union européenne de suivre le même type d’approche. Mais l’exemple chinois montre simplement qu’en matière d’autorité, un état ne peut se laisser dicter ses lois par une ou plusieurs entreprises, fussent-elles au service d’une mission pacifique. C’est une affaire de valeurs, de respect, et de modèle de société.
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Hervé Kabla, ancien patron d’agence de comm’, consultant très digital et cofondateur de la série des livres expliqués à mon boss.
Crédits photo : Yann Gourvennec